Duralex : comment les verres de notre enfance ont évité la casse

En crise depuis trois décennies et plombée par la crise énergétique, la mythique entreprise française Duralex a bien failli mettre la clé sous la porte. C’était sans compter sur la résilience de ses salariés.

Duralex : comment les verres de notre enfance ont évité la casse (Crédit :   REUTERS/Benoit Tessier)
Duralex : comment les verres de notre enfance ont évité la casse (Crédit : REUTERS/Benoit Tessier)

Duralex va bien souffler ses 80 bougies en 2025 et cet anniversaire relève du miracle au regard des difficultés économiques rencontrées par l’entreprise française depuis trente ans (concurrence chinoise, Covid, propriétaires peu scrupuleux…). L’explosion des prix de l’énergie consécutive à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a bien failli lui porter le coup de grâce. La marque emblématique du verre trempé, célèbre pour ses numéros au fond des verres, avait finalement été sauvée des eaux par un prêt de l’État de 15 millions d’euros. Insuffisant pour remettre de l’ordre dans les comptes de la verrerie en déclin depuis la fin des années 90 et le départ de son fondateur, le groupe Saint-Gobain.

En 2023, l’entreprise fondée en 1945 dans le Loiret, reconnaît de "nouvelles difficultés" et des pertes dues à une "concurrence exacerbée". Duralex est logiquement placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce d'Orléans le 24 avril 2024. On imagine alors mal les futurs écoliers continuer à regarder leur "âge" au fond de leur verre à la cantine.

Si Duralex est réputée pour ses verres incassables, ses salariés sont dans la même veine. Secoués par les tempêtes, ses 226 employés ont choisi de prendre tous les risques financiers pour sauver leur travail et leur entreprise. Comment ? En créant, en août 2024, une Scop (société coopérative de production) avec le soutien de la région Centre - Val de Loire et de la métropole d’Orléans. Concrètement, les salariés sont désormais actionnaires majoritaires de Duralex. En septembre dernier, 138 de ses 226 salariés étaient entrés au capital avec une participation de 500 euros minimum. Charge à eux désormais de valider les grandes orientations et les investissements de l’entreprise. Un mois après sa reprise en coopérative, la verrerie a aussi reçu le soutien d’une autre entreprise, chantre du made in France : le Slip Français.

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La marque de vêtements tricolore et la verrerie née il y a 80 ans ont présenté un projet unique pour soutenir les salariés Duralex dans cette reprise. Baptisée "Allons enfants de la cantine", la série collector réunit six gobelets gravés de diverses maximes, dont le fameux "Et toi t’as quel âge ?". Un geste naturel pour le roi français des sous-vêtements masculins. "J'avais fait un post au moment de l'annonce du redressement judiciaire qui a été très partagé, rembobine Léa Marie, directrice générale du Slip Français, chez nos confrères d’Ici Orléans. Mais on s'est dit qu'on devait aller plus loin et aider Duralex". Le Slip Français a donc commercialisé sur son site 50 000 packs de verre Gigogne Duralex affichés à 35 euros et des caleçons estampillés Duralex à 30 euros l’unité.

Après des mois de tempête, l’horizon semble progressivement se dégager. Juste avant les fêtes de fin d’année, le 12 décembre, Duralex a ouvert une boutique éphémère en plein centre d’Orléans. Les clients ont afflué pour acheter les verres iconiques fabriqués à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret). Même les salariés-actionnaires ont été surpris de l’engouement. "On ne s’attendait pas à un tel succès, avoue Estelle Delbano, responsable du service clients chez Duralex pour Les Dernières Nouvelles d'Alsace. Je crois que plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Tout d’abord parce que Duralex est lié à une certaine image de l’industrie française, c’est une marque emblématique qui rappelle des bons souvenirs de l’enfance et pour toutes les générations", ajoute la responsable. Un autre magasin éphémère devrait ouvrir cette année à Paris.

Et comme les bonnes nouvelles n’arrivent jamais seules, l’entreprise a aussi obtenu un prêt de 750 000 euros de l’État pour repartir de plus belle. Pour Duralex, l’objectif annoncé est désormais d’atteindre 40 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2029. En 2023, les ventes de Duralex sont tombées à 24,6 millions d’euros, contre plus de 31 millions en 2022. Rendez-vous dans dix ans pour les 90 ans de la marque ?