Eric Dupond-Moretti peut-il être sanctionné après ses bras d'honneur à l'Assemblée?
Son geste a suscité un tollé. Alors que les députés examinaient mardi un texte visant à imposer une peine d'inéligibilité contre des auteurs de violences, le président du groupe LR Olivier Marleix a invité la majorité à "s'offrir une séance d'introspection" et commencé à énumérer plusieurs condamnations, mises en examen et enquêtes concernant des membres du gouvernement.
Il a notamment cité le garde des Sceaux, qui va être jugé par la Cour de Justice de la République pour "prise illégale d'intérêts". Piqué au vif, Eric Dupond-Moretti, a fait deux bras d'honneur, avant de "regretter" ses gestes, qui n'étaient selon lui "pas adressés au député Marleix" mais à l'atteinte à "la présomption d'innocence".
Face au tollé suscité par sa réaction, Eric Dupond-Moretti a présenté ses excuses au député et à "toute la représentation nationale". Mais peut-il être sanctionné pour avoir eu ce geste dans l'Hémicyle?
Des sanctions pour les députés, pas pour les ministres
Ce n'est pas la première fois qu'un bras d'honneur est pratiqué dans l'enceinte du Palais-Bourbon. Le député vert Noël Mamère avait été sanctionné en 2009 par le bureau de l'Assemblée nationale après avoir eu ce geste en direction d'élus de la majorité. Il avait alors fait l'objet d'un rappel à l'ordre et d'une privation, pendant un mois, d'un quart de son indemnité parlementaire.
Interrogée ce mercredi matin sur Franceinfo au sujet de possibles sanctions contre Eric Dupond-Moretti, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a rappelé qu'il "n'est pas dans (son) pouvoir" de le sanctionner, "car il n'est pas député".
En effet, les peines disciplinaires prévues par l'article 70 du réglement de l'Assemblée nationale ne concernent que les "membres" de l'Hémicycle, soit les députés, et non les ministres qui interviennent dans les débats.
Les "manifestations troublant l'ordre", "mise en cause personnelle", "injures, provocations, menaces" provoquées par des députés peuvent notamment être sanctionnées.
Une sanction politique?
Le garde de Sceaux ne pourra donc pas faire l'objet d'une sanction de la part de l'Assemblée nationale. De nombreuses figures politiques ont cependant appelé à sa démission.
C'est le cas de Marine Le Pen, la cheffe des députés RN, qui a estimé que ses gestes "le discréditent dans les fonctions éminentes qui sont les siennes", appelant "la Première ministre à prendre ses responsabilités."
"Dans n’importe quelle autre démocratie, la Première ministre aurait exigé sa démission séance tenante", a jugé de son côté Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste.
Le député écologiste Aurélien Taché a également enjoint le garde des Sceaux à "conserver un peu de dignité" et à "démissionner immédiatement".
"On peut passer à autre chose"
Mais le gouvernement n'a pas évoqué de sanction pour l'instant et plusieurs de ses membres ont pris la défense du ministre. "C'est quelqu'un d'entier, Éric Dupond-Moretti", a avancé Gabriel Attal, ministre délégué aux Comptes publics, sur BFMTV.
"Il a été attaqué personnellement sur la présomption d'innocence par un député, en tout cas il l'a vécu comme tel", a-t-il expliqué, ajoutant que "maintenant qu'il s'est excusé", "on peut passer à autre chose".
Mêmes éléments de langage du côté d'Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, qui a lui aussi fait appel au caractère de son collègue pour expliquer ses gestes. "Vous le connaissez, c’est un homme entier, un homme d’honneur qui se bat pour le droit des victimes et qui reconnaît la liberté de pouvoir se défendre et notamment la présomption d’innocence", a-t-il commenté sur RTL, rappelant lui aussi qu'il s'est "excusé deux fois".
Quant à la Première ministre, elle a signifié lors d'un échange téléphonique avec Eric Dupond-Moretti que son "comportement n'avait pas sa place dans l'Hémicyle", a appris l'AFP auprès de l'entourage d'Elisabeth Borne.