Face à l’Assemblée, Michel Barnier poursuit le « en même temps » macroniste (en ménageant le RN)

Michel Barnier lors de son discours de politique générale, ce mardi 1er octobre à l’Assemblée nationale (Photo by ALAIN JOCARD / AFP)
ALAIN JOCARD / AFP Michel Barnier lors de son discours de politique générale, ce mardi 1er octobre à l’Assemblée nationale (Photo by ALAIN JOCARD / AFP)

POLITIQUE - Une heure et vingt-deux minutes face à la représentation nationale. Ce mardi 1er octobre, Michel Barnier a – enfin – levé le voile sur la politique qu’il comptait conduire à la tête du gouvernement. Le ton calme et le débit mesuré, le Premier ministre a voulu convaincre une Assemblée nationale « divisée comme jamais depuis 1958 » du bien-fondé de son projet, qu’il définit comme étant compatible avec les différentes sensibilités qui s’expriment au sein de l’hémicycle, pour peu que chacun accepte de faire un pas vers ses adversaires.

« Prenons soin de la France et des Français : ils nous demandent de dépasser nos divisions et nos querelles et d’agir pour l’intérêt supérieur du pays », a-t-il exhorté en fin de discours, après avoir décliné des orientations qui ne marquent pas la moindre rupture avec ce qui a été entrepris depuis sept ans sous Emmanuel Macron. Prenons l’épineuse question budgétaire. Michel Barnier promet que les deux tiers de l’effort seront assurés par une baisse des dépenses publiques. Une volonté de tailler dans le gras qui coexiste – en même temps – avec « l’accès à des services publics de qualité ».

Une continuité économique et sociale

Le tout en faisant de l’école un chantier prioritaire. Pas uniquement en travaillant sur les besoins exprimés par le secteur de l’éducation, mais en proposant – en même temps – un remède qui a de quoi mettre le feu au corps enseignant. « Ne pourrait-on pas, par exemple, faire appel à des professeurs retraités volontaires, y compris pour accompagner leurs plus jeunes collègues ? », a-t-il interrogé. Plus loin, le Premier ministre s’est alarmé de la « dette écologique » que la société léguera à ses enfants. Une « épée de Damoclès » qui, selon lui, menace le pays au même titre que la dette budgétaire.

Mais, en même temps, Michel Barnier annonce une simplification du diagnostic de performance énergétique pour les logements et un assouplissement du calendrier (alors que l’interdiction de location des passoires thermiques classées G devait entrer en vigueur le 1er janvier 2025) et une révision de la réglementation « zéro artificialisation nette ». Le Premier ministre appelle à investir sur les énergies renouvelables mais, en même temps, lève le pied sur les éoliennes, appelant à en mesurer « tous leurs impacts ».

Pendant 82 minutes de discours, le Premier ministre n’a pas utilisé une seule formule ou une seule orientation qu’aurait reniée Emmanuel Macron. Sauf, peut-être, sa volonté de « demander une contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés afin d’éviter les stratégies de défiscalisation des plus gros contribuables ».

Sur le reste, c’est bien la continuité d’une politique qui ne promet pas de renverser la table sur le plan économique et social qui a été annoncée. Une augmentation du Smic ? Non, une avance de deux mois de la revalorisation qui intervient chaque année au mois de janvier. Alors que le chef de l’État a toujours plaidé pour des mécanismes de primes agissant en fonction des résultats de l’entreprise (et non pour des augmentations sur le salaire fixe), Michel Barnier entend lui aussi encourager « la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié ».

Le « dépassement » élargi au RN

Seule nouveauté : alors qu’il était jusque-là question de ménager (tant bien que mal) les différentes composantes et sensibilités du camp présidentiel, le « dépassement » semble désormais s’élargir au Rassemblement national. Plusieurs annonces ont en effet de quoi ravir les oreilles de Marine Le Pen. On peut citer par exemple « la sécurisation des cartes vitales pour éviter le versement indu d’allocations », qui figurait en bonne place dans le programme de la candidate RN en 2022. Et ce, même si cette mesure (qui tient davantage du symbole que de la lutte efficace contre la fraude) pourrait avoir un coût supérieur aux montants qu’elles permettraient de récupérer. Même chose concernant la sécurité. Ou plutôt la réponse pénale.

« Nous proposerons des peines de prison courtes et immédiatement exécutées pour certains délits. Je pense qu’il nous faut également réviser les conditions d’octroi du sursis et limiter les possibilités de réduction ou d’aménagement de peines », a lancé Michel Barnier. Soit précisément ce que réclame de longue date le parti d’extrême droite, tout comme la construction de nouvelles places de prison, annoncées ce jour par le Premier ministre. Même alignement sur les « mesures strictes » promises sur l’immigration, comme une meilleure exécution des obligations de quitter le territoire (OQTF) ou une meilleure maîtrise des frontières.

Ainsi, la déclaration de politique générale prononcée par Michel Barnier mêle à la fois des principes économiques poursuivant l’œuvre du gouvernement précédent, tout en offrant des garanties au parti de Jordan Bardella. « L’assertion sur l’éolien, c’est clairement le marqueur, un gage donné à la tutelle du Rassemblement national sur ce gouvernement », a aussi noté auprès de l’AFP Mattias Vandenbulcke, directeur de la stratégie de l’association professionnelle des énergies renouvelables.

Il pouvait, en réalité, difficilement en être autrement, puisque l’alliance entre la Macronie et LR a été placée sous la surveillance du Rassemblement national. Un parti qui a bien compris tout le profit qu’il pouvait tirer de la situation. Lors de son discours prononcé juste après celui du Premier ministre, Marine Le Pen s’est même autorisée à aller plus loin que la neutralité bienveillante observée par son groupe. « Nous serons des soutiens si vous savez faire preuve de courage », a-t-elle lancé à Michel Barnier. Sur le papier en tout cas, elle signe tout de suite.

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