Publicité

Du mieux pour la Sécu, mais une situation encore fragile

Le déficit de la Sécurité sociale a poursuivi sa baisse en 2016 mais sa situation financière n'est pas encore assainie et des réformes plus profondes s'imposent pour parvenir à un équilibre pérenne de ses comptes, à commencer par ceux, préoccupants, de l'assurance maladie, juge la Cour des comptes. /Photo d'archives/REUTERS/Christian Hartmann

PARIS (Reuters) - Le déficit de la Sécurité sociale a poursuivi sa baisse en 2016 mais sa situation financière n'est pas encore assainie et des réformes plus profondes s'imposent pour parvenir à un équilibre pérenne de ses comptes, à commencer par ceux, préoccupants, de l'assurance maladie, juge la Cour des comptes. Dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la Sécu publié mercredi, elle note que le déficit global - 7,0 milliards d'euros, dont 7,8 milliards pour le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) -, est revenu l'an passé sous son niveau d'avant-crise (2008), affichant une baisse de 3,3 milliards sur un an. Elle relève que, contrairement aux exercices précédents, cette baisse a eu une origine structurelle, indépendante de la conjoncture, et n'a pas résulté de nouveaux prélèvements, alors que ceux-ci ont explosé de 27 milliards d'euros depuis 2011. Ce constat positif est toutefois tempéré par celui de la prise en compte, côté recettes par le gouvernement de l'époque, d'un produit exceptionnel de CSG (contribution sociale généralisée) de 740 millions d'euros "dépourvu de toute base juridique", dit la Cour. La conséquence en est que l'effort réel réalisé en 2016 sur les comptes du régime général a été du même ordre de grandeur (2,3 milliards d'euros) que celui de 2015. La Cour note aussi que des recettes non récurrentes, chiffrées à 1,3 milliard, ont contribué de façon importante à la baisse du déficit en 2015 comme en 2016 et que les déséquilibres restent concentrés pour une large part sur l'assurance maladie. RISQUES SIGNIFICATIFS C'est dans ce contexte que le nouveau gouvernement a annoncé début juillet qu'il n'envisageait pas de retour à l'équilibre des comptes sociaux de la France avant 2020, un an plus tard que prévu par son prédécesseur. Il l'a fait juste avant que la commission des comptes de la Sécurité sociale ne relève ses prévisions de déficit du régime générale et du FSV pour 2017 à 5,5 milliards d'euros, là où la loi de financement votée à l'automne tablait sur 4,2 milliards, en raison d'un dérapage de la branche maladie. Pour la Cour des comptes, des risques significatifs pèsent sur cet objectif 2020, à commencer par l'accélération à compter de 2018 de la hausse des pensions de retraite identifiée par le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites, qui appelle des mesures correctrices. Au passage, elle reproche au précédent gouvernement d'avoir occulté les effets prévisibles de cette hausse en intégrant à son estimation de solde d'assurance vieillesse 2017 "des transferts implicites de recettes" en provenance des autres branches de la Sécurité sociale sans avoir informé le Parlement. L'autre difficulté tiendra au respect de la trajectoire de l'Ondam (objectif national des dépenses d'assurance maladie) que l'exécutif précédent avait fixé à +2% par an sur les prochaines années. MINORATIONS DE DÉPENSES Là encore, la Cour reproche encore au dernier gouvernement d'avoir eu recours à des "minorations" de dépenses, avec des reports sur des organismes tiers à l'assurance maladie, pour tenir son objectif de dépenses de santé 2016. Pour les mêmes raisons, elle estime que l'Ondam 2017, fixé à +2,1%, a été dans les faits sous-estimé de 0,3 point, soit l'équivalent de près de 600 millions d'euros. Pour enrayer cette dérive, la Cour souligne que des réformes sont nécessaires mais aussi possibles, comme en témoignent les résultats significatifs obtenus par la politique du médicament, avec des dépenses "en ville", dans la médecine privée, qui ont retrouvé en 2015 leur niveau de 2008. Elle propose d'aller plus loin dans ce secteur en prônant une baisse des coûts de distribution qui, à 8,3 milliards d'euros, représentent près d'un tiers de la dépense de médicaments remboursables dispensés par les pharmacies et même la moitié pour ce qui est des seuls médicaments génériques. Parmi les autres économies suggérées, figurent une réduction du "nombre élevé" de sites de chirurgie, parfois à faible activité, le recours à la télémédecine, marginal en France, ou encore une régulation plus forte des dépassements d'honoraires chez les médecins spécialistes "en hausse substantielle". Le contrat d'accès aux soins censé les réguler n'a eu à ce jour que des effets limités et un coût élevé : "en 2015, pour éviter un euro de dépassement, l'assurance maladie en a dépensé 15", constate la Cour. (Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)