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Le feu sacré de Raul Ruiz

L’inventaire du quotidien par le cinéaste argentin

Les Journaux du cinéaste Raul Ruiz, publiés il y a quelques mois au Chili en deux épais volumes, ont été pour moi le livre de l’année. Ruiz pouvait écrire très bien quand il le voulait, mais, dans ces Journaux, ce n’est pas le mérite littéraire qui importe. Ce sont de véritables journaux, sans prétention au style, uniquement écrits pour faire l’inventaire du quotidien, pour que Ruiz lui-même puisse croire que tout ce qu’il faisait était bien réel, que ce n’était pas le rêve d’un mégalomane. Parce qu’il faisait beaucoup, et plus que beaucoup (1) . La liste de ses travaux, de ses lectures, de ses voyages, de ses amis, a quelque chose de surhumain. Si l’on veut suivre jour après jour une vie qui semble faite de cent vies, ce livre est absorbant. Il est également stimulant comme une injection de vitamines : le feu sacré de l’artiste est contagieux, non par une mystique douteuse, mais par la glorieuse humilité du travailleur infatigable. L’élan créatif de Ruiz contamine jusqu’au journal lui-même, ainsi quand il commence à tenir parallèlement un second journal pour qu’il fasse concurrence au premier. Et, pour un lecteur comme moi, toujours attentif à qui me recommande de bons livres, il y a la passion bibliophilique de Ruiz : à chaque entrée, chaque jour, il y a des livres, lus, achetés, relus. Les livres ont été le plaisir suprême de ce grand Chilien, et ce grand livre de livres en atteste.

Traduit de l’espagnol (Argentine) par Philippe Lançon

(1) En français dans le texte.



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