Emmanuel Macron a-t-il raison de dire qu'Israël a été créé suite à une décision de l'ONU ?

Après les propos d’Emmanuel Macron ce 15 octobre, plusieurs personnalités, dont le président du Crif et la députée française Caroline Yadan, ont exprimé leur colère. Mais qu’en est-il réellement de la création de l'État d'Israël ?

Les propos rapportés d'Emmanuel Macron sur la création de l'État d'Israël ont fait vivement réagir. (Photo Thomas SAMSON / AFP)
Les propos rapportés d'Emmanuel Macron sur la création de l'État d'Israël ont fait vivement réagir. (Photo Thomas SAMSON / AFP)

Des propos rapportés qui font vivement réagir. Ce mardi 15 octobre, en plein Conseil des ministres, Emmanuel Macron aurait affirmé que le chef d’État israélien Benjamin Netanyahu ne devait pas "s'affranchir des décisions de l'ONU", ajoutant que c’est une "décision de l'ONU" qui a "créé" l 'État d'Israël – les propos ont été rapportés par des personnes ayant participé à la réunion.

Les réactions politiques ont vite fusé ; sur X, Yonathan Arfi, le président du Crif (le Conseil représentatif des institutions juives de France) parle d’une "faute historique et politique" et de « "propos regrettables". La députée macroniste Caroline Yadan, l’élue des Français de l’étranger qui a succédé à Meyer Habib, dit sa colère contre le président de la République. Après avoir critiqué l’arrêt des livraisons d’armes à Israël, elle estime que les propos d’Emmanuel Macron sont "indignes" et que "la France n’est pas au niveau". Benjamin Netanyahu, quant à lui, a immédiatement rétorqué qu’Israël avait été créé, non pas par l’ONU, mais par la guerre de 1948.

En évoquant la naissance d’Israël comme "une décision de l’ONU", Emmanuel Macron se rapporte à un événement précis : le partage de la Palestine. Celui-ci a bien été approuvé à New-York le 29 novembre 1947, sur une décision de l’Assemblée générale de l’ONU, via le vote de la résolution 181.

À cette occasion, la Palestine de 1947 est divisée en trois parties : un État juif (sur 56 % du territoire), un État arabe (42 % du territoire) et la ville de Jérusalem (2 %), placée sous contrôle international. Le plan de partage est accepté par les juifs de Palestine, mais vivement rejeté par les dirigeants des pays arabes voisins, qui déclarent la guerre à ce nouvel État israélien. Dès le lendemain du partage de la Palestine, une série d’émeutes éclate contre les juifs dans plusieurs pays.

Face à cette situation délicate, en 1948, les derniers Britanniques se retirent de la Palestine, qu’ils occupaient depuis la Première guerre mondiale. La même année, le premier ministre israélien David Ben Gourion déclare unilatéralement l’indépendance d’Israël. Peu après, éclate la première guerre israélo-arabe de 1948-1949, prémices d’un long conflit qui perdure encore aujourd’hui. C’est d’ailleurs à cette guerre de 1948 (remportée par l’armée israélienne) que se réfère Benyamin Netanyahou pour évoquer sa propre idée de la naissance d’Israël.

Toutefois, pour de nombreux juifs, d’autres dates importantes marquent l’apparition progressive du territoire. Et ce, bien avant l’intervention de l’ONU de 1947. C’est le cas du mouvement sioniste, une idéologie politique apparue dès 1890, sous l’impulsion de l’écrivain austro-hongrois Theodor Herzl. L’idée était simple : créer un État juif, un foyer national correspondant à la Terre Sainte (à Canaan, dans la région de Palestine).

Au fil des ans, le sionisme (tiré du mot biblique "Sion") prend de l’ampleur. Des institutions naissent, comme l’Organisation sioniste mondiale en 1897. À la veille de la Seconde guerre Mondiale, des vagues successives migratoires de juifs s'installant en Palestine, inspirés par le sionisme, se succèdent. Ils participent déjà à la production agricole et industrielle locale et "représentent un petit tiers de sa population", rappelle le Monde Diplomatique dans un article de 2008.

Une autre date-clé est celle de l’année 1917. La Grande-Bretagne, qui occupe dès cette époque la Palestine, rédige la Déclaration Balfour. Elle autorise ainsi l’établissement d’un Foyer national juif sur un ancien territoire de la Grande Syrie ; c'est ainsi que naît en 1920 la "Palestine mandataire". Pour beaucoup, ce territoire est considéré comme la terre ancestrale promise aux juifs : Eretz Israël. Deux décennies plus tard, le génocide nazi précipitera la nécessité pour les juifs d’avoir un État propre, afin d’y déplacer ses centaines de milliers de survivants. Ce basculement politique aboutira au fameux plan de partage controversé de l’Onu en 1947, évoqué par Emmanuel Macron.