ENQUÊTE LIGNE ROUGE - Quatre ans à la Maison Blanche: dans les coulisses de la présidence Trump

Connu pour ses tweets, ses déclarations choc et son caractère imprévisible, Donald Trump a bouleversé le décorum américain depuis son élection, le 8 novembre 2016. Dans une enquête Ligne rouge diffusée ce lundi soir, plusieurs personnes travaillant avec lui racontent à BFMTV les coulisses de cette gouvernance dans l'intimité de la Maison Blanche, évoquant sa difficulté de concentration, son impulsivité, voire pointant du doigt ses aptitudes intellectuelles.

"Le premier président américain à n'avoir jamais fait de politique"

Quand il arrive à la Maison Blanche, Donald Trump a en fait peu d'expérience en politique. "Il ne connaît personne, c'est le premier président américain à n'avoir jamais fait de politique ou de carrière militaire. Donc il n'a aucun allié, aucun haut conseiller sur qui compter, contrairement à tous les autres présidents", explique à BFMTV Marc Fisher, son biographe.

Une toute nouvelle équipe est alors créée, incluant notamment des membres de sa famille, et de nouvelles règles sont établies. L'une des premières conventions à tomber aux oubliettes avec l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche concerne le sacro-saint et très symbolique bureau oval.

"Il adore le bureau oval, et contrairement à de nombreux présidents qui le réservaient à des invités VIP, il aime y être", explique à BFMTV David Shulkin, ex-secrétaire d'État aux Anciens combattants. Donald Trump est rarement seul dans cette pièce, devenue lieu de passage. "Quand j'étais là-bas, les gens mettaient les pieds sur les chaises et se vautraient sur les canapés, et ça ne le dérangeait pas".

>>> Inside Trump: retrouvez l'enquête de Ligne Rouge en podcast.

Pour Gérard Araud, ambassadeur de France aux États-Unis de 2014 à 2019, il a gardé ses habitudes de chef d'entreprise: "Trump a été élu à 70 ans, et toute sa vie, il a dirigé une entreprise. Il arrive à la Maison Blanche, et il gouverne les États-Unis comme il gouvernait l'organisation Trump", en accueillant les cadres dans son bureau.

"Je n'écouterai aucun briefing, je ne lirai aucun compte-rendu"

Le président américain aime laisser son instinct le guider, "sentir" les choses et les gens. "Il nous a prévenus dès le début: 'Je n'écouterai aucun briefing, je ne lirai aucun compte-rendu'", raconte Marc Fisher. "Les gens peuvent venir me parler pendant 20 secondes, et je saurai au fond de mes tripes quoi faire".

Sebastian Gorka, ancien conseiller en sécurité de Donald Trump, raconte à BFMTV comment il a été embauché par le président américain, une méthode "typique de Donald Trump", selon lui. Lors de leur première rencontre, alors qu'ils ont une discussion sur le thème de la sécurité, "au milieu de la conversation il s'arrête, il regarde l'un de ses conseillers et il dit 'j'adore ce mec, on l'embauche'".

Face à cette personnalité imprévisible, ses conseillers ont adopté différentes techniques pour lui faire passer des messages importants. "Il faut lui dire les choses presque par hasard à travers un récit", explique par exemple Anthony Scaramucci, bref directeur de la communication de Donald Trump.

"Vous ne pouvez pas lui dire: 'Voilà, il y a eu un schisme religieux quelque part'. Non. Il faut lui dire: 'Tu te souviens du film Lawrence d'Arabie? C'était un film génial, je vais te raconter ce qui se passe dans ce film'. Et là, vous pouvez lui fournir des informations".

Pour Marc Fisher, "il faut simplement être le dernier à quitter la pièce". Alors que les avis et conseils fusent, il faut attendre "la nuit tombée, et quand il ne reste que vous, vous dites: 'Vous savez, si on fait ça, ce serait bien'".

"C'est un enfant de sept ans"

Gérard Araud raconte aussi comment sa fille Ivanka Trump l'a de cette façon convaincu d'intervenir en Syrie en avril 2018 - alors qu'il s'était prononcé contre toute opération américaine - en lui montrant des photos d'enfants tués par les forces de Bachar al-Assad.

"Il a frappé [la Syrie], mais ensuite il est resté Trump. C'est-à-dire qu'ensuite, il n'y a pas eu de suites", continue l'ambassadeur. "Il s'en tient là. Il prend des décisions à chaud, mais qui ne s'inscrivent pas dans une stratégie, il n'y a pas de stratège dans l'avion".

Sur les différents dossiers qu'il doit traiter, "des gens essayent de lui fournir des détails parce qu'ils font comme si c'était un homme politique, mais ce n'en est pas un, c'est un enfant de sept ans", lâche Marc Fisher.

"Il est très immature", abonde Justin Frank, psychiatre américain, auteur de Trump sur le divan. "Son esprit est assez chaotique, donc il classe les choses de façon binaire: oui ou non. Tout ce qui n'entre pas dans cette composition provoque chez lui de l'anxiété. Au bout du compte, il n'arrive même plus à comprendre les idées complexes".

"J'ai appris que j'étais viré par tweet"

Qu'il soit jugé extravagant ou simplement totalement dépassé par les dossiers, Donald Trump est aussi quelqu'un qui est craint en interne. Il a démontré à plusieurs reprises qu'il peut se retourner contre des collaborateurs, et a le licenciement facile. Depuis le début de son mandat, il a perdu 80% de ses équipes, avec un turn over jamais vu de 36% la première année.

"J'ai appris que j'étais viré par tweet, je n'étais pas préparé à cela", raconte David Shulkin. "J'étais chez moi, et ma femme m'a dit qu'elle venait de recevoir le tweet. J'étais atomisé". Alors qu'il était secrétaire d'État, il raconte avoir vu des personnes pleurer dans les couloirs, "j'ai vu énormément de gens détruits".

Anthony Scaramucci garde lui aussi un souvenir très douloureux de son renvoi, après 11 jours à la direction de la communication de Donald Trump. Il raconte avoir reçu un appel sur son téléphone privé, la personne lui demandant pourquoi il ne répondait pas sur son téléphone professionnel. "Je l'allume, et il était déconnecté. Ils avaient coupé la ligne. Alors j'ai compris que je me faisais virer".

"Il brûle les gens, je ne suis qu’un tout petit point dans la constellation de sa folie", déclare-t-il. "Quand il voit quelqu'un de compétent, de brillant ou de beau, il le prend et le jette dans le volcan de son propre enfer".

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Article original publié sur BFMTV.com