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Hollande inquiet d'actions militaires "contradictoires" en Syrie

A l'occasion d'un discours mardi aux ambassadeurs à Paris, François Hollande a jugé que les interventions militaires russe et turque en Syrie portaient un "risque d'embrasement général" et a demandé d'urgence l'arrêt des combats. /Photo prise le 30août 2016/REUTERS/François Mori/Pool

par Marine Pennetier et John Irish PARIS (Reuters) - Les interventions militaires "contradictoires" en Syrie font peser un "risque d'embrasement général", a estimé mardi François Hollande, pour qui arrêt des combats et retour à la négociation sont une "urgence absolue" cinq ans après le début du conflit. "Depuis près d’un an, la Russie apporte son concours au régime de Bachar al Assad, qui utilise ce soutien pour bombarder des rebelles mais aussi des populations civiles, ce qui fait le jeu des extrémistes de tous bords", a déclaré le chef de l'Etat aux ambassadeurs français réunis à Paris. "Aujourd’hui, c’est la Turquie qui fait le choix de déployer une partie de son armée sur le territoire syrien pour se défendre contre Daech, ce qui peut parfaitement se comprendre après les attaques que ce pays a subi (...) mais aussi pour mener des actions contre les Kurdes, qui eux-mêmes affrontent l’Etat islamique avec le soutien de la coalition." Pour François Hollande, "ces interventions multiples, contradictoires, portent des risques d'embrasement général". "Aussi, l'urgence absolue c'est l'arrêt des combats et le retour à la négociation", a-t-il ajouté. Près de 300.000 personnes ont été tuées en Syrie dans cette crise qui a commencé par une contestation pacifique du régime syrien avant de se transformer, sous l'effet de la répression, en rébellion armée, rejointe par la suite par des groupes djihadistes, dont l'Etat islamique. A l'exception de la lutte contre l'EI, les différents acteurs régionaux et internationaux impliqués dans le conflit ont des intérêts divergents et s'opposent sur la réponse à apporter à la crise. Moscou et Téhéran soutiennent militairement le régime de Bachar al Assad. Les monarchies du Golfe et les Occidentaux réclament eux le départ du président syrien du pouvoir et arment ses opposants sur le terrain. Quant à la Turquie, longtemps accusée d'agir a minima contre l'EI, elle mène depuis le 24 août une opération militaire sans précédent dans le nord de Syrie, qui vise à la fois les djihadistes et les milices kurdes YPG. "RAISONS MORALES" Cette opération embarrasse ses partenaires européens et américains qui soutiennent militairement les combattants kurdes. L'envoyé spécial des Etats-Unis auprès de la coalition anti-EI, Brett McGurk, a jugé lundi "inacceptables" les combats entre forces turques et kurdes "dans des secteurs où l'EI n'est pas présent" et a appelé tous les acteurs armés à la retenue. Le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault, a quant à lui appelé ce week-end la Turquie à ne pas céder à la tentation de "traiter" la question kurde en Syrie. Depuis le dernier cycle des négociations de Genève entre l'opposition et le régime syrien en avril, les discussions sont au point mort et la situation humanitaire à Alep, la grande ville du Nord théâtre de combats entre forces gouvernementales et rebelles, se dégrade. Alep "est au moment où je parle assiégée, pilonnée, affamée", a dit François Hollande. "Une catastrophe humanitaire à grande échelle est en cours. Il est donc plus que temps de faire cesser ce carnage et la France appelle ici immédiatement à la trêve". Concernant l'utilisation d'armes chimiques par le régime et l'EI, confirmée par une enquête récente de l'Onu, la France travaille "à l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité pour condamner ces actes abominables et prévoir des sanctions contre les auteurs", a déclaré le chef de l'Etat français. "Personne, aucun membre permanent du Conseil de sécurité, n'a intérêt à ce que l'emploi d'armes chimiques se banalise", a-t-il dit. "J'appelle donc chacun à prendre ses responsabilités". En marge de la conférence des ambassadeurs à Paris, Jean-Marc Ayrault a souligné que la priorité était désormais "d'obtenir une condamnation explicite" par le Conseil de sécurité de l'Onu. "On ne peut pas, pour des raisons morales, faire l'impasse et ne pas être clair", a-t-il dit à des journalistes. "Ce que nous voulons, c'est une résolution chapitre 7 [qui permet l'usage de la force-NDLR) mais pas une résolution a minima." Depuis le début du conflit, Russie et Chine ont opposé à plusieurs reprises leur veto à des propositions de sanctions du régime de Damas. "Le régime et ses soutiens étrangers croient toujours à une solution militaire alors que l’issue est politique", a souligné François Hollande, précisant qu'il en parlerait au président russe Vladimir Poutine lors du G20, début septembre, et lors de sa visite en octobre à Paris. (Avec Elizabeth Pineau et Jean-Baptiste Vey, édité par Emmanuel Jarry)