La fin d'année de Joe Biden semble catastrophique, mais ne l'est pas

Pourquoi la fin d'année de Joe Biden semble-t-elle catastrophique (alors qu'elle ne l'est pas)? (photo datant du 16 décembre 2021) (Photo: Associated Press)
Pourquoi la fin d'année de Joe Biden semble-t-elle catastrophique (alors qu'elle ne l'est pas)? (photo datant du 16 décembre 2021) (Photo: Associated Press)

ÉTATS-UNIS - Échec par-ci, revers par-là... Décidément, Joe Biden semble ne pas réussir à se dépêtrer d’une poisse qui lui colle à la peau alors qu’il boucle sa première année au pouvoir.

Le président démocrate donne l’impression de multiplier les promesses et essayer sans relâche de faire avancer son programme, sans y parvenir à cause de bâtons qui viennent constamment se coincer dans ses roues.

Une situation qui commence à plomber le moral du parti démocrate et des Américains. Alors que Joe Biden s’était installé dans le Bureau ovale avec 57% des citoyens satisfaits de son action, depuis le mois de septembre, ce chiffre alterne entre 42% et 43%.

Mesure phare entravée

L’un des coups les plus durs pour le président qui vient de fêter ses 79 ans est tombé dimanche 19 décembre. Le gigantesque et crucial plan de réformes sociales que promettait Joe Biden a reçu un coup de poignard après que le sénateur démocrate Joe Manchin a annoncé qu’il n’approuverait pas ce programme.

“C’est non”, a annoncé ce dernier sur Fox News, chaîne du câble habituellement révérée des républicains et ultra-conservateurs. “Je ne peux pas voter pour ça”, a expliqué Joe Manchin face à ses “collègues démocrates à Washington, déterminés à remanier profondément [la] société (...) avec une dette publique faramineuse de 29.000 milliards de dollars et une inflation qui est réelle et qui nuit à tous les Américains”.

Visiblement prise de court, la Maison Blanche a aussitôt critiqué ce “revirement inexplicable et soudain”, tout en affirmant qu’elle continuerait à tenter de convaincre Joe Manchin, comme elle le fait déjà depuis des semaines. Le Sénat étant divisé (50 élus pour chaque camp), n’importe quel démocrate a dans les faits ce qui s’apparente à un droit de veto sur tout projet de loi face aux républicains qui serrent généralement les rangs.

Faire passer ce plan de 1750 milliards de dollars baptisé “Build Back Better” (“Reconstruire en mieux”) est pourtant primordial pour l’administration Biden qui a promis notamment de faire baisser le coût de la garde d’enfants et des médicaments, tout en investissant en masse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L’ombre du Covid-19

L’autre principal revers pour Joe Biden? Le Covid. Le président américain s’est fait élire sur la promesse de mettre fin à la pandémie alors que son prédécesseur Donald Trump avait longtemps minimisé la crise sanitaire puis avait délaissé sa gestion aux différents États. Près d’un an après sa prise de fonction, les États-Unis n’ont pourtant absolument pas tourné la page coronavirus.

Depuis le mois de septembre, le pays souffre à nouveau alors que la vaccination fait quasiment du sur place: en cette fin décembre, à peine 60% des Américains sont vaccinés avec au mois deux doses, soit seulement 10% de plus que trois mois auparavant. L’arrivée du très contagieux variant Omicron dans ce contexte est venu doucher les espoirs de beaucoup d’en voir la fin. Le pays enregistre actuellement une nouvelle flambée de contaminations, en moyenne près de 150.000 par jour, dont les trois quarts sont dues à cette mutation.

Plusieurs États remettent même en place des restrictions: à New York, le télétravail redevient obligatoire dans certaines entreprises, des musées reviennent aux capacités d’accueil limitées, plusieurs comédies musicales de Broadway ferment... À Boston, la mairie a décidé de ne pas rouvrir les écoles immédiatement après les vacances de Noël. La lassitude et l’anxiété autour de cette impression de ne pas avancer jouent ainsi fortement contre l’administration.

Ce mardi 21 décembre, Joe Biden a donc pris la parole pour rassurer les citoyens: 2020 ne se reproduira pas. Il n’y aura tout d’abord pas de restrictions nationales ou de confinement d’ici Noël. Mais le président a aussi promis une riposte pour faire face à cette nouvelle vague. Tout d’abord, avec plus de moyens hospitaliers avec la mobilisation possible d’un millier de médecins, infirmiers ou personnels médicaux de l’armée. L’administration va aussi agir dans un domaine où elle a été très critiquée: celui du dépistage, en achetant 500 millions d’autotests rapides livrés gratuitement aux Américains qui en feront la demande dès janvier. Le gouvernement annonce par ailleurs ouvrir de nouveaux centres de vaccination.

