David Cameron s'estime doté d'un mandat pour réformer l'UE

Quatre jours après sa large victoire aux élections législatives, dans laquelle il dit voir un "mandat" pour mener de difficiles négociations avec l'Union européenne, David Cameron a continué lundi à dévoiler la composition du nouveau gouvernement britannique. /Photo prise le 11 mai 2015/REUTERS/Stefan Wermuth

par Andrew Osborn et Kylie MacLellan LONDRES (Reuters) - David Cameron a qualifié lundi sa large victoire aux élections législatives de jeudi dernier de "mandat fort" pour renégocier les termes des relations entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne, une tâche qu'il admet "difficile" mais en vue de laquelle il s'est entouré de fidèles au sein de son nouveau gouvernement. Le Premier ministre a assisté lundi à une première réunion des nouveaux élus du parti conservateur, qui détient la majorité absolue à la chambre des Communes et a affiché à cette occasion son "unité", selon les participants. Conforté par son triomphe électoral inattendu, David Cameron a félicité ses troupes pour leur victoire mais les a mises en garde contre tout relâchement en prévision des joutes européennes à venir. "Nous avons un mandat, ce sera à l'évidence difficile, mais nous avons un mandat", a-t-il dit à la presse avant d'entrer au Parlement où il a été longuement et bruyamment acclamé par le "1922 Committee", le groupe des élus conservateurs. David Cameron a fait de la renégociation des termes de la relation entre Londres et Bruxelles la priorité de son nouveau mandat et a promis de convoquer un référendum d'ici la fin 2017 sur l'appartenance de la Grande-Bretagne au bloc des Vingt-Huit, une décision aux implications majeures pour l'économie du pays et sa place dans le monde. Pour mener à bien cette tâche, le Premier ministre a décidé de s'entourer de fidèles au gouvernement, d'autant qu'il n'a plus à s'embarrasser d'une alliance avec les Libéraux démocrates, comme c'était le cas depuis 2010. Après avoir confirmé dès vendredi les ministres de l'Intérieur, Theresa May, de la Défense, Michael Fallon, des Finances, George Osborne, et des Affaires étrangères, Philip Hammond - ces deux derniers étant chargés de négocier avec l'UE -, David Cameron a promu lundi deux figures montantes du parti tory. DES FIDÈLES PROMUS AU GOUVERNEMENT Amber Rudd au poste de l'Energie, Sajid Javid à celui des Entreprises remplacent deux ministres LibDem et présentent tous deux la particularité d'être issus du secteur bancaire. Amber Rudd, qui était depuis 2014 secrétaire d'Etat chargée des questions liées à l'énergie et au climat, devra notamment trancher le débat sur l'exploitation du gaz de schiste en Grande-Bretagne. Elle s'est déjà engagée à poursuivre la transition vers les énergies renouvelables en disant vouloir favoriser l'innovation et la réduction des coûts. Sajid Javid, ministre de la Culture dans le gouvernement sortant, a pour sa part été lors de ses débuts en politique, en 2010, un proche collaborateur de George Osborne, dont un autre ancien assistant, Greg Hands, a lui aussi été promu au poste de numéro deux du ministère des Finances, où il sera chargé du chantier de la baisse des dépenses publiques et du contrôle du déficit budgétaire. EEF, la principale fédération patronale de l'industrie britannique, a déjà appelé Sajid Javid à oeuvrer à la mise en oeuvre de grands projets d'infrastructure comme l'extension de la capacité aéroportuaire de Londres et l'amélioration des réseaux routiers et ferroviaires. Son directeur général, Terry Scuoler, a également demandé au ministre de se prononcer en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne. "Je suis sûr qu'il comprend que l'immense majorité des entreprises qu'il va désormais représenter au gouvernement souhaitent que la Grande-Bretagne reste au centre d'une Europe réformée", a-t-il dit dans un communiqué. David Cameron se dit lui-même favorable au maintien de son pays dans l'UE, mais à condition d'obtenir de Bruxelles des concessions, ce que l'ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso a d'ailleurs estimé lundi probable, le Premier ministre britannique étant désormais en position de force. LES EUROSCEPTIQUES ENTERRENT LA HACHE DE GUERRE David Cameron aura néanmoins du mal à obtenir toutes les réformes qu'il souhaite, notamment la remise en cause de la liberté de circulation intracommunautaire, certains pays, comme la France, ayant déjà exclu une révision des Traités européens. Il sait aussi qu'il aura fort à faire pour convaincre, au sein même de son parti, un gros contingent d'eurosceptiques qui ne jurent que par le "Brexit", une sortie de l'UE, et cela peut-être dès que se seront estompées les ovations de la réunion de lundi, décrite par George Osborne comme un grand moment d'unanimité. "Nous avons vécu des moments forts comme celui où Bill Cash (NDLR: figure de proue des eurosceptiques) a promis sa loyauté indéfectible et a assuré que ce parlement ne serait pas comme les précédents", a dit le ministre des Finances. Un autre élu conservateur, Alistair Burt, a lui aussi assuré que les Tories avaient compris qu'ils ne devaient plus se déchirer sur la question européenne. "Nous savons les dégâts que cela a provoqué", a-t-il déclaré à Reuters. "Cela n'a rien réglé sur le plan des relations entre notre pays et l'Europe, cela n'a fait que nous détruire. Et le sentiment général est qu'il ne faut pas que cela recommence." Le dernier Premier ministre conservateur à avoir gouverné avec une courte majorité était John Major, qui disposait d'ailleurs d'un nombre de sièges un peu plus élevé que le sien et dont le mandat fut torpillé par les eurosceptiques il y a une vingtaine d'années. Si l'heure n'est plus aux déchirements, l'élu eurosceptique John Redwood a prévenu dans les colonnes de l'Observer que David Cameron serait surveillé de près. "Le Parti conservateur, qui meurt d'envie de restreindre le pouvoir d'ingérence de l'UE, va réclamer au Premier ministre le rétablissement d'une pleine autonomie", écrit-il. "Il n'y pas de désaccord sur l'objectif, mais le Premier ministre devra éviter de décevoir sur ce qu'il accomplira pour le promouvoir." (Avec William James et Mark Trevelyan; Jean-Stéphane Brosse et Tangi Salaün pour le service français)