Electrosensibilité : "La situation pourrait être plus complexe que ce qu'en perçoivent les patients"

IGOR STEVANOVIC / SCIENCE PHOTO / IST / Science Photo Library : AFP

Wifi, téléphones, micro-ondes… Depuis vingt ans, des patients se plaignent de troubles liés à une surexposition aux champs électromagnétiques. Mais le lien de causalité est difficile à établir. Interview d'Yves Le Dréan, biologiste moléculaire spécialiste du bioélectromagnétisme à l'Institut de recherche en santé, environnement et travail.

Cet article est issu du magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°210 daté juillet/ septembre 2022.

Sciences et Avenir : De plus en plus de personnes se disent sensibles aux champs électromagnétiques. Mais l'hyperélectrosensibilité (EHS) semble encore bien mystérieuse...

Yves Le Dréan : Il ne fait aucun doute que les personnes qui s'en plaignent sont effectivement malades. Cependant, on ignore si ces troubles, dont les symptômes ont été reconnus par l'OMS en 2005, sont attribuables aux ondes. Le problème, c'est qu'il y en a plus de quatre-vingts : maux de tête, fatigue, troubles du sommeil et de la concentration, picotements… Et aucun n'est spécifique. Il est donc difficile d'établir un repère clinique caractéristique de la maladie. Or les patients ne se plaignent pas tous des mêmes symptômes, ni des mêmes sources d'exposition : des basses fréquences - générées par le courant circulant dans des appareils électriques - aux radiofréquences, produites par la téléphonie mobile, le wifi ou les micro-ondes. Alors que ces ondes interagissent avec le vivant de manière très différente. Jusqu'à présent, aucune causalité ne peut être mise au jour, car les études menées n'ont pas été concluantes. Les patients ne sont vraisemblablement pas capables de détecter consciemment s'ils sont exposés, mais on ne sait pas s'il peut y avoir une perception inconsciente.

Mais est-il vraisemblable que l'humain soit biologiquement équipé pour percevoir les ondes ?

Au sein du règne animal, il existe deux systèmes de magnétoréception. La magnétite - des cristaux minéraux d'oxyde de fer - et les cryptochromes, des protéines qui s'activent sous l'action de la lumière. Chez certains animaux, on sait que la magnétite est associée au sens de l'orientation, et il a été démontré que, chez les oiseaux et les insectes, les cryptochromes servent à détecter le champ magnétique statique terrestre. En revanche, s'ils sont bien présents chez l'humain, ils ne semblent associés à aucune structure de p[...]

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