EN IMAGES - Jean-Pierre Pernaut, la chasse au 13 Heures

Jean-Pierre Pernaut a grandi à Quevauvillers, un petit village à 20 kilomètres d’Amiens, où sa mère Françoise Pillot possédait une pharmacie. Son père Jean-Paul, centralien, était quant à lui directeur d'une usine de machines-outils familiale. « JPP » conservera toujours un attachement profond pour sa Picardie natale, et une admiration sincère pour ses parents, “attachés aux valeurs de droiture et d’entraide”, comme il l’écrira en 2006 dans son autobiographie, Pour tout vous dire. (PATRICK KOVARIK/AFP via Getty Images)

Dans une famille où l’on célèbre le travail et le mérite, le petit Jean-Pierre détonne pourtant quelque peu. Son internat dans un collège d’Amiens s’apparente en effet à un chemin de croix. Il redouble sa sixième, puis sa seconde, triple sa terminale, et rate trois fois son bac, préférant faire la fête avec ses copains, jouer au baby-foot et hanter les salles obscures. Pourtant, sa vocation est là. Depuis longtemps. (GEORGES PAVUNIC/AFP via Getty Images)

Jean-Pierre rêve en effet de journalisme depuis ses 13 ans et la mort de Jean XXIII. Ce jour-là, le 3 juin 1963, il découpe tous les articles qu'il trouve sur le sujet chez ses parents. Pourquoi ? “Je ne sais pas... Parce qu'il avait une bonne tête ?”, s’interrogera-t-il bien des années plus tard dans les colonnes de L’Express. Le petit scout recommence avec la mort de Kennedy, cinq mois après. Bien que son père joue aux cartes avec Guy Lux et Roger Lanzac lors des vacances familiales au ski, c’est à la presse écrite que Jean-Pierre se destine. Il ne va pas tarder à tenter sa chance. (DOMINIQUE FAGET/AFP via Getty Images)

L'Ecole supérieure de journalisme de Lille (ESJ) accepte encore à l’époque les non-bacheliers, à condition qu'ils soient libérés de leurs obligations militaires. Après un détour par la base d’Evreux, où il dévore quotidiennement Le Monde, il passe le concours de la prestigieuse école en 1973 et y est admis à la rentrée suivante. (GEORGES BENDRIHEM/AFP via Getty Images)

Moins Mai 68 que Giscard, Jean-Pierre Pernaut cultive à l’école l’image d’un fou d’info, porté sur la fête. “Très gai, convivial, bon camarade, il était extrêmement enthousiaste, toujours partant, dès qu'on était dans le concret. Aucun sujet ne le dégoûtait”, rapportera des décennies plus tard son copain de promo Alain Zambeaux. D’ailleurs, le futur présentateur n’a pas attendu d’obtenir son diplôme pour se lancer dans le grand bain de l’actualité. (Frédéric REGLAIN/Gamma-Rapho via Getty Images)

En stage au Courrier picard depuis 1972, il rend un jour visite à un confrère au bureau régional de l'ORTF d'Amiens. Le rédacteur en chef, séduit par son profil, lui propose un poste pour l’été. Il débute ainsi le 16 juin 1972, jour de la catastrophe ferroviaire de Vierzy, en Picardie. Des images atroces arrivent, et Jean-Pierre Pernaut doit les commenter. La station ne le laissera plus repartir. Il y travaille le week-end, co-présente un journal des sports le lundi matin avec Henri Sannier, tout en suivant les cours à l'ESJ. Resté à l’ORTF à la sortie de son école, il en sera finalement licencié dans la foulée de son démantèlement, fin 1974. La chance va malgré tout rapidement tourner. (Jean-François Rault/Sygma via Getty Images)

Le 5 janvier 1975, il pousse en effet pour la première fois la porte de TF1… sans savoir qu’il ne la refermera que 45 ans plus tard. Après huit mois de reportages, Christian Bernadac, le rédacteur en chef de la jeune chaîne, lui confie les rênes du journal de 23h. “J'ai été, à 25 ans, le plus jeune rédacteur en chef de France”, s’enorgueillira plus tard JPP. (Philippe Caron/Sygma via Getty Images)

