Françafrique : il faut sortir du ressentiment
C'est l'histoire d'une douloureuse captivité. Les intellectuels, artistes et écrivains africains francophones ont tous à un stade de leur carrière été accusés d'être à la solde de la France. Dociles. Aliénés. Qu'il s'agisse de Léopold Sédar Senghor, académicien, poète et premier président du Sénégal postindépendance, Yambo Ouologuem, Prix Renaudot 1968, ou encore Mohamed Mbougar Sarr, Prix Goncourt 2021, tous ont dû subir ce procès en disqualification.
Page de couverture du dernier opus d'Elgas qui porte sur le malaise post-colonial. © DR
Parce que reconnus, primés, lus en France. Ils sont des exemples parmi tant d'autres d'une querelle ancienne et fratricide, d'un long malaise intellectuel et identitaire. Tout avait pourtant bien commencé. La rupture tant prônée avec la France est au départ porteuse d'espoir, énergie libératrice qui a lancé la dynamique des indépendances. Dans les années 1970, il y a là un élan postcolonial théorisé entre autres par Edward Saïd penseur palestino-américain, qui critique le dévoiement des Lumières françaises dans l'entreprise coloniale, sans jamais renier l'opportunité que la philosophie des Lumières représente, et ce qu'elles fondent de droits humains universels. Toutefois, interprétée hâtivement, surtout en France, la pensée décoloniale est dans une logique de rupture. Le courant de pensée originel est au fil du temps dévoyé au profit d'une logique qui s'acharne plus à traquer les ennemis qu'à rechercher des alternatives [...] Lire la suite