Fête de l’Huma : quel avenir pour Fabien Roussel, désormais sans siège de député ?

Le secrétaire national du PCF, qui participe ce week-end à la Fête de l’Humanité, est fragilisé depuis qu’il s’est incliné face au RN dans sa circonscription du Nord.

Fabien Roussel sera tout le week-end à la Fête de l’Huma dans l’Essonne.
EMMANUEL DUNAND / AFP Fabien Roussel sera tout le week-end à la Fête de l’Huma dans l’Essonne.

POLITIQUE - Entre le concert de Louise Attaque, le show de Guillaume Meurice et la carte blanche offerte à la militante américaine Angela Davis, la 89e édition de la Fête de l’Huma, qui a lieu jusqu’à dimanche dans l’Essonne, s’annonce riche et variée. Plusieurs centaines de milliers de personnes sont attendues à partir de ce vendredi 13 septembre dans les allées de ce rendez-vous important de la rentrée. Fabien Roussel devrait, lui, moins avoir le cœur à la fête. En juin, le secrétaire national du PCF s’est incliné face au Rassemblement national dans sa circonscription populaire du Nord. Une lourde défaite, sur une terre qui était dans l’escarcelle du Parti communiste depuis 1962.

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« Même s’il savait que la bataille serait difficile, Fabien a pris un gros coup sur la tête, confie l’un de ses proches au HuffPost. Il est depuis longtemps aux premières loges de la progression du RN, surtout dans le bassin minier, mais cette fois la vague a été plus forte. Heureusement, les bons résultats du NFP l’ont vite remis en selle et il n’a pas eu le temps de se morfondre ». Peu après le résultat des législatives, le Nordiste a pris la route du Sud. Direction la Corse. Comme chaque année, il a planté sa toile de tente dans un camping au bord de la mer. L’occasion de réfléchir à tête reposée aux raisons de cet échec. « C’est dur. J’y repense tous les jours. Je me demande ce que j’aurais pu faire de plus, de mieux. Vraiment, je ne vois pas », confiait-il fin juillet au Figaro.

Outre celui de Fabien Roussel, le PCF a enregistré de sérieux revers aux législatives : Pierre Dharréville (Bouches-du-Rhône), Sébastien Jumel (Seine-Maritime) ou encore Jean-Marc Tellier (Pas-de-Calais) ne siègent plus non plus à l’Assemblée, cédant tous trois leur place au RN. Mais pour le secrétaire national, la question se pose de son avenir en politique. « Je ne suis absolument pas inquiet, évacue un cadre communiste. C’est un homme brillant, qui a montré qu’il était capable de rebondir. Je ne doute pas de sa capacité à s’adapter à cette situation nouvelle. »

« Il n’a pas rejeté la faute sur Mélenchon »

« Battu mais pas abattu », Fabien Roussel reste d’ailleurs conseiller municipal de Saint-Amand-les-Eaux, où il vit. Pour ne pas perdre le contact du terrain, l’ancien journaliste entend conserver sa permanence pour accueillir les doléances des habitants. Manière de demeurer « un élu local combatif », explique-t-il dans les colonnes de l’Humanité, au plus près « des maires, des associations, des syndicats », mais aussi de se maintenir prêt au cas où une nouvelle dissolution de l’Assemblée verrait le jour dans les prochains mois.

« J’observe que cette fois, Fabien Roussel n’a pas rejeté la faute sur Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis comme il a l’habitude de le faire trop souvent. Sa défaite est malheureuse mais elle ne remet pas en cause tout le programme et la stratégie du NFP », estime un député LFI interrogé par Le HuffPost. Celui-ci note une évolution dans le discours du leader communiste depuis les élections législatives : « Roussel retrouve certains accents qu’il avait perdus, je l’ai entendu récemment parler de la classe des riches. Et surtout, il joue moins contre son camp ».

Par le passé, Fabien Roussel a pu heurter une partie de l’électorat de gauche, en parlant de « gauche des allocs », en se faisant le défenseur d’une alimentation carnée (quand bien même les effets désastreux sur le climat sont prouvés de longue date), en fustigeant « les frontières passoires » et en adoptant certaines positions jugées « réactionnaires ». Contre la Nupes, il a plusieurs fois sorti les griffes et souvent refusé de se voir associer à la coalition. Alors le nouveau Roussel est-il arrivé ? Le principal intéressé renie s’être métamorphosé. « Quand on met de l’eau dans son vin, ce n’est pas bon. En politique c’est pareil », a-t-il dit au micro d’Europe 1 le 10 septembre, utilisant l’une de ces formules qui font sa réputation.

« Un projet tourné vers l’isolement »

Reste que pour la première fois dans l’histoire du PCF, le secrétaire national perd son siège de parlementaire. De Maurice Thorez à Marie-George Buffet, en passant par Georges Marchais ou Waldeck Rochet, tous ses prédécesseurs sont restés députés lors de leur passage à la direction de Colonel Fabien. Le signe d’une époque qui change, où l’ancrage local et militant du PCF, bien que toujours fort, reflue.

La députée communiste Elsa Faucillon, opposante interne à la stratégie de Fabien Roussel, appelait récemment son parti à « opérer un [changement de] braquet sur le fond ». Le risque étant selon elle d’être durablement « écartés » du pouvoir et « d’aller vers les mêmes déceptions qu’aux élections européennes », où la liste de Léon Deffontaines a fait moins de 5 % des voix, ne parvenant à envoyer aucun élu au Parlement européen. « Le projet défendu par le parti reste tourné vers l’isolement et sur des thématiques assez éloignées de ce que porte en commun le NFP », regrettait-elle alors.

À la Fête de l’Huma ce week-end, le patron du PCF participera à plusieurs débats, notamment celui avec ses homologues du NFP Olivier Faure, Marine Tondelier et Manuel Bompard. Il prononcera un discours lors du traditionnel meeting du samedi soir. Désormais sans assise parlementaire, Fabien Roussel est quasi entièrement tourné vers ses activités nationales : il court les plateaux télé et radio, participe régulièrement aux visios avec les autres chefs de partis de gauche, honore ses rendez-vous à Paris… Mais perd la main sur le chaudron de l’Assemblée, où de nombreuses batailles décisives seront menées dès la reprise des travaux le 1er octobre.

Il y a quelque chose de tragique à l’entendre dire « Nous voterons », « Nous demanderons » ou « Nous verrons », quand on sait qu’il ne fait plus partie de ce « nous », et que le groupe repose pour moitié sur des élus d’outre-mer, éloignés des logiques partisanes et des rapports de force internes au PCF. Au sein du parti, le courant opposé à Fabien Roussel, baptisé Alternative communiste, vient de publier un texte destiné à ouvrir le débat en vue du prochain congrès. Il parle de « sept ans d’échecs stratégiques » et d’un « déclin théorique et idéologique ». Très vite, Fabien Roussel pourrait aussi se voir contester sa place de secrétaire national. Et là, ce serait encore une autre affaire.

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