Avec la fin des Jeux olympiques, la fin d'un "moment suspendu" aux retombées "de courte durée" pour Macron
"Ces Jeux olympiques et paralympiques vont modifier l'avenir de ce pays", avait assuré Emmanuel Macron le 22 juillet, quatre jours avant la cérémonie d'ouverture. Deux semaines plus tard, la première séquence olympique n'est pas loin de s'achever -les Paralympiques se déroulant du 28 août au 8 septembre.
De ces quinze jours, on retiendra la joie, la concorde nationale et les exploits sportifs. L'heure est à la liesse. Le temps de la montée de l'extrême droite aux européennes, l'épisode de la dissolution surprise de l'Assemblée nationale et le résultat instable des législatives anticipées paraissent bien loin. Celle de l'image d'une France ingouvernable aussi.
"Le moment des JO de Paris est extrêmement agréable, la mayonnaise a pris, même au-delà des espérances", convient la communicante politique, Émilie Zapalski, interrogée par BFMTV.com.
"Mais c'est un moment suspendu pour Emmanuel Macron. Dans quelques jours, la réalité de l'instabilité institutionnelle resurgira", prévient-elle. Cette parenthèse enchantée devrait en effet s'achever rapidement, d'autant que le chef de l'État a donné rendez-vous à la mi-août pour nommer un nouveau Premier ministre.
Une cérémonie d'ouverture saluée
Sur ces JO de Paris 2024, l'attente était très forte et les critiques en amont ont fusé. Mais dès la cérémonie d'ouverture, vendredi 26 juillet, les Jeux se sont annoncés grandioses et la fierté nationale s'est exprimée. "Exceptionnel", "époustouflant"... Les adjectifs pour qualifier le moment n'ont pas manqué en France comme à l'étranger.
"On le voit dès la cérémonie d'ouverture, ces Jeux olympiques sont un véritable exploit organisationnel et une énorme réussite", observe pour nous la politologue Isabelle Veyrat Masson.
Pour le gouvernement et le chef de l'État aussi, c'est une démonstration de force et un succès, assurément. "On l'a fait!", s'est ainsi exclamé en majuscules Gérald Darmanin sur X (ex-Twitter).
La prestation de l'artiste Aya Nakamura -très critiquée en amont, notamment par l'extrême droite- dansant accompagnée de la Garde républicaine devant l'Académie française a été particulièrement appréciée des spectateurs. Emmanuel Macron y a vu la meilleure définition de sa politique du "en même temps", souvent qualifiée d'incompréhensible, voir de brutale par l'opposition.
"En même temps", a-t-il publié sur X d'un clin d'œil appuyé, comme pour prouver à ses détracteurs que sa stratégie fonctionne.
Avec cette cérémonie, "le camp présidentiel a agité un chiffon rouge devant les yeux de l'extrême droite horrifiée", estime Isabelle Veyrat Masson. "Ça a permis à Emmanuel Macron de rappeler qu'il est fermement opposé au Rassemblement national", ajoute la chercheuse du Laboratoire Cerlis Paris Cité.
Gabriel Attal n'a, lui aussi, pas manqué de capitaliser sur le lancement réussi des JO. Quatre jours après l'éclatante cérémonie d'ouverture, le Premier ministre démissionnaire a organisé une réunion ministérielle, mercredi 31 juillet. Mot d'ordre: succès.
"Ces premiers jours de Jeux sont un succès sur tous les plans", s'est réjoui Gabriel Attal devant la presse. "Un succès sportif déjà avec une moisson de médailles", "fruit des performances de nos athlètes (...) de leur coach et de la ferveur du public", a-t-il appuyé. Ces JO sont également pour le Premier ministre "un succès organisationnel".
"L'ambition paye", a-t-il déclaré avec enthousiasme.
Une visibilité renforcée pour une trêve politique en trompe-l’œil
La "trêve olympique" actée par Emmanuel Macron ne semble pas valoir pour le gouvernement démissionnaire. Gabriel Attal occupe les réseaux sociaux depuis le début de la compétition. Pas une médaille n'est remportée sans qu'elle fasse l'objet d'un tweet du Premier ministre bientôt plus en poste. Souvent agrémenté d'un "mème", ces images ou vidéos repris en masse sur les réseaux sociaux et devenu signature du "cool kid" du gouvernement pendant ces Jeux.
L'homme politique de 35 ans est allé jusqu'à féliciter la superstar américaine, Lady Gaga, en personne, dans les tribunes de La Défense Arena, lors des épreuves de natation. Il ne s'est pas privé derrière d'en diffuser la vidéo sur son compte Instagram.
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En tournée médiatique, Amélie Oudéa-Castera laisse parler son lyrisme et savoure le succès du travail de son ministère. Invitée de Télématin le 1er août, elle assure que Léon Marchand "nous a tous transpercé le cœur". Oubliée la séquence de sa glissade en solitaire dans la Seine à quelques jours du début des Jeux. Ou celle où elle fredonne certains hits d'Aya Nakamura.
Gérald Darmanin a de quoi se réjouir également. Aucun incident sécuritaire n'est pour l'instant venu assombrir la liesse générale. Sans cravate désormais, le ministre de l'Intérieur démissionnaire multiplie les visites aux différents corps des forces de l'ordre à travers la France.
