Droits de douane sur les véhicules électriques chinois : la Commission reprend la main
Ce vendredi matin, les pays de l'Union européenne ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur la question de savoir s'il fallait frapper les véhicules électriques fabriqués en Chine de droits de douane plus élevés. Lors d'une réunion très attendu, un vote s'est soldé par un trop grand nombre d'abstentions (12 abstentions, 10 votes pour, 5 contre selon nos informations), obligeant la Commission européenne à reprendre la main pour mener sa proposition à son terme.
Si le résultat du vote de vendredi n'a pas été rendu public, des commentaires antérieurs suggèrent que la France, l'Italie et les Pays-Bas se sont prononcés en faveur de la proposition, tandis que la Hongrie s'y est fermement opposée. L'Allemagne, dont le puissant secteur automobile avait exercé une forte pression contre les droits de douane, serait passée de l'abstention au rejet à la dernière minute. L'Espagne avait aussi fait valoir ses craintes.
Le nombre élevé d'abstentions reflète des doutes de longue date sur la manière dont l'Europe doit s'opposer à la Chine. Bien que le consensus politique affirme que les pratiques commerciales déloyales de Pékin méritent une réponse énergique et unie, les craintes de représailles commerciales semblent avoir atténué la détermination de nombreuses capitales à mesure que la date décisive se rapprochait.
C'est maintenant à la Commission, qui a le pouvoir exclusif de définir la politique commerciale de l'Union, qu'il incombe de sortir de l'impasse et de veiller à ce que les droits de douane soient adoptés.
Étant donné que la Commission est très préoccupée par l'utilisation massive de subventions par la Chine pour promouvoir les producteurs nationaux et leur permettre de vendre leurs véhicules électriques à un prix artificiellement bas sur les marchés mondiaux, la conclusion est loin d'être surprenante.
L'exécutif européen avait précédemment averti que, sans une action énergique, les constructeurs automobiles de l'UE subiraient des pertes insoutenables, voire irrécupérables, et seraient évincés du marché lucratif de la mobilité nette zéro, avec des conséquences douloureuses pour 2,5 millions d'emplois directs et 10,3 millions d'emplois indirects à travers l'Union européenne. L'industrie de l'Union européenne est déjà dans la tourmente en raison des prix élevés de l'énergie, de la faible demande des consommateurs et de la concurrence mondiale féroce.
Les droits de douane supplémentaires visent à compenser les effets néfastes des subventions et à combler l'écart de prix entre les entreprises chinoises et européennes. Ils varient en fonction de la marque et de son niveau de coopération dans le cadre de l'enquête de la Commission (Tesla : 7,8%, BYD : 17%, Geely : 18,8%, SAIC : 35,3 %).
Concernant les autres producteurs en Chine ayant coopéré à l'enquête mais n'ayant pas fait l'objet d'un échantillonnage individuel encourent une hausse de 20,7% de droits de douane supplémentaire (+35,3% pour les autres compagnies ,'ayant pas coopéré à l'enquête).
Les droits de douane entreront en vigueur en novembre et seront perçus par les fonctionnaires des douanes.
Ils s'ajouteront au taux actuel de 10 %. Dans la pratique, cela signifie que certains constructeurs automobiles chinois devront bientôt payer des droits de douane de plus de 45 % lorsqu'ils tenteront d'introduire leurs produits dans le marché unique.
Pékin et Berlin, principaux perdants
La résolution de vendredi ne va pas manquer de déclencher la fureur de Pékin.
Dès le départ, la Chine a dénoncé l'enquête de la Commission comme un "acte protectionniste pur et simple", et a toujours nié l'existence de subventions qualifiant les conclusions de la Commission de "construites artificiellement et exagérées" et a menacé de prendre des mesures de rétorsion contre les industries européennes des produits laitiers, du brandy (lien en anglais)et de la viande de porc, tirant ainsi la sonnette d'alarme dans certaines capitales.
Parallèlement, les autorités chinoises ont engagé d'intenses discussions avec leurs homologues de l'Union européenne afin de trouver une solution politique qui permettrait d'éviter l'imposition de droits supplémentaires. L'une des options possibles était que les producteurs s'engagent à établir des prix minimums pour leurs véhicules électriques, bien que la mise en œuvre de cette solution puisse s'avérer difficile et vulnérable aux failles.
Malgré la résolution de vendredi, les négociations entre l'UE et la Chine devraient se poursuivre jusqu'au 30 octobre, date limite fixée par l'enquête de la Commission.
Les pourparlers sont également une priorité pour l'Allemagne, qui craint que la riposte de Pékin n'aggrave encore la situation de son économie morose. Les entreprises allemandes ont passé les deux dernières décennies à développer leurs relations commerciales avec la Chine afin de vendre leurs exportations à une classe moyenne de plus en plus riche. Toute mesure de rétorsion pourrait porter un coup dur à ces liens bien établis.
"Bien entendu, nous devons protéger notre économie contre les pratiques commerciales déloyales", a déclaré cette semaine le chancelier Olaf Scholz. "Toutefois, notre réaction en tant qu'UE ne doit pas nous porter préjudice. C'est pourquoi les négociations avec la Chine sur les véhicules électriques doivent se poursuivre."
Le fait que les droits de douane soient finalement appliqués met en évidence la diminution de l'influence de Berlin à Bruxelles, où les luttes internes au sein de la coalition tripartite d'Olaf Scholz ont souvent provoqué la frustration et l'exaspération des diplomates.
L'introduction des droits de douane constitue également une approbation de la politique chinoise d'Ursula von der Leyen. La chef de la Commission s'est attiré les louanges pour sa stratégie lucide et pragmatique vis-à-vis de Pékin. Elle a ainsi mis fin à la complaisance politique qui est aujourd'hui tenue pour responsable de la myriade de dépendances critiques que l'Union européenne a créées avec la Chine.