Durée limitée ou totale liberté: comment ces parents gèrent les écrans des enfants pendant les vacances
C'est la difficulté des parents pendant les vacances: les enfants sur les écrans. Smartphone, console, télévision... Certains conservent des limites, d'autres lâchent du lest. Témoignages et astuces de parents.
Des enfants hypnotisés par les dessins animés, des journées passées sur les consoles de jeux vidéo, des adolescents accrochés à leur smartphone... Les vacances sont parfois synonymes de prises de tête pour les parents. Car entre la télévision, l'ordinateur, la tablette, la console et le téléphone portable, la tentation est grande pour les enfants et les adolescents de passer leurs journées et leurs soirées sur les écrans.
À Mâcon chez Cécile, une mère de famille de quatre enfants âgés de 5 à 15 ans, c'est surtout avec son fils de 9 ans que ça coince depuis le début des vacances. Le garçon s'est accaparé l'ancien ordinateur de sa mère (pour regarder des youtubeurs jouer à des jeux vidéo) ainsi que son ancien téléphone portable (pour jouer à un jeu de construction).
Problème: il est déjà arrivé qu'il passe dix heures en une seule journée à jouer sur le téléphone. "J'en ai honte", confie à BFMTV.com Cécile, AESH de métier. Coup de chance: la télécommande de la télévision a été perdue. "Pour de vrai", précise Cécile.
"Ça fait un écran en moins."
Son aînée doit prochainement rentrer de colonie de vacances. Un retour que Cécile appréhende. "Je sais déjà qu'elle va s'enfermer dans sa chambre avec le téléphone dont elle a été privée pendant son séjour." Et sans les limites du contrôle parental puisque l'adolescente a réussi à les contourner.
Cécile se sent dépassée -elle a même consulté une association spécialisée dans les addictions aux écrans pour tenter de trouver des solutions. "On m'a conseillé d'arrêter de contrôler le temps sur le téléphone, c'est vrai que c'était infernal et que ça ne créait que du conflit."
Sept heures sur Youtube
C'est ce que préconise Marie Danet, maîtresse de conférences en psychologie du développement à l'université de Lille et psychologue clinicienne. "L'application de contrôle parental procure un faux sentiment de sécurité, car les enfants parviennent souvent à les détourner", pointe-t-elle.
L'alimentation, le sommeil ou les écrans... "les vacances restent l'occasion d'un peu plus de souplesse que le reste de l'année", poursuit la spécialiste. "Il peut être plus néfaste d'être dans le conflit en permanence avec son ou ses enfants au sujet des écrans plutôt que de lâcher du lest pour avoir finalement de meilleures interactions."
Adeline a quant à elle décidé de lâcher totalement prise pendant les vacances. Cette secrétaire médicale, mère d'un garçon de 12 ans et d'une fille de 14 ans tous deux équipés de smartphones depuis leur entrée en 6e, a levé toutes les limites. "Toute l'année on est sur leur dos", explique cette Montpelliéraine à BFMTV.com. "Les notes, les devoirs, l'heure de coucher, le portable."
"Ça me pèse de les fliquer, je n'avais pas envie de ça pendant les vacances."
Depuis la fin de l'année scolaire, "on autorise tout". Même sur l'heure de coucher, les deux adolescents vont au lit quand bon leur plaise. "Mais il faut reconnaître qu'ils ont bien travaillé toute l'année, qu'ils participent aux tâches ménagères et qu'ils ne sont pas compliqués à vivre."
Son conjoint a tout de même remarqué que le cadet avait récemment passé sept heures, en une seule journée, sur Youtube. "Heureusement, il n'y avait aucun contenu problématique, mais on lui a dit que ça faisait quand même beaucoup." Depuis, une limitation à trois heures quotidiennes a été fixée. "Il ne l'a pas mal pris", s'en étonne Adeline.
"S'ils me bananent, c'est terminé"
En moyenne, les 7-12 ans passent deux heures par jour sur les écrans. Une heure de plus pour les 13-15 ans. Et plus de cinq heures quotidiennes pour les 15-19 ans, selon un sondage Ipsos réalisé au printemps dernier pour le Centre national du livre.
Faut-il donc quand même fixer des limites pendant les vacances? Pour Vanessa Lalo, psychologue spécialisée dans les pratiques numériques, il n'y a pas de règle unique applicable à toutes les familles. "Tout dépend du contexte, de la maturité des enfants... Mais l'idéal est de conserver quelques repères", observe-t-elle pour BFMTV.com.
