Sur Facebook, les groupes de mamans ont un succès confidentiel, entre solidarité, compétition et jugement
PARENTALITÉ - « Bonjour les mums, je recherche un lit parapluie en don ou à petit prix, merci. » « Hello, auriez-vous un pédiatre à me recommander ? » « Help ! Mon fils a perdu son doudou sur le chemin de la crèche. » Si vous êtes inscrit sur Facebook et a fortiori si vous êtes parent, sans doute connaissez-vous ces messages. Depuis quelques années, ils font le sel de ce que l’on peut appeler « les groupes de mums » sur Facebook. Soit des groupes de parents (le plus souvent des mères) qui se réunissent par ville ou par quartier sur le réseau social pour y glaner bons plans et conseils en éducation.
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Des arrondissements de Paris à ceux de Marseille, en passant par les communes de taille beaucoup plus modeste : presque tous disposent de leur propre « groupe de mums », où l’on retrouve le même type de publication, souvent en lien avec la parentalité. On y trouve pêle-mêle des recommandations de professionnels de santé, de baby-sitters ou d’activités « kids friendly », des recherches de matériel de puériculture, des demandes d’avis sur les crèches ou les écoles… Souvent arrivées sur ces groupes sur la recommandation d’autres mères déjà dans la confidence, les inscrites y trouvent leur compte.
C’est le cas de Clémence, qui fait partie du groupe des mums du 9e arrondissement de Paris, et qui a été immédiatement conquise par le « dynamisme » et les « ressources » dont font profiter les membres à toute la communauté. « Je m’étais totalement désintéressée de Facebook, et finalement je consulte à nouveau l’appli tous les jours pour voir ce qui se passe sur le groupe », confie-t-elle.
Un constat partagé par Joséphine, qui s’est inscrite sur le groupe « Mums in the 18 (&Dads) » quelques mois avant la naissance de sa première fille. « J’aime bien l’idée de faire bénéficier à d’autres mon expérience, comme d’autres le font avec moi. C’est une mine d’or d’infos », affirme la jeune femme.
Un espace sororal
Tisser du lien social, faciliter l’entraide et le partage de bons plans entre membres : c’est aussi ce qui a motivé Sandra lorsqu’elle a créé il y a six ans un « groupe de mums » dans la ville du Val-d’Oise dans laquelle elle vient alors d’emménager. Avec une ambition : en faire un « safe space » pour les femmes, où elles peuvent se confier sans craindre le regard masculin. Si certains groupes, à l’image des « nouveaux parents du 19e », sont mixtes, celui dont Sandra est modératrice est exclusivement composé de femmes, qu’elles soient mères ou non. « Je voulais leur donner un espace de parole, explique-t-elle. Ça ne fonctionnerait pas aussi bien si les hommes y étaient inclus. »
Parce qu’elles s’y sentent protégées, les femmes de ces groupes n’hésitent parfois pas à s’épancher sur leur vie de famille ou leurs problèmes de couple. Et même si elles ne donnent pas toujours leur identité - un mode anonyme existe pour les publications - elles y trouvent une oreille attentive et parfois un peu plus. « Je me souviens d’une femme dont la séparation avec son conjoint se passait mal et qui recherchait en urgence un logement. Elle en a trouvé un grâce à une autre membre », témoigne ainsi Camille, inscrite dans un groupe d’une ville des Hauts-de-Seine.
Ces groupes « font prendre conscience aux parents qu’ils vivent tous les mêmes galères. C’est salvateur, en particulier lorsqu’ils ont de très jeunes enfants ou qu’ils sont confrontés à des problématiques particulières, comme un enfant en situation de handicap, une parentalité solo ou queer, des jumeaux… », éclaire Fabienne Lacoude, journaliste et autrice spécialiste des enjeux féministes autour de la parentalité. Sandra a vu à l’œuvre cette sororité. « Il y a quelque temps, une maman qui avait perdu son enfant a posté un message. Elle a reçu beaucoup de mains tendues et m’a confié plus tard que le groupe lui avait sauvé la vie », raconte-t-elle, émue.
Donner une image de « parent parfait »
Mais la bienveillance entre membres n’empêche pas parfois les dérapages, en particulier dans les publications abordant des sujets clivants comme l’allaitement ou l’éducation des enfants. Camille en a fait les frais. « Un jour, j’ai demandé conseil parce que je n’avais pas apprécié le comportement d’un copain de mon fils. Je me suis pris une avalanche de reproches en commentaires, ça m’a fait l’effet d’une douche froide. Après ça, j’ai mis longtemps à poster à nouveau un message. »
Toutes les mères interrogées ont déjà constaté sur le groupe dont elles font partie des « échanges un peu tendus » avec « des parents donneurs de leçon », que ce soit en rapport avec le comportement de certaines nounous au parc, le sommeil ou l’alimentation. Pour Fabienne Lacoude, cela n’a rien d’étonnant dans la mesure où ces groupes restent un moyen de valoriser sa propre vision de la parentalité. « Il faut réussir ses enfants comme on réussit sa carrière, comme on réussit son couple », analyse la spécialiste, qui considère également que ces espaces virtuels sont le reflet des jugements auxquels les parents sont confrontés dans la vraie vie. « Le souci, c’est qu’il peut y avoir tout d’un coup 10, 20, 50 autres parents qui viennent expliquer à la première à quel point elle fait mal, ce qui s’apparente à un raid de harcèlement. »
Une « soupape de sécurité » plutôt qu’un levier d’émancipation
Depuis six ans, Sandra a d’ailleurs été obligée de modérer, voire supprimer certains messages hostiles, même si ces derniers restent à la marge. « Il m’arrive de faire des rappels à l’ordre sur le groupe. » Mais, assure-t-elle, cette activité est aujourd’hui bien moins chronophage qu’elle ne l’a été par le passé. « Le groupe s’autorégule avec des commentaires qui viennent contre-argumenter certaines positions ou invitent à prendre du recul. »
Il n’en reste pas moins que ces groupes de mums, par l’énergie qu’ils demandent, pourraient être soupçonnés d’alourdir la charge émotionnelle et mentale des femmes. Même lorsque les groupes sont mixtes, ce sont surtout elles qui investissent ces espaces. Alors, à quand le même succès des « groupes de papas », où les pères débattent sur la tétine ? Sandra, elle, invite à voir ces espaces comme « une soupape de sécurité » plutôt qu’un « un levier pour libérer les femmes de leur condition ». Pour prolonger ce lien virtuel, elle organise en parallèle des « apéros de mums », où les membres se rencontrent et échangent autour d’un verre. « Pour certaines, c’est le seul moment du mois où elles peuvent souffler. Leur offrir ça, c’est déjà beaucoup », conclut-elle.
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