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En France, vers un climat plus si tempéré que ça

Météopole, le centre de Météo France à Toulouse. Météo France consacre 15% de ses moyens de calcul à la recherche climatique. Et les données passées, archivées dans la ville rose confirment, que la France n'est pas épargnée par le réchauffement de la planète. /Photo prise le 3 novembre 2015/REUTERS/Fred Lancelot

par Emmanuel Jarry TOULOUSE (Reuters) - Dans la salle de 1.000 m2 où le système de refroidissement d'un des supercalculateurs de Météo France vrombit, au coeur de la Météopole de Toulouse, toute la mémoire climatique de la France repose sous forme numérique dans des baies de stockage. Un patrimoine si précieux que des copies de sauvegarde sont conservées ailleurs. Disposer de séries d'observations fiables sur 100 ou même 150 ans est indispensable pour comprendre l'évolution du climat et "caler" les modèles de simulation utilisés par les chercheurs de Météo France. Ce centre est un des 23 organismes de recherche de ce type qui participent aux travaux du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), dont les résultats alarmants sont au coeur des enjeux de la conférence de Paris sur le réchauffement climatique. La puissance de calcul de "Beaufix", le supercalculateur Bull de la Météopole, et de son jumeau "Prolix", installé sur un autre site des environs de Toulouse, sera triplée en 2016 pour des simulations plus précises. Météo France consacre 15% de ses moyens de calcul à la recherche climatique. Et les données passées, archivées à Toulouse confirment, que la France n'est pas épargnée par le réchauffement de la planète. Ainsi, la température a augmenté en moyenne de 0,7°C pendant le XXe siècle dans le nord-est de la France et de plus de 1,1°C dans le sud-ouest. L'année 2014 a été la plus chaude depuis le début du XXe siècle, avec un écart de +1,9°C par rapport à la moyenne de la période 1961-1990. Pendant la période 1950-2000, le nombre de journées pendant lesquelles la température dépasse 25°C a augmenté tous les dix ans de quatre jours à Paris et de plus de cinq jours à Toulouse. "Les changements du climat sont très difficiles à percevoir mais, en regardant les statistiques, on s'aperçoit qu'il y a eu des périodes de basculement et d'accélération en France dans les années 1980", explique Serge Planton, chef du département de recherche sur le climat de Météo France, collaborateur du GIEC. LA MER CONTINUERA À MONTER "On découvre que l'intensité des pluies et la durée des sécheresses ont augmenté sur les 15 dernières années", poursuit-il. "Il y a une accélération de la fonte des glaciers à partir des années 1980. On a une augmentation très nette du nombre de vagues de chaleur et, depuis les années 1960, une diminution d'un mois de la période d'enneigement." Dans l'agriculture, le réchauffement du climat a surtout eu pour effet jusqu'ici en France l'avancement de la date des récoltes et des semis de plusieurs semaines et la survie de vecteurs de maladie en raison des hivers plus doux. La chenille processionnaire du pin, très allergisante, qui ne se trouvait qu'au sud de la Loire jusque dans les années 1970, est désormais aux portes de Paris. Les conséquences du réchauffement global de la planète se font également sentir sur les côtes françaises, note le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). "On constate actuellement une accélération de l'augmentation du niveau de la mer due au changement climatique", dit le BRGM dans un rapport. "Alors qu'il montait au XXe siècle au rythme de 1,7 mm par an, le niveau augmente désormais de 3,2 mm par an." Le relèvement du niveau de la mer d'une vingtaine de centimètres depuis 1870 se traduit déjà par un risque accru d'érosion des côtes et de submersions temporaires. Or, même si l'humanité parvenait à contenir le réchauffement de la planète sous la barre des 2°C à la fin de ce siècle, la fonte des glaces et la montée du niveau des mers se poursuivra bien au-delà de 2100, avec un risque accru de submersion des zones côtières en cas de tempête de type Xynthia (février 2010). "Les plans de prévention des risques prennent déjà en compte l'élévation inévitable du niveau de la mer", souligne Goneri Le Cozannet, ingénieur du BRGM. Mais au-delà d'un réchauffement de 2°C, l'adaptation aux effets du réchauffement climatique sera de plus en plus difficile, avec notamment le risque de voir la canicule de 2003, cause d'une surmortalité estimée à 15.000 personnes et d'une forte baisse des rendements agricoles, devenir la norme. (Edité par Yves Clarisse)