Si EDF bat de l'aile, ce n'est pas à cause de l'Allemagne
Lors des auditions parlementaires menées par le député Raphaël Schellenberger, une thèse a émergé, défendue principalement par l'ancien président d'EDF, Henri Proglio. Selon lui, les gouvernements allemands auraient mené, principalement à l'échelle européenne, une lutte acharnée contre le nucléaire français et pour le démantèlement d'EDF: «Les Allemands ne pouvaient pas supporter l'idée de garder à leur porte un pays, un concurrent, qui disposait d'un atout compétitif tel qu'EDF. Depuis vingt-cinq ou trente ans, l'obsession allemande est de détruire EDF. Ils y ont réussi.»
Cette thèse pose au moins trois problèmes. Elle suppose un contrôle total de Bruxelles par Berlin et une servitude volontaire de la France. Elle exonère les forces politiques françaises de toute responsabilité dans la programmation de la sortie partielle du nucléaire. Elle méconnaît les responsabilités propres d'EDF et d'Areva, l'échec de l'EPR, et les complaisances à l'égard d'Engie. Voyons ces éléments plus en détail.
La France et le marché unique
Partons de ce qui s'est joué à Bruxelles. Pourquoi diable la France aurait-elle accepté le diktat allemand et aurait consenti à son propre affaiblissement? La réponse est triple.
Tout d'abord, la France a fondamentalement adhéré au programme du marché unique et donc à l'ouverture des marchés publics dans le domaine des services publics en réseau. Rappelons-en les éléments constitutifs: stricte définition du monopole naturel au transport, service public étroitement défini, ouverture du marché de la fourniture, désintégration verticale, délégation de la régulation à Bruxelles.
Ensuite, dans le grand jeu bruxellois, la France a souvent défendu avec acharnement ses intérêts agricoles et n'a jamais considéré le joyau de sa politique énergétique comme d'égale dignité. Tout au plus a-t-elle cherché à ménager des transitions pour éviter l'embrasement social...