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Vive tension entre Paris et Londres sur les mineurs de Calais

Le sort des migrants mineurs isolés qui vivaient dans la "jungle" de Calais provoque une vive tension entre la France et la Grande-Bretagne, à trois jours de la fin du démantèlement de ce bidonville prévue pour lundi. /Photo prise le 27 octobre 2016/REUTERS/Philippe Wojazer

PARIS (Reuters) - Le sort des migrants mineurs isolés qui vivaient dans la "jungle" de Calais provoque une vive tension entre la France et la Grande-Bretagne, à trois jours de la fin du démantèlement de ce bidonville prévue pour lundi. Un porte-parole du ministère britannique de l'Intérieur a déclaré que sa ministre, Amber Rudd, avait insisté jeudi auprès de son homologue français sur la nécessaire protection des enfants qui ne pourront être accueillis au Royaume-Uni. "Tout enfant non éligible ou ne se trouvant pas dans la partie sécurisée du camp doit être pris en charge et protégé par les autorités françaises", a-t-il ajouté. Les ministres de l'Intérieur et du Logement, Bernard Cazeneuve et Emmanuelle Cosse, ont déclaré jeudi soir avoir pris connaissance "avec surprise" de ces déclarations britanniques. Ils ont estimé dans un communiqué que la France avait assumé ses responsabilités "sans jamais se dérober" et rappelé que 10.886 migrants désireux de passer au Royaume-Uni avaient été "mis à l'abri" depuis un an par la France à partir de Calais et que 1.451 mineurs l'avaient été depuis le 17 octobre. "Dans le même temps et à ce jour, le Royaume-Uni a accepté le transfert sur son sol de 274 mineurs isolés depuis Calais", ajoutent Bernard Cazeneuve et Emmanuelle Cosse. Ils souhaitent "que le Royaume-Uni prenne rapidement ses responsabilités" et accueille les mineurs isolés ayant des liens familiaux ou "dont l'intérêt supérieur est d'être accueillis" dans ce pays. "C'est la meilleur manière pour eux d'être protégés comme il se doit", concluent-ils. HAUSSE DU NOMBRE DE MIGRANTS A PARIS Cette irritation est partagée par le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), pour qui ces "déclarations semblent inverser l'ordre des choses". "S'agissant des majeurs, nous avons fait le travail des Britanniques. Donc le minimum est qu'ils prennent en charge les mineurs isolés qui se trouvent actuellement au centre d'accueil provisoire (CAP) de Calais et ont un intérêt à aller en Grande-Bretagne", a-t-il déclaré vendredi à Reuters. Xavier Bertrand, président de la région Hauts de France, s'associe aussi au gouvernement dans la critique de Londres. "Seulement 300 mineurs ont été accueillis au Royaume-Uni (…) il faut désormais que le gouvernement britannique mette en oeuvre et accélère le processus de transfert des mineurs vers le Royaume-Uni", explique-t-il dans un communiqué. Selon l'ONG humanitaire Save the children, les mineurs isolés n'ont pas tous pu être mis à l'abri dans le cadre de l'évacuation des migrants réfugiés dans la "jungle" de Calais. "De nombreux enfants dorment à l'extérieur", a dit à Reuters une responsable de cette ONG, Dorothy Sang. Dans une interview accordée à ITV, Amber Rudd rejette l'idée que le Royaume-Uni traîne les pieds et assure qu'il accueillera encore "quelques centaines" de mineurs, en donnant la priorité aux "plus vulnérables", en particulier les jeunes filles. "Nous avons un impératif, aider, mais nous devons veiller, quand nous offrons cette aide, à ce qu'elle n'incite pas des gens à envoyer leurs enfants à travers l'Europe et les mers", a cependant ajouté la ministre britannique de l'Intérieur. Interrogée par France Inter, la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, qui a piloté le démantèlement de la "jungle" où vivaient encore plus de 6.000 personnes il y a une semaine, a pour sa part jugée sa mission remplie "et même un peu au-delà". Le nombre de migrants dormant dans un campement sauvage à Paris a nettement cru depuis le début de la semaine, notamment avec l'afflux de personnes venant de Calais, a dit à Reuters l'adjointe au maire de la capitale chargée de la sécurité. "Il y a toujours eu des aller-retours entre Calais et les campements Parisiens", a souligné Colombe Brossel. "Il y a des gens (...) qui arrivent de Calais et d'autres d'ailleurs." Elle évalue entre 2.000 et 2.500 le nombre de migrants, surtout africains, aujourd'hui présents dans le campement sauvage du quartier Stalingrad-Canal Saint-Martin. Pascal Brice a pour sa part écarté l'idée d'un afflux massif de migrants de Calais à Paris : "Qu'il y ait quelques mouvements marginaux ça peut se produire mais le mouvement massif s'est fait vers les centres d'accueil et d'orientation (disséminés en France) et c'est le grand succès de cette opération." (Emmanuel Jarry, avec Ingrid Melander à Paris, William James à Londres et Pierre Savary à Lille, édité par Yves Clarisse)