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Face au ressentiment des Français, quelle sortie de crise pour le président Macron ?

Face au ressentiment des Français, quelle sortie de crise pour le président Macron ?

Après plus de deux mois de contestation sociale, l'inflexibilité d'Emmanuel Macron sur la réforme des retraites se heurte à une contestation grandissante.

Alors que les syndicats organisent jeudi prochain une onzième journée d’action, le gouvernement les a conviés à Matignon en début de semaine. Un "changement de stratégie" du gouvernement selon Bruno Palier, directeur de recherche du CNRS à Sciences Po (auteur du livre "Réformer les retraites").

"L’enjeu de cette réunion est très important", dit-il, "il s’agit pour le gouvernement de montrer qu’il ouvre de nouveau la porte à l’échange avec les partenaires sociaux". Car ces derniers n'ont pas été reçus par le gouvernement depuis la présentation du texte de loi à l'Assemblée nationale en janvier dernier.

Mais cette volonté de renouer le dialogue peut-elle réellement aboutir et apaiser la colère sociale ? Rien n’est moins sûr. Jusqu’à présent, le pouvoir s’est montré inflexible : pas question de revenir sur la mesure phare de la réforme, le recul de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans.

Un dialogue de sourds ?

"Il y a un malentendu en avant de ce rendez-vous, puisqu’Emmanuel Macron et le gouvernement laissent savoir que la décision sur les retraites est prise et ne sera pas discutée. Alors que les syndicats y vont pour parler de cela", souligne le politologue.

Le président français mise sur un essoufflement du mouvement social qui entre dans son troisième mois. Mais selon Bruno Palier, à mesure que le gouvernement s’obstine, l’opposition des Français ne cesse de grandir. "Les sondages montrent un soutien toujours massif aux syndicats et à la mobilisation, une opposition plus forte qu’avant à la réforme des retraites, plus 5% dans les dernières sondages. Donc il n’y a pas essoufflement", dit-il.

Le Conseil constitutionnel en arbitre

Tous les yeux se tournent également vers la Cour Constitutionnelle. L’institution se prononcera le 14 avril prochain sur la conformité avec la Constitution d’un texte adopté au forceps au Parlement, sans vote par le biais de l’article 49.3. Personne ne peut présumer de la décision des juges mais le risque de censure total est très faible selon les spécialistes.

Et cet épisode pourrait encore accroître les tensions. "A chaque fois que les choses se sont passées à l’encontre de l’opinion publique, qui est à 70% opposée à cette réforme, il y a une réaction encore plus forte qu’avant. Donc on peut imaginer qu’une censure partielle ou même pas de censure du tout de la part du Conseil Constitutionnel, peut réactiver l’opposition à la réforme beaucoup plus que l’épuiser", estime Bruno Palier.

Ce dernier met en garde sur le débouché politique pour la France : "si tout se passe comme le gouvernement le souhaite, c’est à dire que la réforme passe, il est très clair que lors des prochaines élections, le Rassemblement National gagnera beaucoup de voix. Ce sont des mécanismes politiques qu’on connaît bien au niveau européen et ce sont les sondages qui le montrent".

L'extrême-droite en hausse dans les sondages

Selon une étude d'opinion réalisée une semaine après le passage du 49.3, en cas d'élections législatives, le Rassemblement National gagnerait 5 points d’intentions de vote tandis que le parti présidentiel enregistrerait un recul équivalent (Sondage Ifop-Fiducial du 27 mars 2023).

Quant à la côte de confiance d’Emmanuel Macron, elle est à son plus bas depuis sa réélection. En un mois, elle a chuté de 4 points à 26% (sondage Kantar Public - Epoka pour Le Figaro magazine publié jeudi).