Décalage

Noircis par la presse, blanchis par la justice… Comme Eric Woerth il y a quelques jours - dans un tout autre contexte - Dominique Strauss-Kahn et ses coaccusés ont été relaxés au terme d’une longue procédure, après avoir fait souvent les gros titres des journaux. Comme il est de bonne guerre, ils ont accusé les médias. Nous sommes «dans une société liberticide», a dit Eric Woerth ; la vie de DSK, a déclaré son avocat, «a été étalée sans aucun respect». L’opinion peut aussi s’interroger. Tout ça pour ça ? Pourquoi ce décalage entre les éléments à charge maintes fois diffusés et la relaxe finale ? Il faut donc s’expliquer. La presse peut d’abord rappeler que, dans les deux affaires, c’est la justice qui est l’initiatrice : sans enquête, sans mise en examen, sans renvoi devant le tribunal, point d’articles. Mais ce serait un peu facile : en diffusant les éléments à charge, les médias conduisent un procès avant le procès régulier, qui piétine le secret de l’instruction. Mais imaginons l’inverse. Imaginons que la presse s’abstienne de parler des affaires en cours alors que les soupçons ont une consistance. Que ne dirait-on pas ? Omerta, connivence avec les puissants, frilosité coupable ! Le public ne manquerait pas de fustiger «l’entre-soi des élites». Dans l’affaire DSK, les associations qui ont instruit le procès de la prostitution n’auraient pas manqué de rendre les journaux trop discrets complices de cette exploitation. En éclairant d’une lumière crue ces pratiques, la presse a permis à chacun de se faire une idée de ce commerce peu ragoûtant. Et comment taire les démêlés judiciaires - et les imprudences - de l’un des principaux candidats à la présidentielle ? Il y eut des excès, des dérapages ? Ils doivent être corrigés. Mais dans ces affaires, comme l’ont décidé in fine les tribunaux nationaux et européens, le silence serait pire que le fracas journalistique.



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