Fnac : fondateurs trotskistes, origine du nom…. Ce que vous ne connaissez pas sur l’une des enseignes préférées des Français pour Noël
Soixante-dix ans après l’ouverture de son premier magasin, la Fnac, associée à Darty depuis 2016, est aujourd’hui une multinationale cotée en bourse. Elle a pourtant été fondée par deux anciens militants trotskistes.
Chaque année, c’est la même histoire. À quelques jours de Noël, il est grand temps de dénicher un jouet pour votre neveu, un livre pour votre tante que vous n’avez pas vu depuis un an et un vinyle pour votre frère sans vraiment savoir quoi prendre. Alors, pour mettre fin au calvaire le plus vite possible, vous faites comme de nombreux Français, vous finissez par déambuler dans les rayons de la Fnac. Si cette marque légendaire est devenue au fil du temps un réflexe en matière de consommation culturelle, son histoire reste assez méconnue des Français. Quel est le sens de l’acronyme Fnac ? Qui a fondé cette entreprise ? Depuis quand l’enseigne existe-t-elle ? L’heure est venue de tout savoir pour briller lors du repas de Noël.
La Fnac, un nom qui "claque comme Kodak"
La Fnac est fondée en 1954 dans un petit appartement du boulevard Sébastopol, à Paris, par André Essel et Max Théret, deux militants trotskistes qui voulaient rendre la culture accessible à tous. L’acronyme de la Fnac désigne la "Fédération Nationale d'Achat des Cadres". Pourquoi ? Parce que les fondateurs de la chaîne de magasins spécialisés dans les produits culturels et électroniques souhaitaient donner un nom qui "claque comme Kodak". À l’origine, la Fnac est une entreprise militante. Venant de l’extrême gauche, les deux fondateurs se donnent une mission : redonner du pouvoir aux consommateurs face aux marques en leur permettant d’acheter des produits culturels sans se ruiner. Très vite, l’enseigne connaît le succès, permettant l'ouverture trois ans plus d'un premier magasin de photo, puis d'un rayon disque et un autre dédié aux appareils ménagers en 1961.
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Les salariés, souvent d’anciens militants étiquetés à gauche, sont choyés. "Ses employés bénéficient d'avantages sociaux rares pour l'époque : salaires indexés sur l’inflation et 5e semaine de congés payés, bien avant que celle-ci n’entre dans la loi, en 1981", relate Radio France. D’abord parisienne, la Fnac s’installe en région dans les années 1970, avec un premier magasin ouvert à Lyon en juin 1972, puis hors de nos frontières avec une première boutique à Bruxelles en 1981 et ensuite hors d’Europe, au Brésil, en 1998. S’appuyant sur des vendeurs experts dans leur domaine respectif, André Essel et Max Théret fondent une "grande surface" de la photo, puis du livre, puis des produits high tech.
Elle est à l’origine de la loi sur le prix unique du livre
1974 marque un tournant dans son histoire. Cette année-là, l’enseigne se lance dans la vente de livres avec l’ouverture d’un magasin rue de Rennes, à Paris, et des rabais systématiques de 20%. Les libraires indépendants ne l’entendent pas de cette oreille : “Vous êtes un casseur de prix, vous êtes un criminel !”, lâche le libraire Pierre Béarn lors d'un débat avec André Essel à la télévision en 1975. Le cofondateur de la Fnac ne se démonte pas et rétorque : "Est-ce que le livre est fait pour les lecteurs ou pour les libraires ?" Cette guéguerre débouchera en 1981 sur la loi Lang qui fixe le prix unique du livre.
Au fil de son développement et de son entrée en bourse au début des années 1980, l’enseigne va progressivement rentrer dans le rang et devenir un magasin comme les autres au point de s’éloigner des engagements de ses débuts. André Essel lui-même avouera, après un mouvement de grève en 1982, s'être demandé s'il n'était pas devenu "l'agent du capitalisme" inquiet de "trahir ses idées de jeunesse". Un pas de plus est franchi dans cette normalisation de l’enseigne quand le groupe Pinault prend le contrôle de l’entreprise en 1994. La Fnac continue de se développer et vient même défier son concurrent Virgin Megastore sur les Champs-Elysées en 1997.
Un concurrent nommé Amazon
Après avoir vaincu l’un, la première librairie de France doit lutter contre un tout autre adversaire : Amazon. Dès 2001, le site internet et Amazon.com, "la première librairie au monde", affirme être passé devant fnac.com en matière de visites. Qu’importe, l’enseigne continue de mener sa barque et de se diversifier. "En 2004, la FNAC lance son service de téléchargement de musique en ligne, Fnacmusic. En 2010, elle inaugure FnacNook, sa liseuse numérique et en 2011, elle lance sa tablette Kobo by FNAC, qui entre directement en concurrence avec la Kindle d’Amazon", énumèrent Les Échos.
Son mariage retentissant avec le spécialiste de l’électroménager Darty en 2016 pour concurrencer le mastodonte américain n’empêchera pas la Fnac de connaître des années plus délicates. Plombé par le Covid-19 mais aussi par l’inflation qui détourne les Français de ses 230 magasins répartis dans l’Hexagone, le groupe est par ailleurs le premier à bénéficier du prêt garanti par l’État avec un crédit bancaire à hauteur de 500 millions d’euros.
Comme un symbole, l’un de ses plus prestigieux magasins, celui situé sur les Champs-Elysées, fermera définitivement ses portes le 12 janvier 2025, vingt-huit ans après son ouverture en grande pompe. "Lourdement déficitaire depuis de nombreuses années", dixit le groupe, le magasin n’arrivait plus à capter les passants, souvent étrangers, davantage tournés vers les boutiques de luxe.