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Envoyé Spécial sur Hulot: comment Schiappa a changé de ton

Plusieurs femmes accusent l'ancien présentateur de TF1 et ministre de la Transition écologique d'agressions sexuelles, dans un documentaire diffusé par Envoyé Spécial.

POLITIQUE - C’est une onde de choc. Nicolas Hulot est accusé par cinq femmes d’agressions sexuelles, trois ans après la révélation d’une première plainte déposée en 2008 par Pascale Mitterrand, la petite-fille de l’ancien président de la République.

Trois ont témoigné dans une enquête diffusée jeudi 25 novembre au soir par Envoyé Spécial sur France 2, quand deux autres ont livré leur récit par écrit. Toutes évoquent des actes sous la contrainte ou la surprise, des baisers, caresses ou une tentative de fellation forcée. Ce que l’ancien présentateur télé et ministre de la Transition écologique avait démenti, la veille, sur BFMTV. Invité de RTL, son avocat Alain Jakubowicz, explique avoir conseillé à son client de ne finalement pas s’exprimer, puisque, assure-t-il, Envoyé Spécial ne lui fournissait pas les séquences où il était accusé.

Au cours de ces soixante-deux minutes de témoignages précis et détaillés, une séquence plus politique a retenu particulièrement l’attention, au lendemain de sa diffusion. Notamment en raison de ce qu’elle dit du soutien sans faille dont l’ancien ministre a pu bénéficier au sein du gouvernement d’Edouard Philippe, lors des premières révélations en 2018. Mais ça, c’était avant.

Edouard Philippe n’avait “aucune raison de douter”

Dans cet extrait, filmé en février 2018, Marlène Schiappa, alors secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, discute, dans son bureau, avec plusieurs de ses conseillers pour mettre en scène sa réponse aux informations publiées par le journal Ebdo, disparu depuis.

Le média fait état, à ce moment-là, d’une plainte pour viol déposée contre l’ancien animateur télé dix ans plus tôt pour des faits commis en 1997, et finalement classée sans suite en raison de la prescription. En réaction, les poids lourds de la Macronie volent au secours du ministre, et le chef du gouvernement, Edouard Philippe affirme qu’il n’a “aucune raison de douter de sa parole.”

C’est dans ce contexte que Marlène Schiappa décide d’en faire davantage, sous l’impulsion de son entourage politique. “Le manque d’expression de ta part, qui est assumé, puisque c’est ce que l’on a choisi de faire, il commence à se voir, il commence à être repris”, estime alors l’un de ses conseillers, comme le montre la séquence diffusée par Envoyé Spécial, avant de convenir d’un plan d’action en deux étapes: une “image qui veut dire beaucoup”, ensemble avec Nicolas Hulot. Ce qui sera fait à l’Assemblée nationale. Et une tribune de soutien dans le Journal du Dimanche.

Un texte finalement publié le 10 février 2018, titré “pourquoi les accusateurs de Nicolas Hulot bafouent la parole des femmes”. Marlène Schiappa prend la plume pour vilipender l’enquête du magazine Ebdo, “irresponsable”, selon ses mots, qui ne sert “ni la crédibilité de la parole des femmes ni la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.” Et de rappeler, sur le fond: “Le Premier ministre a parlé au nom de tout le gouvernement en étant très clair, le gouvernement fait confiance à Nicolas Hulot.”

Marlène Schiappa veut désormais une enquête

Surtout, la tribune aurait pu être encore plus offensive à l’égard du travail des journalistes auteurs de ces premières révélations. Dans l’extrait diffusé, on voit Marlène Schiappa envisager de s’en prendre au magazine en le qualifiant de “torchon populiste” avant de juger cette saillie “too much.”

Un discours qui tranche avec sa réaction aux nouvelles accusations. Mercredi, Marlène Schiappa disait “espérer que la justice ouvrira une instruction s’il y a des éléments” contre Nicolas Hulot, quelques heures après que son ancien collègue s’est défendu sur le même plateau. “La prescription, c’est au juge de l’établir. Et une fois encore une femme a été victime d’un viol et celui-ci est prescrit mais peut-être l’autre non”, ajoutait celle qui occupe désormais la Place Beauvau avec Gérald Darmanin.

Invitée à réagir sur RMC, au lendemain de la diffusion du documentaire, la ministre chargée de la Citoyenneté a défendu son changement de ton en estimant que “la situation d’aujourd’hui est différente par rapport à celle en 2018.”

”En 2018, on avait une femme qui disait ’je ne veux pas qu’on donne mon nom et je ne veux pas qu’on parle de la plainte que j’ai déposée.′ (...) Aujourd’hui nous avons plusieurs témoignages, les extraits sont terrifiants, moi maintenant mon souhait c’est que la justice puisse ouvrir une enquête”, a-t-elle affirmé dans l’émission “Les Grandes Gueules”.

C’est en réalité le gouvernement Castex qui semble lâcher l’ancien ministre de la Transition écologique, désormais accusé par au moins six femmes. Elisabeth Moreno, la successeure de Marlène Schiappa à l’égalité entre les femmes et les hommes a par exemple jugé, sur Twitter, “intolérable” l’ironie et l’autodérision déployée par Nicolas Hulot pour discréditer les nouveaux témoignages, avant même qu’ils ne soient diffusés. Le même procédé dont la vedette d’Ushuaïa avait usé en 2018, sans que grand monde ne trouve à redire.

À voir également sur Le HuffPost: Nicolas Hulot pris à partie par un groupe de féministes lors d’une conférence à Tours

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

VIDÉO - Marlène Schiappa s'explique sur son soutien à Nicolas Hulot en 2018

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