Essai nouvelle Ford Focus RS : elle se met vraiment en 4

Vous la préférez comment, votre sportive compacte ? Dans le genre, il y a généralement deux écoles : d'un côté celle des modèles traction deux roues motrices (Renault Megane RS, Seat Leon Cupra, Peugeot 308 GTI...), qui profitent de leur légèreté structurelle, de leur efficacité mécanique et parfois même de leurs pneumatiques spéciaux pour ridiculiser de vraies grosses GT sur circuit. De l'autre, celle des quatre roues motrices luxueuses et ultra-puissantes (Mercedes A45 AMG, Audi RS3, Volkswagen Golf R...) conçues pour fournir le meilleur niveau d'agrément possible sur route et vous satelliser en ligne droite. Si vous avez déjà essayé une A45 AMG ou une Audi RS3, vous savez que ces modèles 4x4 ne sont jamais vraiment à leur aise sur la piste, où les autos du premier groupe les dominent au chronomètre (sauf s'il n'y a que des grandes lignes droites). En cause, une tendance naturelle au sous-virage, un poids plus important et des réglages pas du tout optimisés pour le circuit.

Jusqu'à la seconde génération de modèle, la Ford Focus RS était à ranger dans la première catégorie. Et la logique aurait voulu que la troisième mouture conserve son architecture "traction", jusqu'au moment où les responsables du département RS ont décidé de monter une transmission intégrale sur l'un de leurs prototypes. Après quelques essais avec un système 4x4 Haldex comparable à celui de chez Audi, les ingénieurs Ford l'ont jugé trop ennuyeux en conduite sportive. Alors, ils ont pris la décision de construire leur propre transmission intégrale, en partant d'un système similaire à celui du Range Rover Evoque. Après de grosses modifications sur cette transmission, Ford présentait sa Focus RS de troisième génération au salon de Genève 2015 devant une foule de spécialistes intrigués par sa fiche technique. La Focus RS, admirée depuis longtemps par une grosse communauté de puristes au même titre que la Megane RS, avait-elle mis de l'au dans son vin pour séduire la clientèle de la Golf R 4x4 ?

Un style plus "Civic Type R" que "Leon Cupra"

Les communicants de Ford ont beau nous expliquer que chacun de ses appendices aérodynamiques a une justification technique, force est de constater que cette nouvelle Focus RS de troisième génération se montre presque aussi agressive dans le style que la précédente mouture. Même avec deux portes de plus (c'est officiellement une "familiale"), les passants se retournent très souvent sur elle surtout si vous avez choisi la couleur bleue électrique de notre modèle d'essai. Comme sur la Civic Type R - référence absolue de l'agressivité outrancière chez les sportives - l'aileron arrière et le dessin des boucliers permettent de supprimer toute forme de portance aérodynamique, sans aller jusqu'à générer de l'appui. A l'intérieur en revanche, la Focus RS est à peine plus démonstrative qu'une version ST. Seuls les baquets monocoque (optionnels) et les multiples petits badges "RS" permettent de la distinguer. On retrouve malheureusement la planche de bord au style vieillissant de la Focus apparue en 2011, et il faut piocher généreusement dans le carnet d'option pour que l'équipement devienne pléthorique.

Sur la route, la déception d'abord...

