Les « fake news » font partie de la présidentielle américaine, mais ce n’est pas le plus gros problème

États-Unis : les « fake news » font partie de la campagne présidentielle, mais ce n’est pas le plus gros problème (Photo de Donald Trump le 20 octobre 2024)
CHARLY TRIBALLEAU / AFP États-Unis : les « fake news » font partie de la campagne présidentielle, mais ce n’est pas le plus gros problème (Photo de Donald Trump le 20 octobre 2024)

ÉTATS-UNIS - Ce n’est un secret pour personne, Donald Trump et le camp républicain ont, depuis 2016, élevé le maniement de la désinformation au rang d’art. Mais pour son troisième round en tant que candidat, le milliardaire use et abuse toujours plus que jamais des « fake news ». Partout, tout le temps. Que cela soit sur les réseaux sociaux, lors de ses meetings et même pendant le débat contre son adversaire Kamala Harris.

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Le 11 septembre, lors du duel face à la démocrate, CNN a relevé 33 fausses affirmations du républicain en une heure et demie de débat. L’une des plus absurdes portait sur l’immigration : des migrants haïtiens dans l’Ohio, à Springfield, mangeraient les animaux de compagnie. Cette sortie a fait le tour du monde et est devenue un objet de détournements.

Si cette infox-là a finalement été tournée en ridicule, d’autres mensonges peuvent être plus compliqués à débusquer, tant ils sont nombreux dans les campagnes de désinformation relayées par le camp républicain et ses partisans. Et ce n’est malheureusement pas le plus gros problème dans cette course à la Maison Blanche. Car non seulement dire des mensonges est devenu la norme, mais essayer de les « débunker » ne semble même plus fonctionner.

« Dire la vérité n’a pas d’importance »

Selon une étude du MIT (Massachusetts Institute of Technology) publiée le 15 octobre, démystifier une fausse information et prouver qu’elle n’est pas vraie ne va pas forcément convaincre les électeurs de changer leurs croyances. Car même la démonstration pourrait être un mensonge en soi. « Quand les gens sont très sûrs d’eux-mêmes, ils ont du mal à bouger. En fait, la plupart des efforts pour démystifier n’ont pas d’importance », écrit l’une des autrices de l’étude.

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Pour Stéphanie Lamy, spécialiste des stratégies de désinformation, il faudrait même arrêter d’employer l’expression de « fake news » en 2024, aujourd’hui dépassée. Utilisée à outrance par Donald Trump, elle est devenue biaisée : quand une personne crie à la « fake news », le réflexe est de penser qu’elle est probablement elle-même en train d’en dire une. « Je préfère utiliser les termes d’“arme sémantique” », explique la spécialiste au HuffPost.

Selon l’experte, auteure du livre Agora Toxica (éditions du Détour), la guerre de l’information qui fait rage au sein de la campagne présidentielle américaine n’a jamais eu pour objectif la recherche de la vérité. « L’important n’est pas de dire la vérité car, en politique, le mensonge est courant. Non, l’enjeu a toujours été d’être LA personne qui a le droit de dire la vérité », analyse-t-elle. « L’objectif, c’est d’avoir la légitimité. Vous pouvez dire constamment la vérité, mais si vous n’avez pas de légitimité aux yeux d’un certain camp, alors tout ce que vous direz sera perçu comme faux, dans tous les cas. »

Ainsi, dans cette « économie d’attention », la meilleure manière de légitimer une parole est d’occuper le devant de la scène. « Quand vous monopolisez l’attention, grâce aux algorithmes et aux médias d’extrême droite, vous paraissez être la personne qui est légitime pour dire la vérité. » D’où le nombre important d’électeurs donnant du crédit aux paroles de Donald Trump.

La démocratie en ligne de mire

Mais dans ce cas, à quoi sert de vouloir rétablir la vérité si, quel que soit le camp, l’autre parti la considérera comme mensonge ? Stéphanie Lamy insiste sur la nécessité de démystifier les sujets importants, qui peuvent déclencher des violences, sans toutefois perdre de vue le réel but de tout cela. Selon la spécialiste, un dessein bien plus sombre et bien plus dangereux se cache derrière la stratégie mensongère des républicains : saper la démocratie.

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« Ils sont en train de créer une confusion totale pour ces élections et mon sentiment est qu’ils veulent rendre ce scrutin caduc pour montrer que le modèle démocratique n’est plus adapté pour les États-Unis », confie-t-elle au HuffPost.

Pour comprendre cette perspective « terrifiante », il faut se demander à qui profiterait une telle situation. Le candidat Donald Trump propose un projet antidémocratique et théocratique auxquels adhèrent les grandes entreprises, du pétrole, de l’armement, les libéraux. « Il est soutenu par tous ceux qui ont tout à gagner avec une théocratie ultra-capitaliste », assure Stéphanie Lamy. L’arrivée du grand patron milliardaire Elon Musk dans la campagne en est la preuve.

Donner envie de croire

Ces derniers mois, Stéphanie Lamy a observé un accroissement des campagnes de désinformation. De par leur ampleur, le nombre de participants et d’acteurs qui sont « en compétition pour monopoliser l’attention ». Un phénomène devenu la signature des républicains « faute de fond et de mesures propres à proposer à leur base », souligne-t-elle. La campagne de désinformation de Trump est « au service d‘un projet extrêmement dangereux », martèle la spécialiste.

Alors, face à l’imminence du scrutin, comment faire pour rétablir un semblant de vérité ? Là aussi, pour Stéphanie Lamy, la véritable question est surtout : comment donner aux électeurs républicains l’envie de croire les démocrates ? Pour l’heure, malgré les outrances du camp de Kamala Harris pour souligner la dangerosité de Trump, son équipe de campagne ne semble pas avoir trouvé la réponse.

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