Bloc républicain

Joe Biden irait bien volontiers plus loin dans sa gestion du coronavirus. Il tente depuis des semaines d’imposer une obligation vaccinale dans les grandes entreprises, mais est systématiquement attaqué en justice par ses adversaires. La mesure, qui concernerait près de 80 millions d’Américains, passe d’appel en appel et pourrait finir devant la Cour suprême. Ce qui au mieux repousse son entrée en vigueur, au pire l’invalide totalement. Pas question donc pour le démocrate en ce moment de serrer davantage la vis, comme par exemple en imposant des mesures sanitaires pour les vols domestiques.

Ces contre-attaques des républicains qui font bloc, face à un parti démocrate tiraillé entre sa gauche et son centre, nourrissent elles aussi le sentiment d’être face à un mur alors que le président avait promis un véritable bon en avant en ayant la majorité au Congrès.

L’un des dossiers emblématiques qui revient de façon quasi hebdomadaire dans les informations depuis fin août: le droit de l’avortement mis en danger. Dès que le Texas a mis en place une loi interdisant depuis le 1er septembre d’avorter après six semaines de grossesse, Joe Biden a juré de combattre la mesure. Mais les appels n’y ont rien fait. L’affaire a terminé devant la Cour suprême -à majorité conservatrice avec l’aide de Donald Trump- qui a décidé de ne pas interdire la mesure draconienne et simplement laisser les tribunaux fédéraux intervenir s’y le souhaitaient.

La couverture médiatique des derniers mois de la présidence Biden a aussi fait des remous outre-Atlantique. Une tribune publiée dans le Washington Post, regrettant que les journaux soient parfois plus durs avec Joe Biden que Donald Trump, a largement fait réagir. On y lit notamment qu’un programme d’intelligence artificielle a analysé plus de 200.000 articles de 65 sources différentes pour comparer le sentiment qui y règne en se basant sur certains adjectifs, et le résultat assure que si Joe Biden a eu une couverture favorable en début de mandat, depuis l’été, ses actions sont présentées avec la même “négativité” que celle de Donald Trump à la même époque l’année précédente.

Indicateurs économiques au vert

Une analyse qui a fait polémique, mais qui a encouragé la Maison Blanche à se féliciter de ses avancées, non négligeables. Lundi 20 décembre, la porte-parole du président a partagé une analyse du site de Bloomberg estimant que Biden se hissait à la première ou deuxième place des présidents les plus efficaces des 50 dernières années en termes de croissance du PIB, de création d’emplois et huit autres ”éléments-clé”.

L’administration usine bel et bien. Sur le Covid, la population est passée de 1% à 50% de vaccinés sur les six premiers mois de Joe Biden au pouvoir, et la levée de nombreuses restrictions dans différents États au cours de l’été -accompagnée d’un nombre de décès au plus faible depuis avril 2020- a donné une courte impression de répit, voire de victoire, face au virus.

Côté emploi, les chiffres aussi semblent au vert: l’une des catégories de chômage a atteint fin novembre son plus bas niveau depuis 1969 et les salaires sont en hausse. Sans compter les avancées de Joe Biden sur ses grandes promesses. Si la 3e partie de son gigantesque plan d’investissements est pour l’heure bloquée, le démocrate a tout de même réussi à faire voter les deux premières.

L’American Rescue Plan Act, signé le 11 mars 2021, a en effet permis de débloquer 1900 milliards de dollars pour soutenir les Américains et l’économie du pays face à la pandémie. L’Infrastructure Investment and Jobs Act a de son côté été signé le 15 novembre et consacrera 1200 milliards de dollars à la rénovation ou construction de ponts, routes, bornes pour voitures électriques, canalisations d’eau. Elle doit aussi permettre de développer les transports publics et l’internet à haut débit.

“Je ne pense pas que le public acceptera vraiment les bonnes nouvelles autour de l’économie tant qu’il ne se sent pas plus confiant sur l’issue de la pandémie”, assure de son côté au Los Angeles Times Robert J. Shapiro, ancien conseiller des administrations Clinton et Obama. Cela et le fait que les élections de mi-mandat sont désormais dans moins d’un an et que si les démocrates ne redressent pas la barre dans l’opinion et perdent le Congrès et/ou la Chambre des représentants, il deviendra quasiment impossible pour Joe Biden de faire voter ses lois.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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