EDF dévoile ses chiffres de 2022, année noire
ÉCONOMIE - Une année 2022 tristement record pour EDF. Le géant de l’électricité a annoncé ce vendredi 16 février des pertes colossales au terme d’une année noire, plombée par les déboires de son parc nucléaire, mais aussi par sa contribution au « bouclier tarifaire » des Français.
EDF a enregistré en 2022 une perte historique de 17,9 milliards d’euros, creusant son endettement à un niveau également record de 64,5 milliards d’euros. Son chiffre d’affaires a crû de 70 %, à 143,5 milliards d’euros, tiré par la hausse des prix de l’énergie, mais le groupe passe dans le rouge avec une très lourde perte nette, contre un bénéfice de 5,1 milliards en 2021.
Avec la flambée générale des prix de l’électricité, la firme a vu revenir de nombreux clients français (elle a gagné des clients résidentiels, une première depuis 2005), mais la marge d’exploitation a souffert d’achats à prix d’or pour couvrir ses besoins.
La moitié des réacteurs nucléaires opérationnels
L’année 2022 aura donc été catastrophique pour le fleuron fragilisé de l’énergie qui a vu sa production électrique nucléaire et hydraulique tomber à des niveaux historiquement bas en pleine crise énergétique et climatique mondiale. En juillet, EDF avait déjà annoncé une perte historique rien qu’au premier semestre de 5,3 milliards d’euros.
« A un moment où l’électricité coûte cher, le mégawattheure qu’on ne produit pas est un manque à gagner terrible », indiquait il y a quelques semaines à l’AFP Julien Teddé, directeur général du courtier Opéra Énergie.
L’exploitant EDF a en effet cumulé les ennuis entre la découverte de corrosion sur des tuyauteries cruciales pour la sûreté des centrales nucléaires et les retards pris dans leur maintenance à cause du Covid. Résultat : en 2022, la disponibilité moyenne du parc de 56 réacteurs est tombée à 54 % (contre 73 % sur la période 2015-2019), faisant planer la menace de coupures électriques en plein hiver.
Finalement, le pire a été évité grâce aux importations d’électricité, aux efforts de sobriété des Français et à la course d’EDF pour rebrancher ses réacteurs.
Corrosion, sécheresse, guerre en Ukraine
Il n’empêche, la note reste salée pour l’électricien. Jamais aussi peu de térawattheures d’origine nucléaire n’avaient été produits depuis 1988, avant la fin de la construction du parc nucléaire : 279 TWh en 2022. Bien loin de l’époque où EDF crachait 430 TWh comme en 2005.
Le dirigeant Luc Rémont a cependant indiqué jeudi peu avant l’annonce des chiffres que « la fourchette de production nucléaire (s’élèvera) de 300 à 330 TWh (en 2023), soit une sortie progressive de la crise de la corrosion sous contrainte » relevée sur des portions de tuyauteries, qui avait mis à l’arrêt nombre de réacteurs depuis fin 2021.
Pour ne rien arranger, la production électrique de ses barrages, mise à mal par une météo exceptionnellement sèche et chaude, est tombée à son « plus bas niveau » depuis la sécheresse mémorable de 1976, a indiqué jeudi RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité.
La guerre en Ukraine a enfoncé le clou avec la flambée des prix du gaz et de l’électricité. Pour contenir la facture des Français grâce au bouclier tarifaire, l’État, actionnaire majoritaire, a obligé le groupe à vendre en 2022 davantage d’électricité à bas prix à ses concurrents, fournisseurs d’électricité alternatifs.
Une mesure au coût exorbitant pour l’opérateur historique : 8,34 milliards d’euros. Le groupe a dû en effet racheter de l’électricité à prix d’or sur les marchés en étant contraint de la revendre à prix cassé.
EDF renationalisé à 100 %
Régulièrement dénoncé par EDF et les syndicats, ce mécanisme appelé Arenh a été bâti par la France en 2010 pour essayer de rester dans les clous de la concurrence imposée par Bruxelles. Comment ? En obligeant EDF à céder à ses concurrents une part de sa production nucléaire (100 TWh) au prix coûtant de 42 euros le MWh.
« Le tarif n’a jamais bougé » depuis sa mise en place il y a douze ans, observe Jacques Percebois, professeur émérite à l’université de Montpellier où il dirige le Centre de recherche en économie et droit de l’énergie.
Juste avant de prendre ses fonctions de PDG, Luc Rémont, chargé par l’exécutif de présenter une recette de sauvetage d’ici au printemps prochain, affirmait en octobre que ce système était « à bout de souffle » et induisait « une sous-rémunération » de l’activité nucléaire d’EDF.
Une dette abyssale ? « On ne sera pas tout seul », fait valoir EDF, puisque l’État est en train de renationaliser à 100 % l’entreprise afin d’organiser le déploiement et le financement de son ambitieux plan de relance nucléaire annoncé il y a un an par Emmanuel Macron. L’objectif est clair : « produire plus » d’énergie décarbonée. « Plus il y aura de mégawatts et mieux EDF se portera », clamait en décembre le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.
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