Enquête visant des magistrats du PNF: un recours déposé devant le Conseil d'Etat

La balance de la justice, au tribunal de Douai - Philippe HUGUEN © 2019 AFP
La balance de la justice, au tribunal de Douai - Philippe HUGUEN © 2019 AFP

Une association de juristes et le syndicat Unité-Magistrats SNM FO ont déposé mardi un recours devant le Conseil d'État pour demander la suspension de l'enquête administrative ordonnée par le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti contre trois magistrats du parquet national financier (PNF).

"Atteinte à la séparation des pouvoirs"

Selon l'Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) et le syndicat de magistrats, la décision du garde des Sceaux demandant à l'Inspection générale de la justice (IGJ) de mener une enquête administrative sur trois magistrats du PNF, dont son ancienne cheffe Eliane Houlette, "porte atteinte à la séparation des pouvoirs", "l'indépendance de la justice", "la présomption d'innocence et les droits de la défense des magistrats du PNF nommément visés par le garde des Sceaux".

"L'objectif" du ministre de la Justice est de "mettre en cause sur le terrain disciplinaire, magistrats anticorruption et plus largement affaiblir le PNF à l'approche du procès de son ami Thierry Herzog et de Nicolas Sarkozy, au cours duquel l'accusation sera représentée par le PNF", ont estimé l'association et le syndicat.

Trois jours après avoir reçu le rapport de l'Inspection générale de la justice sur le fonctionnement du PNF, le ministre de la justice a demandé le 18 septembre l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de trois magistrats de ce parquet. Une telle enquête est la première étape d'une éventuelle procédure disciplinaire devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

L'enquête polémique du PNF

Le PNF avait été mis en cause pour avoir épluché les relevés téléphoniques détaillés ("fadettes") de ténors du barreau - dont Éric Dupond-Moretti, depuis devenu garde des Sceaux - pour tenter de trouver qui aurait pu informer l'ancien Président Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu'ils étaient sur écoute dans une affaire de corruption qui leur vaut un procès prévu à la fin de l'année.

Le rapport de l'Inspection avait globalement dédouané le PNF, notant le souci permanent des enquêteurs de ne pas "exposer excessivement la vie privée et le secret professionnel des titulaires des lignes exploitées".

Mais il avait aussi critiqué la durée de cette enquête: six ans de 2014 à 2019, dont trois ans sans aucune investigation. Il avait par ailleurs relevé "un manque de rigueur" dans le traitement de la procédure et une "remontée hiérarchique de l'information lacunaire" au vu de la sensibilité de l'affaire principale mettant en cause un ancien président de la République et "portant sur une suspicion de fuites au sein du monde judiciaire".

Le garde des Sceaux a justifié dimanche sa décision d'ouvrir une enquête administrative contre trois magistrats du PNF au nom de la nécessaire "responsabilité" de la profession.

Article original publié sur BFMTV.com