Enquête russe: Manafort placé en détention provisoire

Paul Manafort, l'ancien directeur de campagne de Donald Trump, a plaidé non coupable vendredi des faits présumés de subornation de témoin dont l'accuse le procureur spécial Robert Mueller dans l'enquête sur une possible ingérence russe dans l'élection présidentielle de 2016 aux Etats-Unis. /Photo prise le 15 juin 2018/REUTERS/Jonathan Ernst

par Sarah N. Lynch et Warren Strobel

WASHINGTON (Reuters) - La mesure de libération sous caution de Paul Manafort, l'ancien directeur de campagne de Donald Trump, a été révoquée vendredi par une juge fédérale qui a ordonné son placement en détention préventive.

Manafort comparaissait devant la juge fédérale Amy Berman Jackson, devant laquelle il a plaidé non coupable des faits présumés de subornation de témoin dont l'accuse le procureur spécial Robert Mueller dans l'enquête sur une possible ingérence russe dans l'élection présidentielle de 2016 aux Etats-Unis.

La juge de la cour fédérale du District of Columbia à Washington a déploré que Paul Manafort ait traité cette procédure judiciaire comme un "exercice de marketing".

"Je n'aime guère cela, mais je ne peux pas fermer les yeux: vous avez abusé de la confiance placée en vous", lui a-t-elle dit.

Le procureur Mueller reproche à Manafort d'avoir fait pression sur des témoins potentiels. L'accusation vise aussi un associé d'affaires de Manafort, Konstantin Kilimnik, soupçonné d'être lié au renseignement militaire russe.

Donald Trump a jugé injuste la mesure à l'encontre de son ancien directeur de campagne.

"Wow, quelle sentence sévère pour Paul Manafort", a écrit le président américain sur Twitter. "Je ne savais pas que Manafort était le chef de la Mafia. Très injuste!"

L'équipe du procureur spécial avait demandé à la juge Jackson de révoquer sa mesure de libération sous caution, arguant que sa conduite "obstructionniste" ne suscitait guère de confiance dans le fait qu'il se conformait aux clauses de sa conditionnelle.

CONSPIRATION ET BLANCHIMENT D'ARGENT

Paul Manafort est déjà poursuivi pour une série de faits allégués dont blanchiment d'argent, fraude bancaire et fraude fiscale dans le cadre de l'enquête que mène le procureur Mueller sur l'ingérence russe et une possible collusion entre des membres de l'équipe Trump et Moscou. Il avait été placé en résidence surveillée avec port d'un bracelet électronique.

Deux procédures distinctes sont en cours, devant la cour fédérale du District of Columbia à Washington, notamment pour conspiration contre les Etats-Unis et blanchiment d'argent, et en Virginie, devant le tribunal fédéral d'Alexandria, pour fraude fiscale et fraude bancaire.

Son procès en Virginie doit débuter fin juillet, celui à Washington commencera en septembre.

Consultant politique, Paul Manafort avait rejoint l'équipe de campagne de Trump en mars 2016 avant de la diriger entre juin et août 2016. Il entretient de longue date des liens avec les cercles politiques pro-russes d'Ukraine, dont l'ancien président Viktor Ianoukovitch, ainsi qu'avec un oligarque russe proche du Kremlin.

Aucun des chefs d'accusation retenus par le procureur Mueller ne fait cependant référence à la présumée ingérence russe ou aux soupçons de collusion entre des membres de l'équipe Trump et Moscou.

Trump a le pouvoir de gracier son ancien conseiller de tout crime fédéral, comme le président Gerald Ford l'avait fait au bénéfice de son prédécesseur Richard Nixon en 1974.

"Quand tout cela sera fini, les choses pourraient être effacés avec quelques grâces présidentielles", a déclaré vendredi l'avocat de Trump dans l'"enquête russe", Rudolph Giuliani.

Selon des experts juridiques, Robert Mueller veut maintenir la pression sur Paul Manafort afin qu'il plaide coupable et qu'il aide, dans le cadre d'une procédure à l'amiable, les procureurs dans leurs investigations.

(Henri-Pierre André et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)