Publicité

Pierre Ménès : « Le plus dur, c’est de réapprendre à marcher »

Le rendez-vous avait été pris il y a plusieurs jours. On se connait bien avec Pierrot. On a souvent échangé pendant cette période si compliquée pour lui. Je me présente à son domicile. J’appréhende un peu pour tout vous dire. Quand Mélissa, sa fiancée, m’accueille souriante, entourée des trois chiens, je suis rassuré. Son kiné est également présent et fait travailler Pierre. Il est terriblement amaigri et fournit sous mes yeux des efforts colossaux, de simples flexions, il revient de si loin, mais je sens tout de suite chez lui une volonté phénoménale d’aller de l’avant. Il est épuisé mais sourit, le charme opère.

« Le plus dur, c’est de réapprendre à marcher »
« Le plus dur, c’est de réapprendre à marcher »

Pierre, déjà comment vas-tu ?

Pierre Ménès : Mieux, mieux… Chaque jour est un progrès. Le plus dur pour moi aujourd’hui, c’est de réapprendre à marcher. J’ai un kiné qui vient chaque jour chez moi pour me faire travailler. Je fais des exercices tout seul. Puis il y a mon fils qui vient me faire bosser aussi. Je suis super motivé et je suis concentré là-dessus, sur le fait de pouvoir à nouveau être autonome et me lever tout seul. Je n’arrive pas encore à me lever du canapé mais ça doit être une question de jours maintenant.

Explique nous pourquoi tu n’arrives pas à marcher ?

Trois mois avant ma greffe, j’étais trop faible pour marcher. J’avais beaucoup de vertiges que j’ai encore d’ailleurs. Je ne marchais plus. J’allais en dialyse en fauteuil roulant et puis derrière, j’ai enchainé avec 25 jours couchés à l’hôpital. Tu n’as plus de muscles, plus d’équilibre, tu es un légume. Depuis le mois d’avril, j’ai perdu 45 kilos. Je faisais 130 kg, aujourd’hui je suis à 88.

Tu as été greffé le 12 décembre dernier, cinq mois après le déclenchement de la procédure.

Cinq mois, c’est très rapide. Rapide parce que je devais subir une double greffe : rein et foie. Quand tu as les deux, tu es prioritaire, mais il n’y a aucun passe-droit. Il y a une liste où tout le monde est anonyme. Tu prends des points selon l’aggravation de ton état. J’avais le ventre qui se gonflait d’eau. On me ponctionnait tous les quatre jours dix litres d’eau. Et comme ça s’est infecté, c’est une raison pour être encore plus prioritaire. J’avais également une thrombose de la veine porte. Le conduit était en train de se fermer. S’il avait été complètement fermé, j’aurais été inopérable. La thrombose aussi m’a donné des points supplémentaires. J’étais premier en Ile-de-France fin novembre. J’ai été appelé le 12 décembre à 4h du matin.

Comment as-tu réagi à ce moment-là ?

Honnêtement, Mélissa a tout fait. Elle était déchainée. Moi, j’étais complètement absent. Je suis monté dans l’ambulance, les mecs m’ont parlé de foot. Puis je suis arrivé à l’hôpital, je ne sais pas si j’ai perdu connaissance ou si j’ai dormi. Mais je ne me souviens de rien jusqu’à mon réveil. Quand les médecins m’ont ouvert pour l’opération, c’était vraiment très limite, très, très limite. J’étais en grand danger. En danger de mort quoi. Je pense que le jour où j’ai été greffé, il me restait une semaine à vivre… Je suis tellement plein de gratitude pour la famille de ce donneur qui m’a redonné la vie parce que j’allais mourir.

Tu en avais conscience ?

(silence) Oui, oui.

Mais tu avais cette force en toi qui t’a fait tenir ?

Je n’en avais plus beaucoup de force, c’est assez paradoxal. Tu as hâte de cette greffe et en même temps, tu la redoutes parce que tu sais que tu vas être opéré pendant 10-12 heures, qu’il y a un risque que tu y restes. Tu ne sais pas du tout comment tu vas te réveiller, quelles sont les souffrances que tu vas vivre derrière. Je m’étais habitué aux souffrances d’attente de la greffe, aux nuits blanches, aux vomissements, à cette immense fatigue qui était là en permanence. C’était devenu mon quotidien. La greffe, c’était un saut dans l’inconnu, je n’ai pas été déçu.

