Eau potable : il y aurait des atomes radioactifs dans votre verre d'eau, alerte Mediapart

L'eau potable de 10 millions de Français est touchée par une pollution radioactive en provenance des centrales selon une enquête de Mediapart. On fait le point.

Cette photo présente le remplissage d'un verre d'eau grace à une carafe. L'eau est clair et la photo est prise dans une environnement lumineux.
Une enquête de Mediapart à partir de données de santé publique révèle une pollution radioactive de l'eau du robinet, due aux centrales nucléaires. (Illustration GETTY IMAGES)

"C'est une pollution permanente et quasi invisible", alerte Mediapart en introduction de son enquête sur la pollution radioactive de l'eau du robinet en France. Un peu moins de 10 millions de personnes, environ un habitant sur sept, vit dans un endroit où le tritium, une forme radioactive de l’hydrogène, a été détecté dans l’eau potable au moins deux fois, et à un niveau au moins cinq fois supérieur au bruit de fond.

Cette analyse a été établie par Mediapart et la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD), à partir des données des agences régionales de santé (ARS) et d'analyses d'urines. Ces rejets proviennent des centrales nucléaires situées sur les fleuves principaux (Seine, Loire, Rhône, etc.)

Selon ces données des Agences régionales de santé, le bruit de fond naturel du tritium est généralement inférieur à 2 Bq/l, mais des pics atteignant 65 Bq/l ont été mesurés à Châtellerault (Vienne) en 2017.

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Des communes comme Agen (56 Bq/l en 2019), Angers (54 Bq/l en 2019) et Blois (42 Bq/l en 2024) sont situées en aval de centrales nucléaires et sont particulièrement touchées. EDF rejette le tritium dans les fleuves à des moments spécifiques pour maximiser la dilution, mais les niveaux restent parfois élevés.

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L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) confirment que plus de 75% du tritium en aval provient des rejets liquides industriels. Dans son enquête, Mediapart partage une carte de France interactive avec les taux anormaux relevés dans différentes communes.

"Les grands secteurs dans lesquels on détecte du tritium sont toujours à peu près les mêmes. Il s’agit des agglomérations qui sont sur les cours d’eau le long desquels se trouvent des centrales nucléaires : la Seine, la Loire, la Vienne, la Garonne et le Rhône."

Julien Syren, codirecteur de la Criirad à Mediapart.

L'IRSN et la CRIIRAD expliquent que, bien que les rayonnements bêta du tritium soient faibles, leurs effets internes peuvent inclure des dommages à l'ADN, des troubles physiologiques, et un risque accru de maladies comme le cancer. La diffusion dans l'organisme s'explique par la nature hydrogénée du tritium, qui s'intègre facilement à l'eau corporelle.

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Des publications comme celles des scientifiques Timothy Mousseau et Sarah A. Todd indiquent que l'exposition interne au tritium, même à faible dose, peut avoir des conséquences biologiques importantes.

En France, la limite de 100 Bq/l est bien inférieure à celle des États-Unis (740 Bq/l), mais des scientifiques, comme ceux de l’agence environnementale de Californie, plaident pour un abaissement à 15 Bq/l pour limiter les risques de cancer.

"Le groupe de travail recommande, comme objectif de santé publique, que la concentration de tritium dans l’eau potable soit maintenue au niveau le plus bas qu’il soit possible d’atteindre", explique aussi un rapport de l'Institut national de santé publique du Québec.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) fixe un seuil de 10 000 Bq/l pour l'eau potable, ce qui est jugé problématique par des contre-expertises comme celle de la CRIIRAD, critiquant les modèles de calcul utilisés pour évaluer les risques.

L'IRSN avertit que les réacteurs EPR2 en construction pourraient produire plus de tritium que les réacteurs actuels, augmentant potentiellement les rejets dans les cours d'eau.

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"Les réacteurs EPR [comme celui en cours de finalisation à Flamanville, dans la Manche – ndlr] et EPR2 étant plus puissants, avec environ 1 600 mégawatts, que les réacteurs à eau pressurisée du parc actuel, la quantité de tritium produite par ces réacteurs devrait être supérieure", a expliqué l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) à Mediapart.

La CRIIRAD appelle à une surveillance renforcée et à une limitation des rejets pour protéger les populations vulnérables, en particulier les femmes enceintes et les enfants. Elle alerte aussi sur les ressources en eau potable qui seraient impactées directement en cas d’accident grave de centrale nucléaire.