François Ruffin s’en prend à Jean-Luc Mélenchon et à la stratégie électorale de la France insoumise
Le député de la Somme, en rupture avec les insoumis, juge que la stratégie du mouvement de gauche radicale encourage la construction de « murs » dans la société.
POLITIQUE - Rentrée dans le vif du sujet. Relativement discret depuis les élections législatives, et les péripéties politiques qui les ont suivies, François Ruffin retourne sur le devant de la scène. Le député de la Somme, en rupture avec la France insoumise, publie un livre « Ma France en entier, pas à moitié » et en assure la promotion dans les médias.
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Spoiler : cet ouvrage, après « Je vous écrit du front de la Somme » ou « Ce pays que tu ne connais pas », ne va pas plaire à Jean-Luc Mélenchon. Car il dresse un réquisitoire de la stratégie insoumise depuis 2022, tournée presque exclusivement vers les abstentionnistes, les villes, les quartiers populaires, et dénonce les « murs » dressés par la formation de gauche radicale dans la société.
« Un choix nous sépare avec la direction des insoumis depuis deux ans. C’est un choix de se dire est-ce qu’on parle au pays en entier, ou au pays à moitié », a-t-il ainsi résumé, ce mercredi 11 septembre sur BFMTV, en revenant, notamment sur ses dernières batailles électorales dans la Somme.
Campagne « au faciès »
Dans son livre, le député explique avoir mené une campagne « au faciès » lors des législatives 2022, malgré sa « honte » de procéder ainsi. « Dans les immeubles d’Amiens nord, quand je tombais sur un noir ou un arabe, je sortais la tête de Mélenchon en bien gros sur les tracts. C’était le succès presque assuré », raconte-t-il, « mais dès qu’on tombait sur un blanc, ça devenait un verrou. »
Sur BFM, l’élu a également commenté une vidéo récente dans laquelle Jean-Luc Mélenchon décrypte et assume sa stratégie. Dans cette séquence, captée par les caméras de Quotidien en marge de la manifestation pour la destitution d’Emmanuel Macron samedi, et largement relayée sur les réseaux sociaux depuis, le fondateur de la France insoumis enjoint une militante à « mobiliser la jeunesse et les quartiers populaires. »
« Tout le reste, laissez tomber, on perd notre temps », tranche-t-il encore, sans forcément savoir que ses propos sont enregistrés. Un mot d’ordre également résumé par le numéro 1 de la machine LFI Manuel Bompard dans une note de blog publiée en août sous le titre « Quatrième bloc. La stratégie gagnante de la France insoumise. »
Réplique de François Ruffin, aux propos de Jean-Luc Mélenchon : « Est-ce que c’est perdre son temps de parler aux éboueurs d’Abbeville qui se lèvent à quatre heures du matin et viennent de perdre leur prime ? Est-ce que c’est perdre son temps de parler à l’aide soignante qui se prive de vacances et ne pourra pas offrir à sa fille son activité poney ? »
Ruffin veut « bâtir des ponts »
« Je ne crois pas. Je pense que c’est l’honneur et le devoir de la gauche de vouloir faire France ensemble », a-t-il insisté ce mercredi sur BFMTV. Car, pour le député, qui a réuni plusieurs personnalités de gauche lors d’un événement politique en août dernier, son camp doit bâtir des « ponts » et ne pas encourager la création de « murs dans la société », comme le permet selon lui la stratégie des insoumis.
Dans Le Nouvel Obs, il perçoit dans cette stratégie un « mépris » de Jean-Luc Mélenchon à l’égard de la France périphérique. Dans son livre, il assure d’ailleurs que le leader insoumis utilise des mots blessants à l’égard de la population d’Hénin-Beaumont, où il a affronté Marine Le Pen en 2012 : « Quand il me racontait Hénin, c’était à la limite du dégoût : “On ne comprenait rien à ce qu’ils disaient”… , “ils transpiraient l’alcool dès le matin”… , “Ils sentaient mauvais”… , “Presque tous obèses”… ». De quoi mesurer l’ampleur de la fracture.
Autant de critiques également exprimées par une autre figure de la gauche radicale, Clémentine Autain, en cette rentrée politique. La députée de Seine-Saint-Denis, qui a elle aussi rompu avec LFI, puis créé le mouvement l’Après avec d’autres anciens insoumis, juge dans les colonnes de Libération que la gauche doit désormais aller au-delà de ses « points de force. » Elle doit, selon elle, dépasser « la jeunesse, les cœurs de métropole et les quartiers populaires à forte population issue de l’immigration » pour « se faire aimer dans d’autres parties de l’électorat. »
« Il y a des trous béants dans certains territoires, notamment les sous-préfectures, beaucoup à reconquérir chez les ouvriers et employés, du boulot pour convaincre les personnes âgées », estime encore la députée qui plaide, comme d’autres dans son camp, « pour la culture de l’union à gauche et pour un profil moins clivant. »
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