L'ambiance parisienne de ces JO est telle que les cotes de confiance du président Emmanuel Macron et de Gabriel Attal, ont réussi à gagner deux points en trois semaines pour s'établir respectivement à 27% et 33%, selon un sondage Elabe pour le journal Les Échos paru jeudi 1er août.
"Les Jeux ont clairement renforcé la visibilité et la stature de certaines figures politiques, notamment Emmanuel Macron, Gabriel Attal et Gérald Darmanin", estime la directrice de recherche au CNRS, Isabelle Veyrat Masson.
"Les retombées positives vont être de courte durée"
Pour la spécialiste en communication politique, Emilie Zapalski, ce succès pour la classe politique est relatif. Les bénéfices qui en découlent ne seraient pas aussi importants, qu'il s'agisse d'un gouvernement stable ou d'un gouvernement démissionnaire.
"Là, ce sont des ministres-fantômes qui vont bénéficier de l'aura des Jeux. Ça a beaucoup moins de poids politique que s'il s'agissait d'un gouvernement durable. On sait que dans quelques jours, ils vont sauter", analyse-t-elle.
Nécessairement, "les retombées positives vont être de courte durée. Une fois le nouveau gouvernement nommé, les nouveaux ministres n'auront plus les JO pour améliorer leur image", ajoute la communicante.
Une fois le futur locataire de Matignon nommé, "le moment suspendu s'arrête et l'inquiétude, les préoccupations des électeurs vont reprendre et les députés vont penser 'motion de censure'", estime-t-elle encore.
Isabelle Veyrat-Masson se souvient du succès des JO de Londres en 2012, "l'unité nationale n'avait pas duré", rappelle-t-elle.
Une joie palpable pour Emmanuel Macron
Si les Français vivent une explosion de joie, celle du chef de l'État est encore plus prégnante... Et palpable. À chaque exploit français, Emmanuel Macron aime à s'approcher des sportifs: il étreint Léon Marchand, il s’approche de Teddy Riner les mains sur les épaules de la fille du judoka, il va jusqu'à prendre à pleines mains le visage éploré de la judoka Romane Dicko pour lui sécher les larmes...
"Chez lui en ce moment, on dirait qu'il y a une volonté de s’approprier la victoire des athlètes, de faire partie de l’Histoire et d’être sur la carte postale", observe Emilie Zapalski.
"Cette victoire des JO et cette liesse, il l'étreint comme si elle venait valider les choix politiques de ces derniers mois. Sauf que c'est la victoire du sport, les Français ne sont pas dans la politique du tout. Finalement ce moment de grâce, il est perturbé par Emmanuel Macron", répond la spécialiste.
Certains athlètes ne se privent pas de le faire remarquer. Comme le coureur de 5.000 mètres français, Hugo Hay. "Emmanuel Macron est hors-sol (...) Je voudrais lui dire que ce ne sont pas ses Jeux, mais ceux des athlètes", tance-t-il vindicatif auprès du journal L'Humanité le 6 août.
Un peu plus loin dans son interview, l'athlète ajoute: "Il faut écouter les demandes de justice sociale (...) la colère du peuple qui se prive, a du mal à remplir son frigo et se fait rembarrer quand il manifeste contre la réforme des retraites."
La situation politique pré-JO n'a pas changé
Ces mots rappellent que la situation politique pré-JO n'a pas changé. "L'exécutif ne devrait surtout pas oublier qu'il ne s'agit là que d'un moment suspendu", prévient Emilie Zapalski.
Le 9 juin dernier, les résultats des élections européennes ont en effet ouvert une séquence politique très dense et à l'issue défavorable pour le camp présidentiel. La dissolution de l'Assemblée nationale décidée dans la foulée par Emmanuel Macron avait entraîné des législatives anticipées qui n'ont pas permis de dégager une majorité pour l'exécutif.
Les macronistes ont ainsi perdu plus de 70 députés et le Rassemblement national en a gagné 54. Le Nouveau Front populaire qui rassemble les quatre partis de gauche majoritaires obtient le plus grand nombre de sièges (182 sièges). Aucune majorité ne s'est toutefois dégagée. Tripartite, l'hémicycle a pour l'instant peu d'espoir d'espérer créer une coalition autour du camp présidentiel.
Les Jeux olympiques bientôt clos, "le soufflé de l'allégresse risque de retomber bien vite. Avant même les Paralympiques", signale Isabelle Veyrat Masson. L'heure de désigner un nouveau Premier ministre approche en effet... "Mi-août", avait prévenu le chef de l'État.
Un choix de gouvernement technique plutôt que politique permettrait de rester sur la note rassembleuse des Jeux, estime toutefois la chercheuse au CNRS.
"Les JO ont dépolitisé le débat, ont montré que la France peut très bien fonctionner, quand la politique est enfin mise de côté. Cette séquence ouvre grande la porte à un gouvernement de technocrates qui permettrait de conserver un peu d'apaisement", juge-t-elle.
Pour l'instant, bien malin qui pourrait dire sur quel nom va s'arrêter le président de la République. Une seule certitude existe: le nom de la candidate du Nouveau Front populaire, Lucie Castets, a d'ores et déjà été balayé par Emmanuel Macron.