Encore trois ans, et le voilà propulsé co-présentateur du journal de 13 heures en compagnie d’Yves Mourousi, la star de l’époque. Durant deux ans, le journaliste vedette, inventeur des grands directs à l'étranger et intime des célébrités du Tout-Paris, et le jeune premier, sobre et bien mis, vont former un duo contrasté mais efficace. En 1980 pourtant, Jean-Pierre Pernaut est remplacé par Laure Augry. Le début d’une traversée du désert qui durera huit ans. (Jean-Jacques BERNIER/Gamma-Rapho via Getty Images)

Le 10 mai 1981, la France bascule à gauche. Alors que la joie s’empare des couloirs de la chaîne, JPP trouve au contraire qu’il règne une “sale ambiance, de chasse aux sorcières”, comme il l’écrira plus tard. Et pour cause : étiqueté giscardien, le journaliste se sent marginalisé. À raison. Placardisé aux « infos géné », il participe à des émissions sans grand rapport avec l’actualité, comme les Rendez-vous d'Annick, une émission pratique, et Bonjour la France, avec Jean-Claude Bourret. (Alexis DUCLOS/Gamma-Rapho via Getty Images)

L’heure de la revanche va sonner en 1988. Plus précisément le 22 février, date à laquelle il s’installe dans le fauteuil encore chaud d’Yves Mourousi. À TF1, le vent a tourné : la chaîne est devenue la propriété du groupe Bouygues (notoirement proche du pouvoir). Partisan déclaré de la privatisation de la chaîne - au contraire de son prédécesseur -, Jean-Pierre Pernaut se voit récompensé par son PDG Patrick Le Lay, qui lui confie le 13 Heures, dont les audiences se sont tassées au fil des mois. Il ne le quittera que 7700 JT plus tard… (GEORGES BENDRIHEM/AFP via Getty Images)

Au départ pourtant, le défi est de taille. “Jean-Pierre qui ?”, ironise Le Figaro à l’annonce de sa nomination. Face au duo d'Antenne 2 formé par William Leymergie et Patricia Charnelet, JPP ne semble pas peser bien lourd. D’autant plus qu’au sein de la rédaction, le journaliste ne fait pas vraiment l’unanimité. “Jean-Pierre n'était pas populaire dans la maison”, confirmera en 2018 le directeur de la rédaction de TF1 d’alors, Jean-Claude Paris. Pas de quoi bousculer JPP, quand bien même les journalistes de la rédaction - aux yeux desquels il passe (déjà) pour un réac -, rechignent à travailler pour le 13 Heures. (Daniel SIMON/Gamma-Rapho via Getty Images)

“Il nous fallait un anti-Mourousi, justifiera des années plus tard Etienne Mougeotte. Son profil permettait de ciseler le style du nouveau TF1 : chaîne populaire, proche de son public, immergée dans la France profonde.” Satisfait des premières prestations du présentateur, l’ancien n°2 de la chaîne aura d’ailleurs ces mots prophétiques : “Si tu ne déconnes pas, tu seras encore là dans vingt-cinq ans”. Il en aura finalement fait huit de plus. (Daniel SIMON/Gamma-Rapho via Getty Images

Soutenu par sa hiérarchie, Jean-Pierre Pernaut impose très vite sa vision du journal. “J'ai cassé quelques codes, détaillera-t-il en 2018 à L’Express. Premier choc : j'ai supprimé le sacro-saint direct de l'Elysée le mercredi après le Conseil des ministres. Deuxième choc : j'ai supprimé les invités au profit d'une multiplication des reportages. (…) Enfin, troisième choc : On a monté un réseau de correspondants en régions, ce qui n'existait pas dans une télé nationale.” Les bases de la méthode Pernaut sont posées - aujourd’hui encore, TF1 dispose de 19 bureaux régionaux, soit 150 journalistes, qui travaillent exclusivement pour le 13 Heures. (Daniel SIMON/Gamma-Rapho via Getty Images)

Plus qu’une stratégie bâtie sur une recette simple - un tiers de news, deux tiers de magazine -, Pernaut c’est avant tout un style. Dès le premier jour, le présentateur décide de se passer de prompteur : “Je ne suis pas un liseur de dépêches !”, expliquera-t-il plus tard. Obsédé par la “proximité”, il veut d’emblée établir un contact direct avec le public des oubliés des médias, auquel il s’adresse en priorité et qu’il met en scène à grands renforts de reportages sur le patrimoine, les traditions et les savoir-faire locaux. Exit la « province », à laquelle il préfère les mots « régions » et « territoires ». Exit aussi “les gens en cravates”, et place aux “vrais gens” du pays réel. (GERARD CERLES/AFP via Getty Images)

