Reconfinement : comment fonctionne le Conseil de défense, épicentre des décisions présidentielles?

La place et le rôle attribués au Conseil de défense ne cessent de grandir depuis le mandat de François Hollande et Emmanuel Macron en a fait son outil privilégié dans la coordination de la lutte contre le Covid-19.

Dans l'ombre il y a peu encore, il est devenu un rendez-vous incontournable du pouvoir et le métronome du quotidien des Français. Et ce malgré un intitulé qui a conservé quelque chose d'intimidant. Ce mercredi, Emmanuel Macron réunit ainsi autour de lui le fameux Conseil de défense pour la seconde journée consécutive.

Il s'agira d'acter le renforcement des mesures sanitaires afin de lutter contre la propagation de la deuxième vague de coronavirus, actuellement en pleine explosion. Un exemple de plus de la place prise par le Conseil de défense dans le processus de décision élyséen.

Les priorités du Conseil de défense

Ces séances bien méconnues ne sont cependant plus toutes jeunes. Emanation du Conseil supérieur de défense nationale et des comités de défense initiés dès 1906, des retouches "Ve République" de l'ordonnance du 7 janvier 1959, du Conseil de sécurité intérieure créé par Jacques Chirac en 1986, le Conseil de défense et de sécurité nationale a pris le nom sous lequel nous le connaissons désormais par le décret du 24 décembre 2009.

Le texte précise les objectifs poursuivis par cette institution:

"Le Conseil de défense et de sécurité nationale définit les orientations en matière de programmation militaire, de dissuasion, de conduite des opérations extérieures, de planification des réponses aux crises majeures, de renseignement, de sécurité économique et énergétique, de programmation de sécurité intérieure concourant à la sécurité nationale et de lutte contre le terrorisme. Il en fixe les priorités."

Un Conseil des ministres à la fois restreint et augmenté

L'instance est à la fois un Conseil des ministres restreint... et augmenté. Restreint, car n'y assistent en principe, sous la supervision directe du chef de l'Etat, que le Premier ministre, le ministre des Armées, ceux de l'Intérieur, des Affaires étrangères, de l'Economie, et du Budget, ainsi, bien sûr, que ceux dont les circonstances requièrent la présence. On pense au premier chef en ces temps de crise du Covid-19 au ministre de la Santé. Et augmenté, car le président de la République peut y convoquer hauts-fonctionnaires et officiers supérieurs selon les besoins.

Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, glisse auprès du Figaro : "C’est le lieu majeur de préparation des décisions du président de la République sur les enjeux essentiels de la sécurité du pays".

Lesdits enjeux essentiels du pays se sont diversifiés ces dernières années: sûreté face à la menace terroriste, opérations militaires extérieures, situation sanitaire, crises diplomatiques mais aussi urgence écologique.

Multiplication des Conseils de défense

Et le nombre des Conseils de défense est allé crescendo, depuis que François Hollande, poussé par la multiplication des attentats, a commencé à s'emparer du format courant 2015: selon le décompte livré ici par Le Républicain lorrain, on est passé de dix sessions en 2015, à 32 en 2016, puis 42 en 2017. Il faut dire qu'après l'attaque du 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais à Nice, la réunion au sommet a été promue créneau hebdomadaire. On est loin du rendez-vous stratégique annuel ou biannuel des Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac.

Le rituel, relaté ici par Le Figaro, quant à lui demeure stable. La veille de la tenue du Conseil, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale envoie aux participants, via une boîte mail sécurisée, le document préparatoire qu'il a établi en lien avec la présidence de la République.

Le jour J, les ministres se rendent à l'Elysée. Avant de pénétrer dans le saint des saints, on leur demande d'abandonner leur téléphone portable. Ils s'en remettent à un simple bloc-notes dont chaque page est barrée par les mots "secret-défense" en lettres capitales rouges, à la fois sur l'en-tête et en pied.

Déménagements

Où se déroule ce fameux rituel? L'emplacement du Conseil de défense a changé à plusieurs reprises. On a d'abord déménagé du "salon vert", mitoyen du bureau du chef de l'Etat, au "PC Jupiter", le bunker antiatomique situé 70 mètres sous le "Château" suivant les désidératas d'Emmanuel Macron. Mais le coronavirus, ou plutôt la distanciation sociale qu'il implique, a imposé de passer au salon Murat, résidence du Conseil des ministres.

A l'issue du Conseil de défense, on rédige un relevé de décision long d'une page. Ses membres n'ont pas le droit de laisser leurs notes sans surveillance, encore moins de les oublier. Les griffonages sans grande importance doivent être détruits, les autres documents remisés dans un coffre-fort.

La confidentialité des discussions et des mesures pronées est essentielle, et L'Opinion rappelle que si elle venait à être violée, le transgresseur encourrait jusqu'à sept ans de prison.

Là aussi, le virus change la donne

Seulement voilà, il y a Conseil de défense et Conseil de défense. Et ceux dédiés au Covid-19 n'ont pas tout à fait la pompe et la stature d'une séance consacrée à une "OPEX" (opération militaire extérieure) par exemple. Ainsi, les documents n'y sont pas tous classifiés. Le risque est alors double: galvauder l'événement et interférer avec le travail normal du gouvernement.

Xavier Bertrand, entendu le 22 septembre dernier par la commission d'enquête de la chambre haute sur la gestion de l'épidémie en sa qualité d'ex-ministre de la Santé, avait d'ailleurs ironisé devant les caméras de Public Sénat: "Le Haut conseil de défense, c’est ce qui est en train de remplacer le Conseil des ministres, en ce moment, c'est ça?"

Article original publié sur BFMTV.com

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