La greffe, c’était un passage obligatoire. Désormais, je vois un autre “Pierrot” là…

J’espère pas trop un autre “Pierrot”. J’espère redevenir celui que j’étais avant. Je n’ai plus la même joie de vivre encore mais c’est parce que cela fait quinze jours que je suis rentré à la maison. Je suis enfermé chez moi et ce n’est pas super rigolo comme vie même si je suis super bien entouré par Mélissa (ndlr, sa fiancée). Je ne m’éclate pas. J’ai repris mon blog, ma chronique dans Direct Matin, j’essaye de nouveau d’être actif. Je me suis enfin mis à mon scenario de film mais bon, tout ça me réclame beaucoup d’effort. Même au niveau du scenario, je sens que je n’ai pas la même fantaisie.
Pas encore mais ça va revenir. Aujourd’hui, la force, tu la mets surtout pour l’exercice physique, pour retrouver de la mobilité.

Oui, je suis extrêmement concentré là-dessus, sur le fait de remarcher. Le jour où ce sera le cas, et tout seul, je vais recommencer à vivre. Je pourrais sortir un petit peu, reconduire, chose que je ne fais pas depuis le mois de juillet. Voilà, j’ai pleins d’objectifs, de paliers devant moi. Depuis huit jours, je vois que je progresse. Là, ça fait deux jours que je vais marcher dehors. Je fais 40-50 mètres mais c’est déjà un progrès. Il ne faut pas être trop exigeant non plus. Je ne prends pas de risque, j’essaye d’être prudent.

Qu’est-ce qui te manque le plus ?

De remarcher dans un premier temps. D’être autonome, d’avoir une vie sociale, d’aller voir mes amis à Canal +. Et puis le CFC (Canal Football Club, ndlr) me manque terriblement… Terriblement (silence… il sanglote). C’est une souffrance de voir cette émission le dimanche soir sans moi. Ça dure depuis septembre, c’est long. C’est mon métier, c’est ma vie, c’est ma passion. C’est mon plaisir aussi. C’est tout quoi. C’est tout ce qui me fait avancer. C’est même vital. Je me trouve bon alors qu’en presse écrite avant, je n’ai jamais eu de prétention. Je ne suis pas Vincent Duluc quoi (ndlr, journaliste à L’Equipe). Mais à la télé, je sais ce que j’apporte à l’émission. Tellement de gens me disent que je leur manque. Qu’ils sachent qu’ils me manquent aussi. Le jour où je serai de nouveau sur le plateau, j’aurais vraiment la sensation de revivre. Pour l’instant, je travaille à revivre. Mais c’est une dure épreuve. C’était une dure épreuve avant la greffe, c’est encore une dure épreuve aujourd’hui.

Professionnellement, tu as aussi été soutenu par une immense famille.

C’est incroyable tout l’amour que j’ai reçu. Des gens de ma profession bien sûr dont toi. J’en profite pour te remercier. Et les gens de Canal + qui sont exceptionnels. On chie tellement sur cette chaine depuis que Vincent Bolloré a pris les rênes que je peux être le témoin que ce n’est évidemment pas ça. C’est une grande famille, c’est un soutien permanent, sans faille. Ça aide beaucoup. Et puis tous les messages de soutien sur les réseaux sociaux, de footballeurs, de présidents de clubs, d’entraineurs… J’ai même reçu des maillots dédicacés du PSG, de Monaco, de Rennes.

On sent cette envie de revenir sur les plateaux. Quand penses-tu effectuer ton retour ?

Je me suis toujours fixé mi-mars. Il faudra que je voie comment je marche. Si ce n’est pas mi-mars, ce sera début avril ou mi-avril. Je reviendrai avant la fin de la saison. Je ne doute pas que quand je serai rétabli, je serai occupé. J’ai l’émission du vendredi qui devait avoir lieu cette saison, qui aura lieu la saison prochaine. Donc j’aurai mon émission le vendredi soir et le CFC le dimanche. Ce sera déjà bien. Il ne faut pas que je devienne boulimique, il faut que je sois raisonnable.

Après 1 heure passée ensemble (30 minutes à le voir souffrir dans les bras de son kiné et 30 minutes à échanger), il est temps de partir. Pierrot est souriant mais fatigué. Il n’a pas changé : généreux et enthousiaste mais dégage aussi une douceur que je ne soupçonnais pas. Une chouette personne !

Courage camarade !