"On se fait balader": le gouvernement ne veut pas accélérer sur la fin des régimes spéciaux au Sénat
L'une des rares divergences entre le gouvernement et la droite sénatoriale sur la réforme des retraites. L'exécutif qui ne cesse d'arrondir les angles avec Les Républicains pour parvenir au vote de la réforme des retraites a dit non à l'accélération de la suppression des régimes spéciaux. Au grand dam de certains qui disent ne pas pouvoir faire confiance à Olivier Dussopt.
"Il y a une telle différence entre les mots et les actes. On nous dit des mots doux à la tribune mais on se fait balader", juge ainsi auprès de BFMTV.com le sénateur LR René-Paul Savary, l'un des spécialistes du dossier retraites.
"Totalement injuste"
La droite a pourtant annoncé la couleur depuis des semaines à l'exécutif: elle veut aller plus vite sur la fin des régimes spéciaux. En l'état actuel de la réforme, le régime de retraite de la RATP, du CESE, des clercs de notaire, d'EDF et des industries gazières sera supprimé à l'été pour tous les nouveaux entrants.
C'est même le seul article du projet de loi sur la réforme des retraites qui a été adoptée à l'Assemblée nationale. Mais les salariés actuellement en poste continueront de bénéficier de leur régime spécial, en vertu de ce qu'on appelle "la clause du grand-père". La réforme concerne seulement les futurs entrants qui seront, eux, alignés sur le régime général de retraite. Une hérésie pour la droite sénatoriale.
"On a donc des gens qui vont faire le même travail dans une entreprise mais l'un pourrait partir à 58 ans parce qu'il y est entré plus tôt et l'autre à 64 ans. C'est totalement injuste", avance la sénatrice LR Catherine Deroche, la présidente de la commission des Affaires sociales.
Hésitations d'Olivier Dussopt
La droite sénatoriale défend un amendement qui vise à la convergence d'ici 2040. Concrètement, cela voudrait que les salariés qui sont entrés avant la fin des régimes spéciaux dans leur entreprise n'en bénéficieront plus s'ils partent à la retraite après 2040.
Mais pour le gouvernement, le sujet est trop brûlant pour aller sur ce terrain. À 4 jours de la mobilisation du 7 mars que les syndicats espèrent massive, aller sur ce terrain pourrait représenter une provocation.
Après avoir s'être dit "ouvert" sur la question ce dimanche sur BFMTV, Olivier Dussopt a finalement rétropédalé. Ce jeudi, à quelques heures de l'ouverture des débats au Sénat, le ministre du Travail a finalement fermé la porte.
"Revenir sur la clause du grand père n'est pas ce que souhaite le gouvernement. Nous avons dit depuis le début que nous souhaitons respecter le contrat social", a ainsi lancé l'ex socialiste sur RTL.
"De l'huile sur le feu" pour les sénateurs centristes
Le ministre s'est d'ailleurs bien gardé de remettre le sujet sur le tapis lors de son discours devant le Sénat pour ouvrir les débats quelques heures plus tard. Si le gouvernement n'a pas repris à son compte cette demande, alors qu'il pourrait dire oui au reste des propositions des LR comme la surcote de la pension pour les mères de famille à partir de 2 enfants, c'est qu'il n'en a pas besoin.
Les centristes, dont la droite a à tout prix besoin pour faire adopter le texte, sont, eux fermement opposés à l'accélération de la suppression des régimes spéciaux.
"Ce n'est pas la peine de mettre de l'huile sur le feu", nous expliquait dès lundi Élisabeth Doineau (UDI) et rapporteure général de la commission des Affaires sociales, évacuant tout ralliement de son groupe à la proposition de ses collègues.
De quoi soulager l'exécutif qui ne parvient pas à calmer la contestation et qui se retrouve à nouveau en difficulté sur la retraite à 1200 euros, l'un des volets clefs de sa réforme.
Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, elle avait déjà du plomb dans l'aile, très loin d'une généralisation massive comme évoqué pendant la présidentielle, et continue encore de faire des remous.
Loin de concerner 40.000 nouveaux retraités chaque année comme l'avait affirmé le ministre du Travail le 15 février sur France inter, seules "entre 10.000 et 20.000 personnes franchiront le seuil des 1200 euros", affirme un courrier de son ministère, transmis au député socialiste Jérôme Guedj sur sa demande.