"Ils ont fait des sauts périlleux": le récit minute par minute du vol Londres-Singapour et ses "turbulences extrêmes"

Des "turbulences extrêmes" ont fait un mort et des dizaines de blessés à bord d'un Boeing qui reliait Londres à Singapour ce mardi 21 mai.

Une chute de 1.900 mètres en 180 secondes. Les passagers du vol SQ321 de la compagnie Singapore Airlines, qui devait relier Londres à Singapour, ont vécu un véritable cauchemar ce mardi 21 mai. L'appareil, un Boeing 777-300ER, s'apprêtait à survoler la Thaïlande quand il a rencontré "des turbulences extrêmes", forçant un atterrissage à Bangkok.

Un Britannique de 73 ans qui souffrait d'une maladie cardiaque est mort. Au moins trente personnes ont aussi été blessées, dont sept gravement.

Lors du décollage onze heures plus tôt, rien ne laissait présager un tel drame. "C'était un vol tout à fait normal. Tout semblait aller comme sur des roulettes", raconte Andrew Davies, un Britannique qui était à bord.

Le Boeing s'envole sans encombre avec un léger retard de dix minutes depuis l'aéroport londonien d'Heathrow à 22h14, heure locale. Dans la nuit, l'avion survole sans soucis l'Europe, la mer Noire, l'ouest de l'Asie et l'Inde et se rapproche heure après heure de sa destination.

Il est 9h07 à Londres (10h07 à Paris, 15h07 à Bangkok) quand l'appareil perd brusquement de l'altitude.

Le Boeing, ses 211 passagers et ses 18 membres d'équipages sont frappés par d'intenses turbulences au-dessus de la mer d'Andaman, à l'ouest de la Thaïlande. D'un coup, l'avion part en piqué et perd 6.000 pieds d'altitude en seulement trois minutes. Une chute de 1.900 mètres, à une vitesse de 900km/h.

Dans la cabine, c'est le chaos. Les turbulences sont survenues tellement rapidement que le pilote n'a pas eu le temps d'ordonner aux passagers et aux membres d'équipage de s'asseoir. Le voyant lumineux demandant d'attacher les ceintures s'est allumé et l'avion a immédiatement plongé, expliquent les passagers.

"Tous ceux qui étaient assis et ne portaient pas de ceinture de sécurité ont été immédiatement projetés au plafond", se rappelle Dzafran Azmir, qui était à bord. Selon un autre passager, un homme qui était dans les toilettes au moment de la chute a lui aussi été projeté au plafond et a été gravement blessé.

"Certains pauvres gens qui se promenaient ont fini par faire des sauts périlleux", se souvient un autre Britannique âgé de 68 ans, Jerry.

Au même instant, des objets et des dizaines effets personnels traversent la cabine à toute allure. Les masques à oxygène tombent. C'est la panique.

Selon les données de Flightradar, l'avion s'est stabilisé à une altitude de 31.000 pieds (9.400 mètres) trois minutes après le début de sa chute, à 15h10. "Pendant les quelques secondes qui ont suivi la chute de l'avion, on a entendu un cri terrible et ce qui ressemblait à un bruit sourd", raconte Andrew Davis, qui explique avoir aidé une femme qui "criait à l'agonie" et qui avait une "entaille à la tête".

Des dizaines de personnes sont blessées. "Chaque membre du personnel de cabine que j'ai vu était blessé d'une manière ou d'une autre, peut-être avec une entaille à la tête... L'un d'entre eux avait mal au dos et souffrait manifestement", raconte le Britannique, affirmant que le personnel "a fait tout ce qu'il pouvait".

Un homme de 73 ans, Geoff Kitchen, meurt. Ce Britannique, qui souffrait d'une "maladie cardiaque", a été probablement victime d'une crise cardiaque lors de la chute ou dans les minutes qui ont suivi.

Dans le cockpit, le pilote contacte en urgence les autorités du ciel thaïlandais. "À 15h35, l'aéroport a reçu un appel de détresse de l'avion du vol de Singapore Airlines indiquant qu'il y avait des passagers à son bord blessés par les turbulences et demandant un atterrissage d'urgence", a expliqué dans un communiqué l'aéroport de Bangkok.

