Emmanuel Macron agite la dissolution, mais qui est visé ?

Emmanuel Macron (ici le 22 septembre à Saint-Nazaire) envisage de dissoudre l’Assemblée nationale, mais qui est visé ?
STEPHANE MAHE / AFP Emmanuel Macron (ici le 22 septembre à Saint-Nazaire) envisage de dissoudre l’Assemblée nationale, mais qui est visé ?

STEPHANE MAHE / AFP

Emmanuel Macron (ici le 22 septembre à Saint-Nazaire) envisage de dissoudre l’Assemblée nationale, mais qui est visé ?

POLITIQUE - Un coup de Bourbon et ça repart ? Emmanuel Macron a clairement évoqué la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale, mercredi 28 septembre, lors d’un dîner avec les responsables de la majorité, en cas de difficultés sur la réforme des retraites. Ou de « chienlit », selon les propos rapportés du chef de l’État. Les députés, élus en juin dernier, seraient alors forcés de retourner en campagne.

« Si toutes les oppositions se coalisaient pour adopter une motion de censure et faire tomber le gouvernement, il [Emmanuel Macron, ndlr] s’en remettrait aux Français et les Français trancheraient et diraient quelle est la nouvelle majorité qu’ils veulent », a ainsi confirmé le ministre du Travail Olivier Dussopt, ce jeudi sur LCI, sans prononcer le mot magique, mais en confortant les récits de plusieurs médias sur ce coup de semonce élyséen.

En clair : si les députés poussent Élisabeth Borne à la démission, ce qui serait la principale conséquence de l’adoption d’une motion de censure, tous remettront leur place en jeu. Un avertissement limpide, qui ne s’adresse pas forcément aux opposants les plus virulents, le Rassemblement national et la France insoumise. Prêts à voter leurs motions de censure respectives en cas de « passage en force » sur la réforme des retraites, ils se réjouissent aujourd’hui de la menace du chef de l’État ouvrant la voie à une dissolution. « Chiche », écrit par exemple Marine Le Pen sur les réseaux sociaux. Imitée par l’insoumis Antoine Léaument.

Allô LR ?

Comme depuis le début de son second quinquennat, Emmanuel Macron vise surtout les députés qu’il considère dans « l’arc républicain », selon la formule de la majorité : ceux de la gauche et de la droite traditionnelle, du PS à LR, sur qui il compte pour faire passer ses différents textes.

On se souvient de ses critiques acerbes, en juillet, contre les élus de la rue de Vaugirard et leur vote sur les questions sanitaires. Le président de la République parlait alors de « coup de chaud nocturne » et avançait : « Je ne crois pas que les députés LR se soient engagés devant leurs électeurs à voter avec LFI et RN pour empêcher l’instauration d’un pass aux frontières.  » Des mots qui résonnent avec la situation actuelle.

« En gros, il nous dit ’n’oubliez pas que si vous votez la censure, vous pouvez perdre votre travail’ »
Pierre-Henri Dumont, député Les Républicains

Les Républicains, favorables sur le fond à une réforme des retraites, sont dans un rôle d’appui décisif, du côté de la majorité comme des oppositions. La France insoumise et le Rassemblement national ont besoin de leurs voix pour atteindre la majorité à l’Assemblée nationale s’ils tentent de faire tomber Élisabeth Borne. Et l’exécutif de leur soutien pour réformer, et éviter une motion de censure.

Dans ce contexte, le député LR du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont, qui n’a pas caché son intention de voter la censure, d’où qu’elle vienne, en cas « d’amendement retraite » cet automne, se sent visé par les mots du président de la République. Lui, et ses collègues. « C’est clairement adressé aux députés de droite », dit-il au HuffPost ce jeudi matin, « heureux de voir que 62 élus de droite sont l’objet d’une réunion à l’Élysée. » Au-delà de cette réaction ironique, le député de 34 ans critique une sortie « méprisante » à plusieurs titres.

« C’est nous prendre pour des idiots que de rappeler une évidence, on est parfaitement au courant qu’en cas de 49.3, il y a un fort risque de dissolution », grince-t-il, avant d’ajouter : « Et ça veut dire quoi ? Il estime que nous ne sommes pas capables de le faire parce qu’on est plus attaché à nos postes qu’à l’intérêt général ? En gros, il nous dit : ’n’oubliez pas que si vous votez la censure, vous pouvez perdre votre travail’. »

« Jamais Les Républicains ne voteront la motion de censure. (...) Ils passeraient de 62 à 40 députés, et je suis gentil. »
Un stratège du groupe RN à l’Assemblée

En réalité, le chef de l’État n’est pas le seul à penser que la droite aurait beaucoup à perdre en cas de dissolution. « Jamais Les Républicains ne voteront la motion de censure », juge depuis le Palais Bourbon un stratège du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, qui imagine déjà les conséquences d’un tel geste : « Ce serait du suicide, ils ont trop à perdre. Ils passeraient de 62 à 40 députés, et je suis gentil ».

Une hypothèse qui s’éloigne, un peu, avec la reculade de l’exécutif, mercredi soir, sur le dossier hautement inflammable des retraites. Emmanuel Macron et Élisabeth Borne ont décidé de temporiser en annonçant un nouveau cycle de concertations pour l’adoption d’un projet de loi « avant la fin de l’hiver ».

« Un progrès », salue Olivier Marleix, le chef de file des députés LR, cité ce jeudi par l’AFP. Mais il n’a pas voulu dire si LR voterait un tel projet, préférant attendre le « terme » des discussions. Tous peuvent défaire leurs cartons, pour l’instant.

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