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Egypte: Des ONG interpellent la France sur la visite d'al Sissi

PARIS (Reuters) - Plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme ont appelé lundi Emmanuel Macron à mettre fin à la "scandaleuse politique de tolérance" de la France envers le "gouvernement répressif" du président égyptien Abdel Fattah al Sissi, en visite pour trois jours à Paris.

A la veille du déjeuner prévu à l'Elysée entre les deux présidents, près d'une dizaine de mouvements ont dénoncé, lors d'une conférence de presse commune, les violences dont fait selon eux l'objet la société civile égyptienne.

"L'Egypte est un pays dans lequel les gens ont peur", a déclaré Michel Tubiana, président d'honneur d'Euromed Droits et président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme.

Pour Hussein Baoumi, chargé de l’Egypte pour Amnesty International, le pays traverse "la pire crise des droits humains de l'époque récente".

Selon HRW, des dizaines de milliers d'opposants ont été arrêtés depuis l'arrivée au pouvoir en 2014 d'Abdel Fattah al Sissi. L'organisation accuse en outre les forces de sécurité égyptiennes d'avoir recours à la torture "de façon systématique".

HRW invite instamment la France, sixième investisseur étranger dans le pays et un de ses principaux fournisseurs d'armes sous François Hollande, à conditionner son soutien au Caire à des "améliorations tangibles" en matière de respect des droits de l'Homme.

Bénédicte Jeannerod, responsable de HRW pour la France, estime qu'Emmanuel Macron "ne devrait pas poursuivre la scandaleuse politique de tolérance de la France envers le gouvernement répressif" au pouvoir au Caire.

"Une forme d'action serait d'indiquer au président al Sissi que sa visite doit être l'occasion d'un réexamen du soutien de la France à l'Egypte et que ce soutien, qu'il soit militaire, économique ou politique, sera conditionné à une amélioration des droits de l'homme dans le pays", a-t-elle dit.

"SANS TABOU"

Dès la semaine dernière, l'Elysée avait fait savoir - sans plus de précisions - que la situation des droits de l'Homme serait évoquée lors de la visite du président égyptien, qui rencontrera également des chefs d'entreprise français..

"On est très attentifs à la situation des droits de l'Homme en Egypte", a-t-on précisé lundi dans l'entourage d'Emmanuel Macron, précisant que les ONG avaient été réunies en amont afin de voir "sur quelles questions on pouvait faire passer des messages".

Le chef de l'Etat "parlera des droits de l'Homme" lors du déjeuner et "lors de la déclaration à la presse", a-t-on ajouté. "Il y aura un focus particulier sur la question de la loi sur les ONG et la liberté d'association. Tous les sujets seront abordés sans tabou".

L'évocation de la question des droits de l'Homme "en public" était une demande de plusieurs ONG, à l'image de HRW qui estime que cela enverrait aux Egyptiens "un signal fort du soutien de la France quant à leur combat et quant à l'importance que la France accorde à la société civile", a dit Bénédicte Jeannerod.

Michel Tubiana a signalé pour sa part qu'Amnesty International avait mis en lumière le fait que certaines armes vendues au régime égyptien "pour faire la guerre se retrouvaient dans les rues du Caire pour réprimer les manifestations."

A la question de savoir s'il avait perçu un changement de vision dans ce dossier depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, en mai, ce dernier a répondu à titre personnel.

"J'aurai le gentillesse de dire que nous en sommes au début (du quinquennat-NDLR) mais pour le moment, je n'ai pas senti un grand changement", a-t-il déclaré.

(Yann Le Guernigou et Elizabeth Pineau, avec Marine Pennetier, édité par Sophie Louet)