Emmanuel Macron, Michel Barnier et la censure : l’impossible remise en question des macronistes au cœur de l’impasse

Comment l’impossible remise en question des macronistes contribuent à l’instabilité (Emmanuel Macron et Gabriel Attal le 26 juillet 2024)
FABRICE COFFRINI / AFP Comment l’impossible remise en question des macronistes contribuent à l’instabilité (Emmanuel Macron et Gabriel Attal le 26 juillet 2024)

POLITIQUE - Qui aurait pu prédire ? Sans doute beaucoup de monde, hors du cercle macroniste. Deux mois après sa nomination à Matignon, Michel Barnier a été renversé par l’Assemblée nationale mercredi 4 décembre après le vote d’une motion de censure déposée par la gauche après le 49.3 sur le budget de la Sécu.

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Un épilogue inévitable tant les fondations sur lesquelles s’est construite cette nouvelle ère politique sont fragiles. Comment, effectivement, un Premier ministre nommé après le front républicain érigé face au Rassemblement national aurait-il pu tenir dans la durée en réunissant les deux perdants principaux des élections pour gouverner sous la férule de l’extrême droite ? Ceci, en occultant la gauche, arrivée en tête des législatives ?

La question a trouvé sa réponse mercredi, au Palais Bourbon. Et maintenant ? Avec la chute du gouvernement, les compteurs sont remis à zéro et les regards se tournent vers le président de la République, qui devrait nommer rapidement un nouveau locataire pour Matignon. Problème : la donne politique n’a pas changé à l’Assemblée, et le camp présidentiel ne semble toujours pas enclin à se remettre en question.

Tous responsables, sauf nous

En ce sens, la réaction et les discours des macronistes en marge du vote de la motion de censure au Palais Bourbon, sont éloquents. Les fidèles d’Emmanuel Macron, président qui a fait basculer le pays dans un certain collapse institutionnel après sa dissolution ratée, rejettent la responsabilité du blocage sur à peu près tout le monde. Sauf eux-mêmes.

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Ainsi, les élus du Rassemblement national sont qualifiés d’artisans du « chaos » qui mettent « le pays en danger. » La gauche, elle, est brocardée comme un repère « d’irresponsables. » Tandis que les socialistes, dont le ralliement est espéré par Emmanuel Macron et ses troupes depuis des mois, sont accusés de renier « l’héritage de Jean Jaurès, de Léon Blum, de Pierre Mendès France », pour ne pas avoir soutenu un budget qui accorde une flopée de concessions au RN. Le président a lui-même dénoncé le « cynisme insupportable » des oppositions, mardi soir, depuis Ryad en Arabie saoudite. Rien de moins.

Dans ce contexte un brin crépusculaire, même Michel Barnier en prend pour son grade. Après Gérald Darmanin ou Gabriel Attal, qui ont multiplié les actes de rébellion à l’égard du nouveau chef quand il avait l’impétuosité de remettre en cause certains fondamentaux du macronisme (la hausse des impôts sur les plus riches par exemple), de nombreuses voix s’élèvent pour fustiger la méthode du Savoyard, et ses rudesses, maintenant qu’il doit faire ses cartons. Parmi d’autres, le député EPR Charles Sitzenstuhl confesse par exemple dans les colonnes du Figaro sa gêne face à un gouvernement qui a « banalisé le RN et l’extrême droite », sur la forme et sur le fond.

Un discours (et des aigreurs) qui semble témoigner de l’incapacité pour les macronistes de changer de logiciel et accepter de lâcher les rênes du pouvoir. Une forme « d’hubris » tenace qui fait écho à l’avertissement lancé par le macroniste de la première heure Gérard Collomb (décédé depuis) en 2018. Un an seulement après l’accession au pouvoir de son poulain, le maire de Lyon, agrégé de Lettres, mettait en garde Emmanuel Macron et ses ouailles contre « la malédiction des dieux quand, à un moment donné, vous devenez trop sûr de vous, que vous pensez que vous allez tout emporter. »

La macronie refuse de jouer l’arbitre

Point de malédiction ici, mais un écueil originel. Si l’on se borne à l’après législatives on aurait effectivement pu imagine que les champions du « dépassement », doublement défaits dans les urnes au printemps dernier, laissent la force politique arrivée en tête aux élections législatives tenter sa chance. Pourquoi pas en adoptant une position d’arbitre des (in)élégances, comme l’a fait le Rassemblement national avec Michel Barnier (jusqu’au drame.)

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Impensable pour les macronistes, qui ont multiplié les motifs de rejet - de la présence éventuelle des insoumis dans un gouvernement, au programme « délirant » défendu par l’alliance que les Français ont mis en tête du scrutin. À tel point que la nomination d’une personnalité « gauche compatible » n’a jamais vraiment percé le mur du son, ni réellement fait florès dans le camp présidentiel.

À cette configuration, certes délicate puisqu’elle revenait à laisser le Nouveau Front Populaire gouverner mais en le plaçant sous « surveillance », selon l’expression des lepénistes, les hommes et femmes du camp présidentiel ont préféré pactiser avec leurs anciens rivaux (Les Républicains) et se mettre dans la main de l’extrême droite. Ceci, quitte à vivre un automne horribilis prévisible, à faire entrer toujours davantage l’extrême droite dans le champ de la respectabilité, et à plonger la France dans l’instabilité qu’Emmanuel Macron disait vouloir éviter en nommant Lucie Castets, la candidate du NFP, à Matignon. Sacré bilan.

Dans ce contexte, peut-on imaginer un changement de pied du côté de l’Élysée ? Le président n’avait-il pas conditionné le choix de son Premier ministre à une forme de « stabilité institutionnelle » ? Rien, pour l’instant, démontre du côté d’Emmanuel Macron et ses troupes l’envie de lâcher le pouvoir (et les ministères qu’ils ont dealés avec la droite il y a quelques semaines). Selon les premières informations de presse, Emmanuel Macron exclu de nommer une personnalité de gauche, et table plutôt sur des noms issus de son propre camp, comme Sébastien Lecornu ou François Bayrou. Avec le risque de défier toujours davantage le résultat des urnes, et de prolonger la situation de blocage. On prend les mêmes. Et on recommence.

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