Entre larmes et colère, les Gazaouis mesurent l'ampleur des destructions

A Beït Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza. A la faveur de la trêve, des familles palestiniennes sont sorties samedi de leurs abris dans la bande de Gaza, découvrant l'ampleur des destructions opérées par les bombardements israéliens; /Photo prise le 26 juillet 2014/REUTERS/Suhaib Salem

par Noah Browning BEIT HANOUN bande de Gaza (Reuters) - A la faveur de la trêve, des familles palestiniennes sont sorties samedi de leurs abris dans la bande de Gaza, découvrant l'ampleur des destructions opérées par les bombardements israéliens. A Beït Hanoun, dans le nord du territoire palestinien, la famille Kefarneh a passé ces derniers jours dans une école gérée par les Nations unies. Samedi, la suspension temporaire des frappes leur a donné la possibilité de quitter leur refuge et, à l'instar d'autres familles, ses membres ont découvert ce qui reste de leur maison, désormais réduite à un amas de béton dont s'échappent encore des flammes. "Ressaisis-toi, sois fort", lance un homme à un proche plus jeune pris de sanglots. "Tu devrais être habitué à cela désormais", continue-t-il. Avant de s'effondrer à son tour. "Puisse Allah nous venir en aide", gémit-il en se couvrant le visage. La trêve humanitaire de douze heures acceptée par Israël et les factions combattantes palestiniennes, Hamas en tête, a également permis aux secouristes palestiniens de s'aventurer dans des villes et des quartiers à l'accès jusque-là impossible. En milieu de journée, selon les autorités gazaouies, ces équipes avaient pu extraire 61 corps des ruines inspectées dans les zones les plus proches des frontières de l'enclave. A Beït Hanoun, localité construite à l'angle nord-est de l'enclave, les traces des chenilles des chars israéliens sont visibles sur la chaussée de la rue principale, éventrée sur plusieurs centaines de mètres par les impacts d'obus d'artillerie et au moyen de matériels d'excavation. Le visage blanchi par la poussière, Rehab Zanine erre dans ce qui était il y a peu encore sa rue, aujourd'hui recouverte de poussière grise et de ruines. "Tout a disparu! Nos vies entières tenaient dans cette maison, nous étions dix-huit à y vivre", dit-elle en larmes. "Où allons-nous aller maintenant, où vont-ils tous où aller? Sommes-nous condamnés à nous disperser ici et là, à ne plus jamais être ensemble, à ne plus jamais être heureux?" COLÈRE Les autorités israéliennes justifient le déclenchement de la phase terrestre de l'opération Bordure protectrice par la nécessité de détruire les tunnels creusés par les factions combattantes palestiniennes pour s'infiltrer en territoire israélien ou contourner le blocus de la bande de Gaza. L'Etat hébreu dit déplorer les victimes civiles, précise qu'il a averti par tracts ou sms les populations civiles et accuse le Hamas de se servir des habitants de Gaza comme de boucliers humains. A Beït Hanoun, des habitants maudissent les forces israéliennes. Comme cette femme rencontrée tandis qu'elle retire des décombres un keffieh noir et blanc, emblématique de la cause palestinienne, dont elle se couvre la tête. "Ils ne nous prendront pas notre fierté. Nous porterons ce keffieh jusqu'à Jérusalem et le jour de la victoire est proche", dit-elle. Non loin de là, une autre femme s'écrie: "Qu'Allah bénisse la résistance! Qu'Il guide leurs pas!" Dans une maison, des secouristes s'affairent. Trois corps en sont extraits. Trois hommes. Un de leurs oncles, Intisar Al-Chinbari, laisse libre cours à sa colère. "Israël n'existe pas! Ceci est notre terre", dit-il. "Quoi qu'ils fassent, nous ne serons pas vaincus. Et même s'il ne reste qu'un seul petit enfant, la terre de Palestine sera libérée!" (avec Nidal al-Mughrabi; Henri-Pierre André pour le service français)