Famille, sécurité du quotidien... Les nouveaux intitulés très politiques des ministères du gouvernement Barnier

Un choix des mots qui en dit beaucoup. Le nouveau gouvernement de Michel Barnier, né dans la douleur, compte des ministères aux contours très classiques comme le Travail ou la Justice mais également d'autres qui représentent des nouveautés et donnent un indice de la direction que compte donner le nouveau Premier ministre au pays.

Par exemple: le ministère délégué à la Famille. Le poste, jusqu'ici détenu par Sarah El Haïry, est désormais incarné par une très proche d'Édouard Philippe, Agnès Canayer. Pour la première fois depuis 2016, l'expression "famille" est au singulier.

• Le ministère de la Famille, un retour "en arrière"

Jusqu'ici, depuis la nomination de la socialiste Laurence Rossignol en 2016, on trouvait rue du Bac un panneau indiquant "ministère des Familles", un intitulé qui visait à englober les familles nucléaires mais également les familles recomposées, monoparentales, homoparentales...

Ce choix a de quoi étonner alors que Michel Barnier est sous le feu des critiques de la gauche pour avoir intégré dans son gouvernement plusieurs soutiens de La Manif pour tous, à l'instar de Bruno Retailleau désormais ministre de l'Intérieur et de sa très proche Laurence Garnier.

Méconnue du grand public, cette sénatrice désormais en charge de la Consommation dans le nouveau gouvernement, a voté contre l'inscription de l'IVG dans la Constitution et contre l'interdiction des thérapies de conversation visant les personnes LGBT.

D'autres profils aux positions proches ont également fait tousser à gauche mais également dans les rangs de la macronie comme celui des nouveaux membres du gouvernement Othman Nasrou (Citoyenneté) ou Patrick Hetzel (Enseignement supérieur), aux positions proches.

"Le message est clair: l'espoir d'un retour aux familles traditionnelles, en arrière, dans un contexte où cela ne veut plus dire grand-chose aujourd'hui", analyse Isabelle Veyrat-Masson, directrice de recherche au CNRS et spécialiste de la communication auprès de BFMTV.com.

• La Sécurité du quotidien pour "écouter les gens"

L'arrivée sur la feuille de match ministériel du maroquin de "la Sécurité du quotidien" dirigée par Nicolas Daragon, le maire LR de Valence, dit également beaucoup de la volonté de Michel Barnier d'aller sur ce terrain.

Plutôt discret ce dimanche soir sur le sujet lors de son interview sur France 2, le Premier ministre a manifestement la volonté d'avancer dans la lutte contre l'insécurité, souvent vue comme le talon d'Achille d'Emmanuel Macron.

"Il y a un côté très pragmatique dans cet intitulé pour dire qu'on écoute les gens et on va là où on a besoin de nous sur le terrain avec des résultats très rapides pour éviter les incivilités", décrypte Émilie Zapalski, spécialiste en communication politique.

• La Coordination gouvernementale pour éviter que "les ministres ne s'écharpent"

La création du ministère délégué chargée de la Coordination gouvernementale directement rattaché à Matignon a tout autant valeur de symbole, moins pour les Français que les ministres eux-mêmes.

Détenue par Marie-Claire Carrère-Gée, un très proche de Michel Barnier, le poste résume à lui seul les probables difficultés à faire cohabiter dans un exécutif des figures de la gauche comme le socialiste Didier Migaud (Justice), la macroniste pur sucre Astrid Panosyan-Bouvet (Travail) ou le désormais ex pilier de la droite sénatoriale François-Noël Buffet (Outre-mer).

"C'est un poste très politique. Ca veut dire que quelqu'un aux attributions publiques va se charger de s'assurer que les ministres ne s'écharpent pas par médias interposés. Avant, c'était l'Élysée qui gérait ça et sous le manteau. Là, c'est officiel", décrypte un sénateur LR, proche de Michel Barnier.

"Mais bonne chance. Ça va forcément friter à un moment entre Bruno Retailleau et un ancien socialiste comme Didier Migaud (Justice). On a un attelage trop hétéroclite pour que ça ne pète pas dans les médias à un moment", croit savoir cet élu.

Imprimer sa marque, un classique

Ce n'est pas la première fois que de nouveaux noms de ministères cherchent à marquer les esprits. En 2012, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre de François Hollande, avait renommé le ministère de l'Industrie sous le nom de Redressement productif, incarné par Arnaud Montebourg. L'arrivée d'Emmanuel Macron à Bercy en 2014 avait signé la fin de cet intitulé.

Même topo pour le ministère de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy. Honni par la gauche, ce maroquin est dirigé par Brice Hortefeux puis Éric Besson avant d'être relégué aux oubliettes.

Les mots aux frontons des ministères peuvent également avoir une valeur toute cosmétique. En 1995, après la victoire de Jacques Chirac, Alain Juppé crée ainsi le ministère de la Solidarité entre les Générations avec à sa tête Colette Codaccioni. À peine 5 mois plus tard, ce portefeuille disparaît à la faveur du remaniement qui évincent de nombreuses "Jupettes", le surnom donné aux femmes membres du gouvernement.

Plus loin dans le temps, le ministère du Temps libre est créé à l'arrivée de François Mitterrand à l'Élysée. Malgré les moqueries des observateurs de la vie politique et de la droite, le ministère du Temps libre créé les chèques vacances, toujours très populaires aujourd'hui, avant d'être évincé de la liste des ministères en 1984. Benoît Hamon avait proposé lors de la campagne de 2017 de rétablir ce ministère.

Article original publié sur BFMTV.com