Entre Donald Trump et Kamala Harris, le « Washington Post » refuse de choisir : coup de tonnerre dans la campagne
ÉTATS-UNIS - Serait-ce la fameuse « october surprise » ? À une dizaine de jours du scrutin présidentiel américain, la presse américaine est secouée par une affaire embarrassante dans la dernière ligne droite de la campagne. En effet, l’influent Washington Post a publié vendredi un court texte indiquant que le quotidien ne soutiendrait aucun candidat entre Kamala Harris et Donald Trump.
Si Trump et Harris sont à égalité lors de la présidentielle américaine, que se passera-t-il ?
Une décision qui a de quoi surprendre, puisque le titre de presse a toujours pris parti pour un candidat depuis 1988. Pour justifier ce choix, le directeur général du Washington Post, William Lewis, a invoqué la retenue historique initiale du journal dans son histoire.
« Nous admettons que cela sera interprété de différentes manières, comme le soutien tacite d’un candidat ou bien la condamnation d’un autre, ou comme un renoncement à nos responsabilités. C’est inévitable », explique l’éditorial, qui préfère prôner l’indépendance et le devoir d’information non partisane du « WaPo ».
Jeff Bezos dans le viseur
Une réserve qui fait débat au sein de la rédaction depuis la publication de ce texte et qui a provoqué la colère des journalistes, qui s’en sont émus par l’intermédiaire du syndicat des journalistes du Washington Post.
A statement from Post Guild leadership on the Washington Post's decision to not endorse a presidential candidate pic.twitter.com/fYU7hkr79K
— Washington Post Guild (@PostGuild) October 25, 2024
« À 11 jours à peine d’une élection aux enjeux immenses », cette décision est logiquement jugée « très préoccupante » par le syndicat, qui s’inquiète d’une possible « ingérence » ayant conduit William Lewis à choisir la neutralité.
Le syndicat va même plus loin en pointant du doigt la responsabilité du patron du groupe Amazon, Jeff Bezos, par ailleurs propriétaire du Washington Post. Pour avancer de telles accusations, le syndicat affirme qu’un texte de soutien à Kamala Harris avait déjà été rédigé au sein de la rédaction, mais « la décision de ne pas publier a été prise par le propriétaire du Post, Jeff Bezos ».
Désormais, les journalistes déplorent des désabonnements de « lecteurs fidèles ». « Cette décision porte atteinte au travail de nos membres à un moment où nous devrions renforcer la confiance de nos lecteurs, et non la perdre », souligne également le syndicat.
« La démocratie meurt dans l’obscurité »
D’autres réactions virulentes accusant Jeff Bezos ont été partagées par d’éminents journalistes, comme Marty Baron, ancien directeur exécutif du journal américain. « C’est de la lâcheté, dont la démocratie est la victime. Donald Trump verra cela comme une invitation à intimider davantage le propriétaire Jeff Bezos (et d’autres) », regrette-t-il. Avant d’ajouter qu’il s’agit d’un acte d’une « mollesse inquiétante au sein d’une institution réputée pour son courage ».
On political endorsement https://t.co/e5OTZhylIE
This is cowardice, with democracy as its casualty. @realdonaldtrump will see this as an invitation to further intimidate owner @jeffbezos (and others). Disturbing spinelessness at an institution famed for courage.— Marty Baron (@PostBaron) October 25, 2024
Le texte de Williams Lewis, aurait déjà provoqué la démission du rédacteur en chef du Washington Post, Robert Kagan, selon les informations de NPR. Toutefois, la critique la plus évocatrice du malaise qui traverse la presse américaine après cette décision provient du duo Bob Woodward et Carl Bernstein. Célèbres pour avoir publié de nombreuses révélations sur le scandale du Watergate, sous la présidence de Richard Nixon.
Comme le rapporte Deadline, les deux hommes disent « respecter l’indépendance traditionnelle » de leur journal, mais remarquent que ce choix fort « ignore les preuves accablantes des reportages du Washington Post sur la menace que Donald Trump représente pour la démocratie ». Et redoutent déjà « le danger et les dommages qu’une deuxième présidence de Trump pourrait causer à l’avenir de la démocratie américaine ». Raison pour laquelle ils jugent « cette décision encore plus surprenante et décevante, surtout à ce stade tardif du processus électoral ».
Même combat au « LA Times »
D’autres n’ont pas hésité à tacler à distance le Washington Post, comme Jane Mayer, journaliste pour le New Yorker, qui avait choisi de soutenir la vice-présidence démocrate dans la course à la Maison blanche. « Fière de travailler pour le New Yorker qui contrairement au Washington Post sait qui soutenir », a-t-elle dénoncé sur X.
Proud to work for the @NewYorker which unlike the @WashingtonPost knows who to endorse: Kamala Harris for President https://t.co/u2tauRkkIW
— Jane Mayer (@JaneMayerNYer) October 25, 2024
Pourtant le Washington Post n’est pas le seul titre de presse dans cette situation. En effet, le Los Angeles Times, autre quotidien réputé aux États-Unis a choisi de ne pas choisir. C’était quelques jours plus tôt, par l’intermédiaire de son propriétaire Patrick Soon-Shiong.
Une autre posture de neutralité qui a provoqué des départs en cascade. À commencer par celui de Mariel Garza, désormais ex-rédactrice en chef des pages éditoriales, qui dénonce des faits étrangement similaires à ceux qui se sont déroulés au sein du Washington Post. Selon elle, le comité de rédaction du LA Times avait envisagé un texte de soutien à Kamala Harris, avant que ce dernier ne soit bloqué par… Patrick Soon-Shiong. Deux autres journalistes de renom ont annoncé leur démission.
Dans un tel contexte éditorial de l’autre côté de l’Atlantique, certains qualifient cette situation d’« october surprise ». Un terme emprunté au jargon politique américain pour désigner un événement d’actualité inattendu ou planifié qui aurait tendance à influencer le résultat des élections, juste avant le traditionnel vote du mois de novembre.
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