Dès les premiers mètres, l'amortissement surprend par sa fermeté supérieure à ce que vous pouvez ressentir dans une Peugeot 308 GTI, une Leon Cupra ou une Volkswagen Golf R. On n'est quand même pas au niveau de dureté d'une Civic Type R, mais l'auto ne fait clairement pas partie des plus douces du segment. A ce sujet, le réglage "Sport" de l'amortissement à deux positions est à réserver au circuit, car vraiment trop raide pour une utilisation routière. Après avoir fait connaissance avec cette machine très facile à vivre sur un trajet urbain (la boîte manuelle 6 vitesses n'a rien à voir avec celle de la Civic Type R, pour le coup), les premières grosses accélérations en mode Sport déçoivent un peu. Certes, aucune concurrente à 2 roues motrices ne pousse aussi fort et avec le launch control, vous pouvez coller une seconde pleine à ces dernières sur un 0 à 100 kilomètres / heure. Mais on n'est pas encore au niveau des catapultes 4x4 que sont les Mercedes A45 AMG (381 chevaux) et les Audi RS3 (367 chevaux), malgré un nouveau moteur 4 cylindres 2,3 litres développant tout de même 350 chevaux et 470 Nm de couple via un overboost. Et la sonorité, certes plus raffinée que celle de la Mercedes, ne pourra jamais vous faire oublier la partition extraordinaire du 5 cylindres de la RS3. La consommation est d'ailleurs au niveau de cette dernière, avec largement plus de 10 litres aux 100 kilomètres en conduite normale et un compteur qui dépasse vite les 20 litres lorsque vous attaquez vraiment. Quant au comportement dynamique de la bête, il reste désespérément neutre tant que vous restez sur le mode "Normal" de l'ESP. A ce moment de l'essai, nous commencions à sérieusement douter des commentaires dithyrambiques de nos confrères anglais, passés juste avant nous dans les machines. Cette Focus RS ne serait-elle qu'une compacte policée, plutôt efficace mais très banale dans son comportement ?

...Et soudain, tout change

C'était juste avant de comprendre le mode d'emploi de cette auto. Lorsque vous actionnez le mode "Track", l'ESP se place dans un réglage "Sport" extraordinairement peu intrusif qui modifie profondément son comportement. Lorsque la transmission et l'équilibre châssis s'expriment librement, la Focus RS 3 devient absolument sidérante à piloter. Commencez par la brutaliser pour de bon sur la route, vous aurez alors une idée précise de son potentiel sportif. Très mobile de la poupe à l'inscription, elle vous envoie carrément du couple et de la puissance par les roues arrière. Rajoutez-en encore une couche dans un virage serré et elle vous gratifiera même d'une petite équerre à la sortie ! Et encore, ce n'est rien à côté de ce que cette machine peut réaliser sur circuit. Là où une RS3 ou une A45 AMG ne savent rien faire d'autre que sous-virer lamentablement entre deux lignes droites, la Focus RS se montre encore plus vivante qu'une Megane RS Trophy R. Son train arrière n'est peut-être pas aussi baladeur que celui de la Française, mais sa surprenante faculté de se faire passer pour une propulsion (ou plutôt, une quatre roues motrices ultra-sophistiquée) rend l'expérience sur circuit sérieusement intéressante. Pour sous-virer, il faut vraiment le chercher. Cerise sur le gâteau si vous préférez la glisse aux tours chronos, il y a même un mode "Drift" pour jouer les Ken Block en travers. Ca marche comme au cinéma à condition de se montrer généreux avec l'accélérateur, de faire preuve d'un minimum de maîtrise et de prévoir un bon budget pneu. Il faut le voir pour le croire.

Un positionnement unique au monde

A cause de son poids élevé, on n'est même pas certain que cette nouvelle Focus RS puisse battre une Megane RS Trophy-R ou une Leon Cupra au chrono sur circuit (à pneumatiques égaux). Avouons-le, on serait curieux de vérifier ça. Et je suis déjà sûr qu'avec ses Pilot Sport Cup 2 optionnels, elle ne ferait qu'une bouchée des 4x4 "premium" les plus puissantes du marché. Mais ce ne sont de toute façon pas les performances pures qui permettent à l'auto de se démarquer. Ford a juste réussi à mettre au point la sportive compacte la plus amusante au monde à piloter. Et la seule 4x4 de son genre réellement intéressante à mener sur circuit. A 39 600 euros en prix de base, elle est aussi largement moins chère qu'une Golf R, et dans un autre monde par rapport aux RS3 et A45 AMG. Ceux qui recherchent seulement le meilleur rapport prix-performances pourront toujours se contenter d'une traction comme la Leon Cupra. Pour les autres par contre...

Ford Focus RS

Moteur : 4 cylindres 2,3 litres
Puissance : 350 chevaux
Couple : 440 Nm
0 à 100 km/h : 4,7 secondes
Vitesse de pointe : 266 km/h
Poids : 1599 kilos
Consommation mixte officielle : 7,7 litres/100 km
CO2 : 175 g/km
Prix : à partir de 39 600 euros