ENQUETE LIGNE ROUGE - Chevaux mutilés: la grande traque

"J’ai peur que ça recommence." Depuis plusieurs mois, la psychose se répand chez les éleveurs de chevaux, qui craignent chaque jour que leurs bêtes soient les nouvelles victimes de la série de mutilations qui sévit dans tout le pays. A l’écurie des Parriaud, Thomas Degres a mis en place une surveillance accrue depuis qu’il a retrouvé l’une de ses juments avec une entaille de 10 cm à l’oreille droite.

"Je pense qu’ils l’ont coupée avec un objet tranchant. La plaie était nette et franche, or il n’y a rien dans le box qui peut faire une plaie comme ça", explique-t-il à l’équipe de Ligne rouge, qui diffuse son enquête sur BFMTV ce lundi soir.

Comme lui, de nombreux propriétaires de chevaux sont rongés par la peur de retrouver leurs animaux blessés, lacérés, voire morts. Qui se cache derrière ces actes macabres? Avec plus de 200 enquêtes ouvertes dans plus de la moitié des départements français, les gendarmes tentent de percer le mystère.

Des chevaux "atrocement mutilés"

Tout commence dans les plaines de l’Est de la France, le 12 février dernier. Une première mort suspecte est recensée dans un lycée agricole du sud de la Moselle. Il est environ 08h00 quand Amélie Weisebecker, enseignante d’équitation, reçoit un appel inquiétant.

"Un salarié de la ferme m’explique qu’un cheval est couché par terre, mort. Il me dit que c’est bizarre car il lui manque une oreille. Sur place, je constate que la découpe est très propre. Cela n’a pas pu être fait par un autre animal. On voyait bien que l’acte était chirurgical", témoigne-t-elle.

Cette attaque n’est que le début d’une longue série. Le 4 mars, un étalon de 5 ans est égorgé dans le Loiret, le 23 avril, dans l’Aisne, c’est une pouliche de concours qui est retrouvée avec l’oreille droite coupée. En Seine-Maritime, le 19 juin, un âne est découvert mort, l’oeil arraché et l’oreille tranchée. Et le rythme s’accélère: en août, on dénombre presque un nouveau cas par jour. Le phénomène frappe notamment le département de la Saône-et-Loire, où un cap est franchi dans l’horreur.

Des auteurs "familiers des chevaux et de leur anatomie"

Le 8 août, le père de Jean-Michel Martinot, éleveur de chevaux de compétition à Cluny, découvre une pouliche gisant au pied d’un arbre, méconnaissable.

"Elle a été atrocement mutilée, son oreille a été coupée, un oeil a été enlevé et elle n’avait plus de parties génitales. Ces poulains qu’on fait naître, on les aime, on passe des heures avec eux. La retrouver comme ca a été un très grand choc", livre Jean-Michel Martinot.

Sa jument a également été vidée de son sang, avec une perforation en plein coeur. Un acte qui, selon l’éleveur, ne peut être que prémédité. "Elle a été prise au lasso, elle a des marques de strangulation qui laissent penser qu’elle s’est débattue. J’ai du mal à imaginer qu’une personne seule puisse commettre ces actes", avance-t-il.

Pour tenter de faire la lumière sur cet acte - comme sur toutes les autres affaires similaires - la gendarmerie ouvre une enquête. "Chaque fait est traité comme scène de crime, relate Maddy Scheurer, porte-parole de la gendarmerie. Les enquêteurs se déplacent, ils font des prélèvements qui sont envoyés à l’institut de recherche criminelle, les constatations sont effectuées autant que possible en présence d’un vétérinaire. On met toutes les chances de notre côté pour faire avancer les enquêtes le plus vite possible", poursuit-elle.

Dans le cas de l’attaque de Cluny, les constatations confirment la piste humaine. D’après Pascal Briday, le vétérinaire qui a examiné l’équidé agressé, les blessures ont été faites à l’arme blanche par des auteurs forcément familiers des chevaux et de leur anatomie.

"Ce sont des gens qui ont une technique, qui savent où sont les organes. Il n’y a pas eu de bavure. On voit clairement une trace de perforation en direction du coeur faite avec des outils longs. L’oreille a été coupée très nette, l’oeil a été sorti de l’orbite de façon précise sans abimer le pourtour. L’exérèse de la vulve a également été découpé", détaille-t-il.

"Aucune piste n’est privilégiée"

Autre élément troublant: ces attaques ont lieu partout en France, parfois au même moment. Le 4 août par exemple, cinq faits ont été signalés en l’espace de quelques heures: un cheval est retrouvé mort dans les Deux-Sèvres, un autre est mutilé dans les Yvelines, deux encore dans le Jura, et un dernier cas est recensé dans l’Yonne.

Comment l’expliquer? La gendarmerie envisage tous les scénarios. "On travaille sur la piste d’un challenge morbide sur les réseaux sociaux, sur celle d’un rituel religieux, satanique, ou encore sur des actes de mimétisme, des faits isolés, des actes d’une personne qui aurait une haine des chevaux, ou qui chercherait à se venger. Mais pour l’instant aucune piste n’est privilégiée", détaille Maddy Sheurer.

Le seul élément concret dont dispose les enquêteurs à l’heure actuelle est un portrait-robot dressé grâce à la description de Nicolas Demajean, à la tête d’un refuge pour animaux dans l’Yonne. Deux de ses poneys ainsi qu’un cheval ont été lacérés dans la nuit du 24 au 25 août. Alerté par les cris de ses cochons, il s’est retrouvé nez-à-nez avec deux hommes.

"Un individu est venu m’agresser avec sa serpette et on a lutté pendant cinq minutes. Je me suis défendu avec ma canne. Il essayait de me zigouiller", raconte-t-il.

Une quarantaine de faits attribués à l'Homme

D’après lui, l’homme parlait une langue étrangère, probablement des pays de l’Est et était âgé de 40 ou 50 ans. "Il avait une figure agressive, était là pour faire du mal", estime-t-il. C’est sa description qui permet, deux semaines plus tard, de donner un rebondissement à l’enquête. Un homme correspondant au portrait est interpellé à plus de 300 kilomètres de là, dans le Haut-Rhin, à Nambsheim. Mais il sera finalement mis hors de cause, laissant encore l’enquête sombrer dans le flou.

Découvrira-t-on un jour la vérité? Selon la gendarmerie, sur les 200 enquêtes ouvertes, la piste humaine est privilégiée dans une quarantaine de dossiers. Les enquêteurs et les propriétaires de chevaux sont à pied d’oeuvre pour percer ce mystère. Si les auteurs de ces actes de cruauté envers des animaux sont interpellés, ils risquent jusqu’à deux ans prison et 30.000 euros d’amende.

Article original publié sur BFMTV.com