Si pour un certain nombre de journalistes de la chaîne, JPP reste un ringard un peu trop porté sur les paysages de carte postale, une chose est sûre : son JT cartonne. En juillet 1989, le 13 Heures de TF1 repasse devant celui d'Antenne 2. Puis il progresse inexorablement, au point de battre tous les records d’audience. Durant plus de trente ans, son journal rassemblera ainsi entre cinq et six millions de personnes en moyenne - record d’Europe. Plus de huit millions de téléspectateurs assisteront même à la grand-messe quotidienne le 11 novembre 2013. (MARTIN BUREAU/AFP via Getty Images)

Son amour - sincère - de la France profonde lui attirera toutefois plus d’une fois la condescendance et les critiques de ses pairs. Libération déplorera ainsi dès 1994 une « overdose de Pernaut ». Quatre ans plus tard, Télérama dressera un portrait au vitriol de « l’idole du village ». Plus dur encore, Le Monde proposera en 1999 de se désinfecter après le journal. Les intellectuels, de leur côté, se montreront souvent sceptiques quant aux vertus informatives du JT à la sauce JPP. “Le journal de Pernaut produit un effet narcotique sur le téléspectateur : il rend lisse un monde plein d’aspérités, et se contente de procurer une détente de l’esprit. Il n’appelle à aucun effort intellectuel, et tend à rassurer dans un monde en perte de repères”, estimera ainsi le philosophe Jean Salem dans les colonnes de L’Obs en 2011. (PATRICK KOVARIK/AFP via Getty Images)

En 2010, Jean-Pierre Pernaut savourera - sans trop le dire - une revanche toute germanopratine, quand La Carte et le territoire de Michel Houellebecq recevra le Goncourt. Un roman dans lequel le présentateur tient une place de choix, l’auteur saluant sa capacité à “accomplir chaque jour cette tâche messianique consistant à guider le téléspectateur, terrorisé et stressé, vers les régions idylliques d’une campagne préservée”. (WireImage)

Qu’importe au fond pour le présentateur d’être en cour chez les intellectuels et ses confrères, du moment qu’il reçoit l’onction du public. Et c’est le cas. Une bonne illustration en est fournie en 1997. Personne, à l’époque, ne songe à nommer JPP aux cérémonies des 7 d'or. Jusqu'au jour où le public est appelé à participer au vote. Cette année-là, c'est lui qui décroche la statuette du meilleur présentateur de journal télévisé. Son audience s'est envolée. Elle atteindra son zénith au milieu des années 2000. (PATRICK KOVARIK/AFP via Getty Images)

Le fruit d’un travail acharné, quoi que ses détracteurs en disent. “Il visionne souvent son JT dans l'après-midi pour le passer au crible”, confirmera Eric Freslon, un de ses réalisateurs, en 2018. Une méticulosité qui ne va pas sans quelques excès. À l’image des colères dantesques dont il est coutumier : “Il est capable de tout casser et de renverser son bureau avec les ordis dessus”, racontera un proche à la même époque. Quant à son niveau d’exigence, il laisse parfois ses collaborateurs perplexes. Ceux qu’il obligea un jour à aller faire un sujet sur les mimosas alors qu’ils n’étaient pas encore en fleur ne diront pas autre chose. (Frédéric REGLAIN/Gamma-Rapho via Getty Images

Souvent moqué pour son approche franco-française de l’actualité, le pape du 13 Heures est toutefois parvenu, au cours de sa carrière, à faire quelques jolis coups : de grands directs depuis la Fédération française de football avec les Bleus, en 1998, les tours du World Trade Center, AZF, et même Tchernobyl, où il fut le premier journaliste occidental à avoir pu pénétrer, un compteur Geiger au cou. Le terrain, il n’y a que ça de vrai. (RONCEN Patrick/KIPA/Sygma via Getty Images

