Les Français continuent de s'éloigner des partis politiques

D'après une enquête Ifop pour la Fondation Jean Jaurès, la désaffiliation politique des Français est à l'origine d'un jeu électoral "imprévisible", réservoir d'une forte abstention. Depuis le big bang en 2017 de Macron, la part des sympathisants des partis traditionnels s'effondre.

Un tremblement de terre. Cinq ans après l'élection d'Emmanuel Macron, porté au sommet de l'Etat sur une promesse de dépassement des partis, les failles sont béantes, d'après une enquête Ifop pour la Fondation Jean Jaurès parue mardi.

Fini l'adhésion des Français à l'alternance classique entre la gauche socialiste (PS) et la droite républicaine (LR, ex-UMP). Alors que ces deux partis constituaient les principaux pôles de la vie politique jusqu'en 2017, la part de leurs sympathisants respectifs s'est effondrée depuis.

Ainsi, entre 2013 et 2021, LR passe de 23% de Français sympathisants à 8%, comme le PS qui évolue de 21% à 8%.

"Depuis le big bang (de l'élection d'Emmanuel Macron, NDLR), ce duopole n’a jamais su retrouver sa place", explique le chargé d'étude à l'IFOP Paul Cébille, dans son commentaire.

"Balkanisation" de la sympathie partisane

"Cette étude fait apparaître une 'balkanisation' de la sympathie partisane des Français avec en parallèle une progression forte de la désaffiliation politique (se traduisant par une spectaculaire hausse de l’abstention) qui crée une nouvelle 'manne électorale' instable pour les candidats aux différentes élections. Le jeu électoral s’en trouve bouleversé et devient de plus en plus imprévisible", explique Paul Cébille.

A noter toutefois, les partis traditionnels font de la résistance à chaque élection locale (municipales, départementales et régionales).

Un tiers de "sans préférence partisane"

Autre phénomène: une instabilité du champ politique liée à une part croissante de personnes interrogées qui disent ne se rattacher à aucune formation politique existante, malgré les douze choix proposés dans l'étude. Stable de 2013 à 2017 (à 10%), cette proportion des "sans préférence partisane" progresse de 20 points entre le début du quinquennat et l’été 2019 (30%).

Depuis, cette désaffiliation d'un tiers des Français n'a pas diminué, s'inscrivant dans la durée. Le signe d'un électorat plus volatil, avec le risque de grossir les rangs de l'abstention.

"Conséquence d’une distance grandissante entre le monde politique français et les électeurs, nourrie d’une défiance confirmée vis-à-vis des partis politiques, ce nouveau champ politique encore mal stabilisé semble avoir vu s’éloigner une part non négligeable des Français de la vie politique partisane."

L'implantation de Macron

Malgré les difficultés rencontrées par le président lors de la crise des gilets jaunes et le déficit d’implantation locale de son mouvement, un socle "non négligeable et stable" de Français maintient son rattachement partisan à LaREM: 13% à l’été 2019 et 15% à l’été 2021. Le parti "apparaît désormais comme l’une des principales forces politiques du pays", pointe l'étude.

L'enquête note que le glissement de son électorat "s’est opéré non pas vers la droite comme on a pu le lire, mais vers le centre-droit". La part de sympathisants LaREM de centre-droit évolue de 40% à 52%, alors que la part de ceux se positionnant à droite, ne progresse que d’un point (de 16% à 17%), selon un baromètre Ifop pour L’Humanité.

Les "doutes" sur Le Pen

Du côté de Marine Le Pen, le RN semble avoir été "épargné" par la mutation du système partisan français en restant stable (autour de 13%-11% des citations). La baisse a eu lieu assez récemment, "bien après le second tour de l’élection présidentielle et la prestation ratée de Marine Le Pen au débat d’entre-deux tours" remarque l'Ifop, chutant de 5 points entre 2019 et 2021, passant à seulement 6% des citations.

"Cette chute marque sans doute le constat d’échec d’une certaine stratégie de normalisation du parti frontiste qui peine à encore attirer les Français alors qu’il occupe pourtant le terrain d’une offre politique jusqu’ici délaissée", analyse l'enquête.

Sans oublier un manque d'ancrage local, et des "doutes" sur la capacité de Marine Le Pen à l’emporter au second tour de l'élection présidentielle. "Une bonne partie des électeurs frontistes viennent sans doute grossir désormais les rangs des personnes déclarant ne se rattacher à aucun parti politique", conclut l'étude.

Méthodologie: travail mené sur des cumuls de données Ifop sur la proximité partisane déclarée des Français depuis 2013.

Article original publié sur BFMTV.com

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