En esquivant la censure, le Parti socialiste a-t-il (vraiment) sauvé François Bayrou ?

Olivier Faure photographié à la tribune de l’Assemblée nationale jeudi 16 janvier (Photo by Thibaud MORITZ / AFP)
THIBAUD MORITZ / AFP Olivier Faure photographié à la tribune de l’Assemblée nationale jeudi 16 janvier (Photo by Thibaud MORITZ / AFP)

POLITIQUE - Le pot aux roses. Depuis que le Parti socialiste a refusé de voter la motion de censure déposée par les autres forces du Nouveau Front populaire ce jeudi 16 janvier, La France insoumise croit avoir découvert une supercherie : le parti présidé par Olivier Faure aurait « sauvé » François Bayrou. Voire, pour Manuel Bompard, l’aurait rejoint dans une vaste coalition. Une présentation des choses pour le moins exagérée, mais qui s’inscrit dans la bataille de récits que se livrent socialistes et insoumis sur la stratégie à adopter face à l’exécutif.

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Car non, un vote du groupe présidé par Boris Vallaud n’aurait en aucune façon provoqué la chute du gouvernement, puisque le RN (ostensiblement absent de l’hémicycle) avait annoncé son refus de voter la censure. Or, sans les voix du parti d’extrême droite, il est impossible de faire tomber un exécutif soutenu par le bloc central et son nouvel allié LR. Par ailleurs, le Parti socialiste n’a pas renoncé à censurer le gouvernement.

« Sous surveillance »

« On n’a pas sauvé François Bayrou, on lui accorde un sursis », nuance auprès du HuffPost un socialiste depuis le Palais Bourbon, affirmant que le parti à la rose n’hésitera pas à appuyer sur le bouton fin janvier s’il n’obtient pas satisfaction sur le Budget, actuellement examiné au Sénat. « La non-censure votée hier ne visait qu’une seule chose, que François Bayrou clarifie noir sur blanc les engagements évoqués durant les négociations. Ce qu’il a fait avec sa lettre. Maintenant il faut que cela se concrétise dans le Budget », prévient-on du côté du groupe socialiste, où l’on assume de mettre François Bayrou « sous surveillance ».

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Plus tôt dans la semaine, un ténor du parti utilisait auprès du HuffPost la métaphore de la « dissuasion nucléaire » pour décrire la situation. « La vraie difficulté pour le Premier ministre ce sera le Budget. Il a deux options : nous écouter ou se mettre dans la main du RN. S’il choisit la deuxième option, on censure. Et il subira à un moment ou un autre le même sort que Michel Barnier », analysait notre interlocuteur. Illustration de la pression qu’entend exercer le PS sur le gouvernement : cet arvertissement publié sur X par Boris Vallaud.

Le parti présidé par Olivier Faure, qui reste dans l’opposition, a par ailleurs d’autres lignes rouges, comme la remise sur le métier d’une énième loi immigration. Alors, pourquoi la France insoumise dépeint les élus PS comme des supplétifs macronistes ?

Pour la formation mélenchoniste (qui refuse tout compromis avec le gouvernement) il s’agit de rendre minoritaires toutes velléités de discussions avec l’exécutif. D’où la nécessité de présenter le Parti socialiste comme étant exclu, de fait, du NFP. Un avis que ne partagent pas tellement le Parti communiste et les Écologistes, qui affirment qu’ils vont continuer (comme le PS) à discuter avec François Bayrou.

Le mur du Budget

« On va reprendre les discussions avec le gouvernement, sur l’environnement notamment. Quand on n’est pas là, personne ne le défend à notre place », a fait savoir la cheffe des écolos Marine Tondelier. Quant au secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, il a exprimé sa volonté de poursuivre le dialogue « avec le gouvernement dans le cadre du budget de la nation comme celui de la Sécurité sociale » afin d’« arracher des victoires sociales, écologiques et démocratiques ». En outre, le groupe écologiste a annoncé jeudi soir qu’il « œuvrera à maintenir l’unité de la gauche ».

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Auprès du HuffPost, une source socialiste à l’Assemblée résume ainsi l’équation : « il n’était pas question de faire tomber François Bayrou, puisqu’il n’allait pas tomber à cause du RN. Le sujet n’a jamais été là. Le débat est stratégique. Faut-il, même si on est dans l’opposition et qu’on juge ce gouvernement illégitime, arracher des avancées dans le Budget ? Nous on pense que oui. Pas les insoumis. C’est un débat vieux comme la gauche ». Selon cette perspective, le mur du Budget sera le véritable juge de paix pour le Premier ministre. Pour l’heure, le Projet de loi de finances est examiné au Sénat, jusqu’au vote prévu jeudi 23 janvier.

Le texte sera ensuite discuté dans le cadre d’une commission mixte paritaire (CMP), réunissant sénateurs et députés. C’est à l’issue de cette conciliation que les choses vont devenir vraiment sérieuses pour François Bayrou. Car si celle-ci est conclusive, le Premier ministre devra faire passer le Budget à l’Assemblée. Soit en dégageant une majorité sur le texte. Soit en utilisant le 49-3, qui provoquera une motion de censure. L’arbitrage qu’en fera le Parti socialiste sera alors déterminant. François Bayrou n’est pas (encore) tiré d’affaires.

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