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En difficulté en Irak, l'EI perd ses revenus pétroliers

par Ahmed Rasheed BAGDAD (Reuters) - L'organisation Etat islamique (EI), qui a perdu plus de la moitié de son territoire irakien conquis en 2014, est confrontée à une chute de ses revenus pétroliers, l'obligeant à augmenter diverses taxes et à réduire le salaire de ses combattants, rapportent les autorités irakiennes. En plus des taxes, des rançons et du commerce d'antiquités, le pétrole était jusqu'alors l'une des principales sources de revenus de l'EI. Néanmoins, les djihadistes n'ont désormais accès qu'à deux des cinq gisements de pétrole irakiens qu'ils contrôlaient, depuis les succès sur le terrain des forces gouvernementales irakiennes, aidées des troupes kurdes et des milices chiites. La contrebande de pétrole de l'Etat islamique a chuté d'au moins 90%, selon des responsables des services de sécurité et des responsables municipaux. Le groupe extrémiste pouvait vendre jusqu'à 50 camions-citernes de pétrole par jour, tiré de ses gisements de Kayara et Najma, au sud de son fief de Mossoul. "Maintenant, avec les forces irakiennes qui se rapprochent et l'augmentation des frappes aériennes, Daech peut vendre à peine cinq petits camions-citernes", indique un conseiller de la province de Mossoul, Abdoul Rahman al-Wagga. Louaï Al-Khattib, directeur exécutif de l'Institut irakien de l'Energie qui analyse le trafic pétrolier de l'EI, estime que les recettes des djihadistes pouvaient atteindre 700.000 dollars par jour (environ 631.000 euros) "dans leurs meilleurs jours", même s'il reste difficile d'établir un chiffre exact. En mai, les Etats-Unis ont annoncé que les revenus de l'EI en Irak et en Syrie avaient diminué de moitié pour atteindre 250 millions de dollars à l'année (environ 225 millions d'euros). Depuis, l'EI a encore perdu des territoires mais garde le contrôle de nombreux gisements dans l'est de la Syrie, où les troupes rebelles soutenues par les Américains ont plus de difficulté à les repousser. COMBATTRE LE TRAFIC L'Etat islamique a pris possession des gisements irakiens, d'une capacité de 60.000 barils par jour, il y a deux ans lors de sa percée dans le nord et l'ouest du pays. Mais sa production diminue depuis longtemps. Les peshmergas kurdes avaient déjà récupéré le gisement d'Ain Zala, au nord-ouest de Mossoul, fin 2014. Selon un conseiller du ministère du Pétrole et des officiels irakiens, les revenus de l'EI ont encore baissé d'un million de dollars (901.000 euros) par jour en avril 2015 après la perte des gisements d'Adjil et Himrin, près de Tikrit, à 150 km au nord de Bagdad. Préparant leur offensive sur Mossoul, les forces irakiennes sont maintenant suffisamment proches des gisements de Kayara et Najma, 60 km au sud de la ville, pour contraindre l'EI à réduire considérablement sa production, a-t-on appris de sources sécuritaires et locales. "Nous avons détruit presque toutes les installations et les entrepôts de stockage utilisés par Daech pour son trafic de pétrole dans les zones proches de Mossoul", a déclaré Sabah al-Numan, porte-parole des services irakiens de contre-terrorisme. Kayara, avec des réserves d'environ 800 millions de barils, produisait 7.000 barils par jour avant que l'EI ne contrôle le gisement. Najma, qui est plutôt un gisement de gaz, donne 5.000 barils par jour. L'autre objectif de l'avancée sur Mossoul est de récupérer une raffinerie dans les environs de Kayara, dont la capacité de production est estimée à 16.000 barils par jour. Au début du mois, les troupes ont également pris le contrôle de la base aérienne de Kayara, qu'elles comptent utiliser comme point d'appui pour la reprise de Mossoul. MOINS DE REVENUS, PLUS DE TAXES Les risques auxquels font face les trafiquants pour acheter le pétrole de l'EI, comme les frappes aériennes de la coalition, ont obligé les djihadistes à sacrifier les prix. "Daech incite les négociants locaux à acheter leur pétrole de Kayara et Najma en baissant leur prix de 6.000 dollars le réservoir à seulement 2.000 dollars", explique le conseiller Abdoul Rahman al-Wagga. Abou Abdoulla, qui expédie du pétrole de Mossoul, a expliqué à Reuters que les conducteurs refusaient de prendre la route entre Mossoul et la Syrie pour récupérer du pétrole car celle-ci est devenue un "piège mortel". "C'est une route désertique qui nous transforme en cibles faciles", explique un chauffeur se faisant appeler Mouamar. "J'ai vu mon frère se faire tuer dans une frappe aérienne alors qu'il était assis dans son camion. Les autres camions ont été détruits comme dans un jeu vidéo." Les djihadistes ont dû baisser les salaires d'un tiers à cause de la perte de ces revenus, affirme Moussana Djbara, un membre des forces de sécurité dans le nord de l'Irak. Ils ont également imposé de nouvelles taxes aux fermiers, aux camionneurs et aux commerçants et augmenté les amendes pour ceux qui fumeraient des cigarettes ou se raseraient la barbe. (Laura Martin pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)