Fatalistes ou agacés, les Chinois divisés face à la réforme des retraites
"Acceptable" pour les uns, "incompréhensible" pour les autres: les Chinois accueillent diversement le fait qu'ils devront travailler au moins trois années supplémentaires, après l'annonce officielle du relèvement progressif de l'âge de la retraite dès 2025.
"Ma première réaction c'était: alors du coup, quand est-ce que je toucherai ma pension de retraite?", déclare à l'AFP Xinzi, une Pékinoise de 30 ans qui travaille dans le marketing.
"Moi ce qui m'inquiète, c'est que les jeunes d'aujourd'hui, on est déjà tellement dans la compétition et dans le stress qu'on n'arrivera pas forcément à atteindre l'âge de la retraite", ajoute-t-elle.
Les autorités ont annoncé vendredi un relèvement graduel de l'âge légal de départ à la retraite, qui sera porté à 63 ans pour les hommes (contre 60 ans actuellement). Pour les femmes, il passera de 50 à 55 ans, ou de 55 à 58 ans, selon le métier exercé manuel ou non.
Ce relèvement s'étendra sur 15 ans, à partir du 1er janvier 2025.
Xinzi se dit également préoccupée par le marché de l'emploi en Chine, où le taux de chômage des 16-24 ans s'élevait en juillet à 17,1%.
Selon elle, le relèvement de l'âge de la retraite pourrait amener certains couples à reconsidérer leur envie, déjà faible, d'avoir des enfants, auxquels ils ne voudraient pas offrir une vie dans laquelle il faudrait travailler davantage.
Le phénomène serait inquiétant, car le taux de fécondité est déjà extrêmement bas en Chine et le pays est confronté à un fort vieillissement de sa population.
- Débat en ligne -
Etudiant à l'université, un jeune Chinois qui se présente sous le prénom de David déclare à l'AFP qu'il est "un peu réticent à l'idée de travailler aussi longtemps" mais qu'il "peut comprendre la décision" des autorités.
"L'Etat pense probablement au vieillissement de la population" et ainsi à la manière de pérenniser le système de retraites, explique ce jeune stagiaire dans une entreprise de relations publiques.
La population chinoise a diminué en 2023 pour la deuxième année consécutive et les responsables politiques mettent en garde contre les conséquences potentiellement néfastes sur l'économie ainsi que sur les systèmes de santé et de protection sociale si rien n'est fait.
Figurant parmi les plus bas au monde, l'âge de départ à la retraite en Chine n'avait pas été relevé dans le pays depuis des décennies.
Sur le réseau social chinois Weibo, le sujet est l'un des plus discutés.
Certains se montrent plutôt favorables à l'annonce des autorités: "C'est une décision plus modérée que celle que j'imaginais, ça reste acceptable", écrivait un utilisateur dans un commentaire "aimé" par plus de 3.000 internautes.
"Les politiques nationales sont au diapason de la situation du pays", soulignait un autre utilisateur.
- Plats cuisinés -
Les agents de Weibo chargés de la censure ont apparemment supprimé de nombreux messages, une pratique courante en Chine, où les discussions sur les mesures politiques sont souvent considérées comme sensibles.
Ce qui n'a pas empêché certains internautes mécontents de publier leurs commentaires.
"Je trouve incompréhensible qu'ils aient pu se dire que cette décision était bonne. Les jeunes sont déjà anxieux à propos de l'avenir, et là on relève l'âge de la retraite", pestait un utilisateur de Weibo.
"On mange des plats cuisinés, on vit en coloc' et on travaille jusqu'à pas d'heure. Soyez pas trop déprimés, les gars, dans 15 ans, l'âge de la retraite va certainement encore être relevé!", déplorait un autre.
Dans les rues de Pékin, un entrepreneur de 21 ans, qui se présente sous le nom de Ha Lide, dit à l'AFP n'être pas surpris de la décision, y voyant quelque chose "d'inévitable".
"Si le vieillissement de la population est important (...) alors il n'y aura pas assez d'argent pour le système de retraite", souligne-t-il.
"Je vais donc juste accepter le fait de devoir travailler trois ans de plus."
sam/eh/bpi