Le 13 Heures n’a pas non plus été le seul succès télévisuel de Jean-Pierre Pernaut. L'émission Combien ça coûte ?, un programme consacré à l'argent et aux gaspillages économiques diffusé de 1991 à 2010 a également connu un immense succès. Elle recevra même en 1997 le 7 d'or du meilleur magazine de société, et frôlera à plusieurs reprises les dix millions de téléspectateurs. (Eric Robert/Sygma/Sygma via Getty Images)

Accro à l’adrénaline autant qu’aux chiffres de Médiamétrie, Jean-Pierre Pernaut s’est aussi distingué dans d’autres compétitions que la course à l’audimat. Ainsi on l’aperçut au trophée Andros, qu’il remporta en 2008 entre deux reportages sur la cueillette des cerises, aux côtés d’Alain Prost, après être monté plusieurs fois sur le podium du célèbre rallye sur glace. (Thomas SAMSON/Gamma-Rapho via Getty Images)

Très à l’aise en dérapages, Jean-Pierre Pernaut s’est, au fil de sa carrière, permis quelques jolies sorties de piste. Comme ce jour où il juxtaposa un reportage sur les SDF et un autre sur les migrants, en les enchaînant d'une phrase lourde d'allusions : “Plus de place pour les sans-abri mais en même temps les centres pour les migrants continuent d'ouvrir partout”. Une remarque qui lui valut à l’époque un rappel à l’ordre du CSA. (Alain DENANTES/Gamma-Rapho via Getty Images)

Marié en secondes noces avec Nathalie Marquay, en 2007, Jean-Pierre Pernaut a également pris plusieurs fois la plume au cours de sa carrière. Et pas seulement pour vanter les mérites des métiers de l’artisanat - ce qu’il a malgré tout fait à deux reprises. Ainsi a-t-il cosigné deux pièces de théâtre avec l’ex-Miss France, Piège à Matignon puis Régime présidentiel, un vaudeville. La première a d’ailleurs connu un certain succès, tournant pendant plus de quatre ans. (Tony Barson/WireImage)

L’année 2018 aurait dû être celle de la consécration, après trente années passées au-delà des 40% de parts de marché. Ce fut au contraire une année difficile pour le présentateur, atteint d’un cancer de la prostate. Un épisode douloureux sur lequel il revint en janvier 2020 dans l’émission Stars à nu. “L’opération est lourde et après c’est un peu compliqué parce qu’on a une sonde urinaire pendant une semaine ou deux, ce n’est pas agréable, commenta-t-il à cette occasion. Et puis, ce n’est pas une honte de se balader avec une couche-culotte pendant quelques semaines ou quelques mois, puis après d’avoir des petits problèmes de couple.” (DR)

Inoxydable, Jean-Pierre Pernaut reprit les commandes du JT dès le mois de novembre. On le croyait alors reparti pour une décennie de rubriques feel good. Son patron, Thierry Thuillier, lui donnait même “rendez-vous aux Jeux olympiques de 2024”. Il n’attendit pourtant pas l’or olympique pour tirer sa révérence : le 15 septembre 2020, il annonça sa volonté de lâcher les rênes du 13 Heures à la fin de l’année. Ce qu’il fit, après 33 ans de bons et loyaux services. Un record de longévité inégalé en Europe. (MARTIN BUREAU/AFP via Getty Images)

Officiellement parti avec la volonté d’explorer de nouveaux horizons journalistiques, Jean-Pierre Pernaut était en réalité à bout de force. Ce que révéla sa femme dans une interview accordée à Gala : “Quand on déclare un cancer, c'est que le corps dit stop. Et je suis très attentive à cela. Et puis Jean-Pierre a également trois stents au cœur, il commence à avoir des problèmes au niveau des poumons, il a eu également des soucis au genou qui ont nécessité cinq opérations avec anesthésie générale. (…) À l'antenne, on le voit beau et avec une pêche d'enfer. Une fois rentré à la maison, ce n'était plus la même histoire. Je le voyais épuisé, ça me brisait le cœur”. (THOMAS COEX/AFP via Getty Images)

Jean-Pierre Pernaut s’en est allé ce 2 mars 2022 à l’âge de 71 ans. Promoteur zélé d’une France idéalisée pour certains, visage incontournable de l’information pour d’autres, le présentateur du JT de 13 heures de TF1 fut, quoi qu’on en pense, l’un des derniers monuments du PAF. Un statut qui ne devait pas déplaire à cet amoureux du patrimoine… (MARTIN BUREAU/AFP via Getty Images)