"Bien sûr on peut se permettre un peu plus de liberté. Mais on peut tout à fait lâcher la bride tout en restant cohérent avec les règles en place pendant l'année."
Pour sa part, Nathalie et son conjoint sont parvenus à négocier un compromis avec leurs quatre enfants de 8, 11, 13 et 15 ans. "Ils ont droit à trois heures de console ou de téléphone par jour à condition qu'ils lisent, fassent quelques pages de cahier de vacances pour les plus jeunes, se douchent et rangent leurs chambres", développe pour BFMTV.com cette aide à domicile qui vit à Arles.
À chaque fois que l'un d'entre eux attrape sa console ou son smartphone, le minuteur est donc lancé. Également dans le contrat: plus de console ni de téléphone à partir de 20 heures -ces derniers sont rangés pour la nuit dans une boîte prévue à cet effet- et une soirée zéro écran par semaine. En revanche, le dessin animé de l'après-midi, le film du soir ou la musique écoutée via le smartphone ne comptent pas. "Je ne suis pas une tortionnaire non plus", s'en amuse Nathalie.
"Pour l'instant, ils jouent le jeu, même si ça râle. Mais ils savent que s'ils me bananent, c'est terminé."
Avant de parvenir à cet accord, les vacances avaient pourtant mal commencé. Fin juin, les deux grands avaient terminé les cours. "Je partais le matin, ils étaient sur les écrans. Je rentrais le soir, ils étaient toujours sur les écrans. Rien de ce que je leur avais demandé n'avait été fait. C'était n'importe quoi. On a été obligé de reprendre les choses en main."
Quinze jours sans console
Pour Vanessa Lalo, les outils numériques ne sont pas forcément à proscrire pendant les vacances. "On peut tout à fait partager des moments de complicité, guider les enfants vers des contenus numériques de qualité", recommande-t-elle. Elle cite notamment les archives sur l'Ina, ou des youtubeurs qui proposent des contenus pédagogiques, de la vulgarisation scientifique...
"Les vacances peuvent être aussi l'occasion, pour les parents, de regarder les contenus qui intéressent leurs enfants pour mieux les connaître. Cela peut aussi permettre d'en discuter, d'en débattre et de faire de la prévention pour ne pas les laisser s'enfermer dans une bulle numérique dont on ne comprend rien."
Chez Élodie, qui travaille très tôt le matin dans la grande distribution, c'est souvent au moment où elle a besoin de faire une sieste qu'elle autorise ses deux aînés -8 et 12 ans- à jouer à la console. Console qui reste d'ailleurs dans le salon: "Je veux pouvoir vérifier ce qu'ils font", assure cette habitante des Vosges.
Les deux enfants ont également bénéficié de quelques heures de jeux vidéo supplémentaires aux premiers jours des vacances quand la météo n'a pas été favorable. "Mais quand je dis qu'on éteint, on éteint." Attention si les règles ne sont pas respectés: la sentence est de quinze jours sans console. "C'est déjà arrivé plusieurs fois."
Même technique chez Sophie, une enseignante qui vit dans le Var. Si ses deux aînés de 11 et 14 ans se comportent mal, ils sont privés de téléphone. "Je les préviens, je leur dis que s'ils n'arrêtent pas tout de suite leur crise, ils seront privés un jour, puis deux jours, trois jours... Au bout d'un moment, ils comprennent", détaille-t-elle.
Son fils doit d'ailleurs récupérer son smartphone après plusieurs jours de privation pendant leur séjour en Bretagne -"il ne me l'a pas encore demandé, c'est surprenant". Sa fille devra attendre encore un peu. "Mais ils sont toujours très gentils quand ils récupèrent leur téléphone."
Quant à la console, elle a disparu. Car régulièrement Sophie la cache pour en limiter l'usage par son adolescent. "Mais comme mon fils l'a trouvée plusieurs fois, j'ai changé de cachette et je ne la retrouve plus." Tant mieux, considère cette mère de famille, qui reconnaît tout de même y être "allée un peu fort."
Il n'en reste pas moins que pour Sophie, "la meilleure solution, c'est de leur proposer des sorties". Plage, piscine, balade, accrobranche, escape game... "Même si ce n'est qu'aller à la librairie pour acheter un livre, tout est bon pour se décrocher des écrans. Ce qui nous permet aussi de faire plein de choses ensemble."