Dans la cabine, les passagers sont terrorisés. Auprès de la BBC, Allison Barker dit avoir reçu un message de son fils, qui était dans l'avion: "Je ne veux pas te faire peur, mais je suis dans un vol et l'avion fait un atterrissage d'urgence... Je vous aime tous".

Cette mère a attendu deux longues heures avant d'avoir des nouvelles de son fils. "Il a dû perdre connaissance parce qu'il s'est retrouvé à terre avec d'autres personnes", explique-t-elle.

Selon les données de Flightradar, le pilote amorce une descente à 15h17, avant même de contacter l'aéroport. En 18 minutes, l'avion se dirige vers la terre ferme et perd progressivement 31.000 pieds d'altitude. Un atterrissage "ultra-rapide": la veille, il fallait plus de 30 minutes au pilote du vol SQ321 pour quitter le ciel et rejoindre Singapour.

À 15h45, le Boeing 777 se pose sur la piste de l'aéroport Suvarnabhumi. Des ambulances se précipitent vers lui sirènes hurlantes et gyrophares allumés. Dans l'après-midi, l'hôpital Samitivej Srinakarin de Bangkok déclare qu'un total de 71 personnes sont accueillies, dont six grièvement blessées.

Singapore Airlines et l'aéroport indiquent de leur côté que 30 passagers et membres de l'équipage ont subi des blessures dans l'incident.

Il est un peu plus de 17 heures locales (11 heures à Londres, 12 heures à Paris) quand Singapore Airlines communique. "Nous pouvons confirmer qu'il y a des blessés et un mort à bord du Boeing 777-300ER. Il y avait au total 211 passagers et 18 membres d'équipage à bord", a déclaré la compagnie aérienne sur Facebook.

"Le Bureau d'enquête sur la sécurité des transports (TSIB) est en contact avec son homologue thaïlandais et va dépêcher des enquêteurs à Bangkok", déclare quelques heures plus tard le ministère singapourien des Transports dans un communiqué. Dans la foulée, Boeing adresse ses condoléances à la famille du passager décédé.

"Nous présentons nos plus sincères excuses pour l'expérience traumatisante vécue par nos passagers et les membres de l'équipage sur ce vol. Nous fournissons toute l'assistance nécessaire pendant cette période difficile", déclare également la compagnie aérienne. Dans la nuit du mardi 21 au mercredi 22 mai, certains passagers arrivent à Singapour. D'autres sont toujours coincés à Bangkok, blessés et traumatisés.

Les turbulences sont causées par différentes situations météorologiques comme les formations nuageuses (les nuages à développement vertical), les orages et les courants d'air dans les chaînes de montagnes ou les courants-jets.

"Les turbulences sévères sont assez rares en général", explique sur BFMTV Charles Clair, pilote de ligne et président de Clair group. "L'avion n'est pas censé rentrer dans ces nuages à développement vertical, le radar météo est censé détecter ce type de nuage pour les éviter par la droite ou par la gauche."

"Il semblerait que l'avion n'a pas pu éviter ce type de nuage", ajoute le pilote qui évoque la possibilité d'une panne de ce radar.

Pour autant, le fait de ne pas être attaché explique en grande partie les blessures lors de turbulences. Et Charles Clair d'ajouter: "Il est très probable que l'ensemble des passagers qui ont été blessés n'étaient pas attachés car la ceinture vous maintient même à facteur de charge négative. Lorsque vous ne l'êtes pas, vous pouvez vous déplacer de plusieurs mètres et dans un avion il y a des surfaces contondantes" qui peuvent blesser gravement".

Ce drame n'est malheureusement pas le premier impliquant un appareil de Boeing. Depuis le début de l'année, le géant américain de l'aviation est secoué par des crises multiples liées à des problèmes de production et de contrôle de la qualité, qui ont entraîné le départ de son PDG Dave Calhoun.

D'ici au jeudi 28 mai Boeing doit remettre au régulateur américain de l'aviation, qui a gelé la production du 737 MAX, un "plan d'action complet" pour remédier aux nombreux problèmes de non-conformité.

Article original publié sur BFMTV.com