"Ceux qui ont fait la révolution moléculaire ont eu l'impression d'ouvrir la boîte noire du vivant"
Comment caractériser la vie ? Philosophes et savants s'y sont essayés pendant des siècles… Jusqu'à ce que la science permette d'explorer le vivant de l'intérieur.
Cet article est issu du magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°215 daté octobre/ décembre 2023.
Michel Morange est professeur de biologie, directeur du centre Cavaillès d'histoire et de philosophie des sciences.
Sciences et Avenir - Les Indispensables : On parle aujourd'hui beaucoup du vivant, là où autrefois on parlait de la vie ou de la nature. Y a-t-il eu des changements dans la façon dont, dans l'histoire, on a distingué la vie ?
Michel Morange : Il semble qu'il y ait eu très vite un consensus dans les populations humaines pour distinguer sans ambiguïté vivant et non-vivant, et pour placer dans le vivant les animaux et les plantes à partir de caractéristiques bien visibles : chez les animaux, la capacité de se déplacer, chez les végétaux, leur cycle de vie, d'une graine jusqu'à la mort. Certainement par analogie avec l'être humain, vivant parmi les vivants, animal parmi les animaux, avec cependant des caractéristiques propres.
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Ces distinctions, Aristote va les reprendre dans la Grèce du 4e siècle avant J.-C., en expliquant la vie par les fameuses âmes (en latin anima, principe vital, âme) : végétative, qui permet l'essentiel de la vie et de ses transformations, dont sont dotés les végétaux et les animaux ; sensitive, davantage liée à la motricité, au comportement, qui concerne tous les animaux ; et intellectuelle, rationnelle, que seuls possèdent les humains.
Par qui ou quoi est donnée cette vie, selon lui ?
Elle est partout... Mais il faut préciser que bien que vivant et non-vivant soient distingués, il n'y a pas de frontière absolue. On peut passer de l'un à l'autre : jusqu'au 19e siècle, la génération spontanée sera considérée comme possible, pour les végétaux comme pour les animaux - toutefois pour des êtres de plus en plus simples.
Par ailleurs, à la tradition aristotélicienne, il faut en ajouter une autre, l'alchimie, très active dès l'Antiquité, puis dans le monde arabe et l'Europe médiévale. Elle postule q[...]
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