Comment expliquer l'intensité et l'ampleur de la tempête Boris qui dévaste une partie de l'Europe

Au moins quinze personnes sont mortes et plusieurs sont portées disparues en Europe centrale et orientale après le passage de la dévastatrice tempête Boris, qui a fait des milliers de sinistrés et d'immenses dégâts encore difficiles à estimer.

Des pluies incessantes, gonflant les cours d'eau et rivières et provoquant des immenses inondations, secouent depuis ce vendredi la région. Des milliers d'habitants ont dû être évacués, parfois par hélicoptères, certains s'étant réfugiés sur les toits de leur maison ou de leur voiture.

En Roumanie, en Pologne, en République tchèque, en Autriche et en Slovaquie, les cumuls de précipitations sont localement impressionnants.

Air polaire et eaux chaudes

Boris est une forte dépression, une zone de basse pression qui aspire les masses d'air ambiantes. "L'air s'y engouffre, et s'échappe vers le haut. Il se refroidit lors de sa montée. La vapeur d'eau qu'il contient finit par se condenser et former des nuages", explique Météo-France.

Dans le cas présent, la tempête est alimentée par la "masse d'air polaire" qui descend du nord de l'Europe et qui a notamment affecté la France en faisant drastiquement baisser les températures.

"La probabilité d'avoir une coulée d'air aussi frais en septembre est exceptionnelle, de l'ordre d'une chance sur 100. Elle est cinq fois moins probable aujourd'hui (période 1991-2020) qu'il y a 30 ans (1961-1990) due au changement climatique", écrit le climatologue Christophe Cassou sur X.

Cet air froid est ensuite entré en contact avec un air chaud et humide en provenance de la Méditerranée, mais également de la mer Noire, créant un important contraste. Cette goutte froide constitue alors un réservoir de chaleur et d'humidité, avec beaucoup d’évaporation, et donc un grand potentiel de pluie.

"Le fait que nous soyons au début de l'automne avec une Méditerranée extrêmement chaude est un facteur inquiétant. Le potentiel précipitant de ce type de dépression, déjà connu et redouté pour générer d'intenses précipitations en temps normal, sera augmenté", explique le prévisionniste François Jobard.

Stationnaire

Si la tempête est si dévastatrice, c'est également car la dépression Boris est coincée entre deux anticyclones: l'un du côté de l'Atlantique et l'autre sur la Russie. Par conséquent, elle ne peut pas s'évacuer et stagne au-dessus de l'Europe centrale.

"Cette situation de blocage rend la tempête encore plus dangereuse, car elle se recharge en continu, ce qui fait durer les précipitations. Les sols saturés ne peuvent pas absorber toute cette eau, d’où les crues dévastatrices", indique Christophe Cassou.

Ce blocage et le caractère stationnaire de la tempête expliquent les importants cumuls de pluie, et même parfois de neige, enregistrés ces derniers jours: tous les ingrédients sont réunis. Si "ce phénomène n'est en rien unique, ce qui est exceptionnel, c'est le potentiel de pluie énorme qui y est associé, ainsi que la taille de la zone géographique concernée", détaille Françoise Vimeux, climatologue et directrice de recherche à l'Institut de recherche pour le développement, auprès du Monde.

Un phénomène accentué par le changement climatique

Y'a-t-il un lien avec le dérèglement climatique? Selon ClimaMeter, qui contextualise et analyse les extrêmes météorologiques dans un contexte climatique, oui, la variabilité naturelle du climat ne pouvant pas à elle seule expliquer l'intensité de cet épisode.

"Des dépressions similaires à la tempête Boris, qui ont provoqué des inondations en Europe centrale, montrent une augmentation des précipitations (4-8 mm/jour, soit jusqu'à 20% de précipitations en plus) sur l'Europe de l'Est aujourd'hui par rapport au passé", indique l'organisme.

"Les recherches montrent que les précipitations extrêmes deviennent plus fréquentes et plus intenses en raison du changement climatique provoqué par l'homme", décrit Davide Faranda.

Selon le Giec en 2021, avec un réchauffement de 1,5 °C, les précipitations extrêmes et les inondations deviendront plus intenses et fréquentes en Europe. La température mondiale a déjà augmenté de 1,2 °C depuis l'ère préindustrielle.

En effet, lorsque l’atmosphère se réchauffe de 1°C, elle peut en effet contenir 7% de vapeur d'eau en plus, ce qui entraîne une intensification des pluies extrêmes.

Une situation toujours dangereuse

Selon les prévisions, la tempête Boris devrait "glisser lentement vers le sud d'ici mardi soir et pourrait perdre en intensité", indique TF1. La dépression devrait perdre de l'énergie dans la journée de lundi mais les inondations vont se poursuivre plusieurs jours.

Selon le porte-parole de l'Institut de météorologie et de gestion de l’eau de Pologne interrogé par Le Monde, "si les précipitations se stabilisent, le point culminant des dégâts peut être encore devant nous". Les habitants et les autorités de cette vaste région restent en alerte. Les sols continuent d'être saturés et les rivières sortent de leur lit.

Partout des états de catastrophe naturelle ont été déclarés, des centaines de milliers de foyers se retrouvent sans électricité ou sans eau, les routes sont coupées et les transports ferroviaires interrompus.

Article original publié sur BFMTV.com