Face à la précarité alimentaire, une sécurité sociale de l’alimentation ?
La Gironde et Montpellier expérimentent des dispositifs de sécurité sociale de l'alimentation, pour faire face aux difficultés pour se nourrir.
Des étudiants obligés de sauter un repas faute de budget, un recours aux Restos du Coeur en augmentation, autant de symboles de difficultés croissantes pour se nourrir. Selon l'association, le nombre de personnes accueillies a bondi de 22% lors des "trois premiers mois" de la campagne d'hiver 2022/23 par rapport à l'année dernière, avec une forte hausse des demandes de familles avec de très jeunes enfants.
🔴 Près de 1000 étudiants attendent dehors malgré le froid pour une distribution alimentaire. @LinkeeOfficiel
Avec l’inflation, la précarité étudiante est de plus en plus importante. pic.twitter.com/TaFRIVZS3b— Clément Lanot (@ClementLanot) January 23, 2023
150 euros par mois par personne, enfant inclus
Face au problème, le concept d'une sécurité sociale de l'alimentation émerge depuis quelques années. L'idée, calquée sur le modèle du système de santé et de la carte vitale, est de faire naitre une carte vitale de l’alimentation. Elle donnerait accès à certains produits pour un montant de 150€ par mois et par personne, enfants compris, détaille le site dédié au projet qui regroupe une dizaine d’organisations, comme le réseau Civam, la Confédération paysanne, l’association d’agronomie ISF Agrista, l’association d’éducation populaire Réseau Salariat, le collectif Démocratie alimentaire ou le réseau Vrac.
L'idée lancée en 2017 reposerait sur trois idées principales : comme pour la carte vitale lorsqu'on va chez le médecin, tout le monde aurait droit à cette carte de l'alimentation, quelque soit son revenu. Les produits éligibles à ce système seraient soigneusement choisis de manière démocratique, dans le but d'améliorer la qualité de l'alimentation et de promouvoir un meilleur revenu pour les agriculteurs, notamment dans le bio ou en circuit court, pour faciliter la transition du modèle agricole.
Financement par les cotisations
Le financement de cette sécurité sociale de l'alimentation, dont le coût est estimé à 120 milliards d’euros par an, serait assuré par les cotisations de chacun. Cotisations sur les salaires ? La valeur ajoutée des entreprises ? Uniquement des cotisations patronales ? Là aussi, différents scénarios sont à l'étude.
Si le projet semble très abstrait, il se concrétise depuis plusieurs semaines. À Montpellier, une "caisse alimentaire commune" a été lancée fin janvier, sous forme d'expérimentation jusqu'en décembre. Quelque centaines de personnes vont cotiser entre 1 et 150 euros chaque mois, pour percevoir une allocation alimentaire de 100 euros, changée en monnaie locale.
Une expérimentation en cours à Montpellier
Les cotisations, qui varient en fonction des situations économiques de chacun, financent une partie du programme, des subventions d'acteurs locaux complètent le budget. Là aussi, les modalités d'utilisation de cette allocation ont été particulièrement ciblées et offrent une alternative à la grande distribution : supermarché coopératif, marchés ou encore groupements d'achat en lien avec des producteurs, avec pour objectif de favoriser une agriculture raisonnée qui contribue à la lutte contre le réchauffement climatique et permet aux paysans de vivre correctement.
Dans une tribune publiée dans Libération en janvier, Jean-Luc Gleyze, président du Département de la Gironde, et Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, prônent la mise en place d'une Sécurité sociale de l'alimentation, reprenant les grands principes mis en avant par le site dédié au projet : les produits éligibles à cette carte vitale décidés "démocratiquement avec les citoyens au sein de caisses locales, où chacun cotisera selon ses moyens et recevra selon ses besoins", avec l'objectif de "permettre à des maraîchers de produire en proximité" sur le territoire, tout en leur garantissant "un revenu digne" et en assurant ainsi une mission de santé publique, en "améliorant l'alimentation" des moins favorisés par la possibilité d'accéder, sans se priver, à de la nourriture saine.
Un sujet soutenu par une députée de la majorité
Quarante membres d'un "conseil citoyen" vont travailler avec la ville de Bordeaux, le département et le collectif Acclimat'action, pour "construire d'ici la fin de l'année ce que pourrait être cette sécurité sociale de l'alimentation". Si "ce que sera cette sécurité alimentaire n'est pas encore définie", la piste d'une carte vitale de l'alimentation est sur la table, explique Jean-Luc Gleyze au Figaro.
Des initiatives locales qui pourraient émerger dans le débat public national dans les prochains mois. Si le sujet est fréquemment soutenu par les élus écologistes, il a aussi fait l'objet du soutien de la députée Renaissance Sandrine Le Feur, agricultrice bio, autrice d'une tribune "Pour une Sécu de l'alimentation" en octobre 2021 dans le JDD. Autre soutien, la présidente socialiste de la région Occitanie Carole Delga. Un sujet qui pourrait revenir sur le devant de l'actualité, avec les difficultés croissantes pour se nourrir liées notamment à l'inflation.
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